Avec une population carcérale estimée à 2 472, la prison de Rebeuss, dont la capacité d’accueil est de 600 détenus. Selon Ibrahima Sall, président de l’Association pour le soutien et à la réinsertion des détenus du Sénégal, la tranche d’âge de cette population est comprise entre 18 et 40 ans.
Le président de l’Association pour le soutien et à la réinsertion des détenus du Sénégal jette sur regard critique sur les conditions de détention en prison. Selon Ibrahima Sall, la prison de Rebeuss, construite depuis 1929, a dépassé sa capacité d’accueil. Au départ, elle a été prévue pour 600 détenus. Aujourd’hui, avance-t-il, elle se retrouve avec une population carcérale qui tourne autour de 2472 prisonniers qui, dit-on, vivent dans des conditions « ignobles », « cruelles », et « inhumaines ».
« Je vous donne l’exemple de la chambre 9. Sur une dimension de 9 mètres sur 8, il y a plus de 200 détenus dedans, dans des conditions inhumaines. Le plus ancien d’entre eux s’appelle Moustapha Sow. Il a été placé sous mandat de dépôt, depuis 2005. Et il attend toujours d’être jugé. Nous demandons aux autorités étatiques de le libérer pour des raisons humanitaires», plaide l’ancien pensionnaire de Rebeuss, qui annonce avoir passé plus de 3 ans en prison, après six mois de détention provisoire. Incarcéré pour le délit de recel, l’ancien «leader» de la chambre 9 renseigne que Rebeuss reçoit 600 à 800 plats de repas par jour pour les détenus.
Hormis M. Sow placé sous mandat de dépôt, le 03 janvier 2005, pour avoir tué un de ses voisins, le président de l’Association pour le soutien et à la réinsertion des détenus du Sénégal renseigne que les détenus Bakary Cissé, chef de la chambre 14, Mangoné Diop, Mangoné Kassé, chef de la chambre 9, Pape Thiam (chambre 31), Amdy Moustapha Barry de la chambre 38, entre autres, ont fait 10 ans ou plus en prison et attendent toujours d’être fixé sur leur sort. « Ces personnes sont oubliées à Rebeuss », s’énerve Ibrahima Sall qui ajoutant que le détenu Moustapha Sow ne jouit plus de ses facultés mentales. «Nous demandons au président de la République, au procureur, au ministre de la Justice, etc. de le libérer au nom de tous les détenus du Sénégal pour des raisons humanitaires. Des déficients mentaux sont incarcérés dans ces prisons. Leurs droits les plus élémentaires ne sont pas respectés dans les prisons. Ils ne mangent pas à leur faim », révèle-t-il.
Ibrahima Sall : « J’invite le Président Macky Sall à effectuer une visite surprise à Rebeuss… Il va pleurer »
En 2014, le procureur général et le procureur de la République s’étaient déplacés à Rebeuss. A cette époque, les prisonniers observaient une grève de la faim. A cette occasion, Ibrahima Sall était le porte-parole de ses camarades. « J’avais demandé au procureur Bassirou Guèye de libérer Moustapha Sow. Et il s’était engagé à le faire, dans les 15 jours. Malheureusement, il est toujours en prison », se désole M. Sall, qui invite le Président Macky Sall à effectuer une visite surprise à Rebeuss pour constater les conditions de vie «misérables» des détenus. «S’il le fait tardivement la nuit, je vous assure qu’il va libérer tous les prisonniers. Il va même pleurer, parce que leur condition de vie est inhumaine. C’est injuste dans ce Sénégal cité comme exception démocratique en Afrique de l’Ouest », s’insurge-t-il.
Selon le rappeur Malal Talla alias «Fou Malade», qui regrette les longues détentions, les cabinets d’instructions ne suffisent pas, et les frais de justice ne sont pas toujours payés. Conséquence : les prisons du pays dépassent le nombre de personnes qu’elles doivent contenir. « Si vous vous rendez à la chambre 9, elle contient plus de 210 personnes. C’est inadmissible. Les prisonniers sont entassés comme des sardines. Ce qui veut dire que l’état de nos prisons est véritablement déplorable », martèle le membre du mouvement Y en a marre.
Avant de souligner qu’il faut des mesures humanitaires dans le cadre de la réhabilitation des lieux de détention, revoir les motifs de condamnation ou des mandats de dépôt. Le rappeur de constater : « Il y a énormément de gens qui sont en prison dont la plupart sont des fils de pauvres. Depuis des années, ils attendent d’être jugés. Et, l’Etat n’a rien prévu pour les indemniser. Il y a même des détenus dont les dossiers sont perdus par l’administration. Si on ne règle pas cette question de longue détention, le nombre pléthorique…, on risque de vivre une mutinerie.»
A Kaolack, Thiès, Saint-Louis, Louga…, «Fou malade» fait observer qu’énormément de détenus attendent d’être jugés. « A l’intérieur du pays, on n’a pas plus de deux cabinets d’instruction. Alors qu’à Dakar, avec une population carcérale très nombreuse, le nombre est estimé à 10. Quand on dit que les chambres criminelles ont remplacé les assises, je dis qu’il y a incohérence à ce niveau. Parce que le problème reste entier.»