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Nafi Ngom Keita: Rebelle et fière de l’être
Publié le mardi 9 aout 2016  |  Enquête Plus
Passation
© aDakar.com par DF
Passation de services à l`Ofnac
Dakar, le 7 août 2016 - La présidente sortante de l`Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) et la présidente entrante, ont effectué, vendredi, leur passation de services.




Le clin d’œil de l’ex-patronne de l’Office national de lutte contre la corruption (Ofnac) à Ousmane Sonko n’est pas passé inaperçu hier, en passant le témoin à Seynabou Ndiaye Diakhaté. Point commun entre ces deux ‘‘rebelles’’ contre le conformisme administratif : faire fi de l’obligation de réserve.

Comme à l’accoutumée, Nafi se départit rarement de son voile noire assorti aux montures de ses lunettes. Hier, pour la passation de service d’avec ‘’son amie’’ et successeur, Seynabou Ndiaye Diakhaté, à la tête de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption, seul le jaune éclatant de son‘‘ndokett’’ (robe sénégalaise) qu’elle arborait fièrement suggérait une concession à la coquetterie. Le dressing-code de la désormais ex-boss de l’Ofnac ne souffre généralement pas de fioritures, frisant même l’austérité. Tout à l’image de cet Elliot Ness, version féminine tropicale.

‘‘ C’est une femme qui a toujours été droit dans ses bottes. Elle est d’une intégrité morale au-dessus de tout soupçon malgré tout ce qu’on raconte sur elle. C’est une femme travailleuse et pieuse’’, lâche un proche qui a travaillé sous ses ordres. Sur son front, une exfoliation noire sur le front ressemble au prolongement naturel de sa coiffe et témoigne ‘‘d’une assiduité à la prière’’, poursuit-il. Et à l’en croire, le recours à la Cour suprême pour contester son limogeage ‘‘ira à terme, quel que soit le résultat’’, comme elle l’a confirmé du reste, hier.

C’est donc cette femme au teint clair qui a mis la galaxie ‘‘mackyste’’ sens dessus-dessous au point que cette semaine, tout ce que le Sénégal compte de responsables influents se sont relayés dans la presse, ou en sourdine, pour l’exhorter à ne pas aller à la confrontation judiciaire concernant son remplacement à la tête de l’Ofnac. L’ex-Premier ministre Aminata Touré et le médiateur de la République Alioune Badara Cissé très courtois ; Abou Abel Thiam de l’Artp, Abdou Mbow de l’Assemblée nationale, Seydou Guèye porte-parole du Gouvernement, Oumar Youm chef de cabinet du Président, un peu rentre-dedans ; et même les très influents centres confrériques, Touba et Tivaouane, ont envoyé des émissaires pour tempérer les ardeurs de la dame. Elle semble s’en tenir à sa ligne de conduite. ‘‘Au-delà de ma personne, l’image que l’on peut se faire de la présidente de l’Ofnac est importante. Notre principal input, celui dont dépendront dans une large mesure les résultats et les impacts des actions de l’Office, c’est bien la crédibilité qui nourrit l’engagement patriotique’’, déclarait-elle en début janvier 2015 quand son intransigeance à faire faire la déclaration de patrimoine aux autorités avait poussé, selon elle, un ministre à la menacer au téléphone nuitamment.

Chantiers de Thiès

Mais dans les milieux hostiles, une réputation de peau de vache la précède ; tout comme son alter ego masculin, Ousmane Sonko, l’autre actuel poil-à-gratter du régime. Nafi Ngom n’en a que faire. A son actif, des cailloux dans les chaussettes de pontes de la République : une vive polémique sur la déclaration de patrimoine du premier président de la Cour suprême, la recevabilité d’une plainte contre le maire de Guédiawaye et frère du président de la République, des déclarations accablantes contre le Dg du centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud) lors de sa conférence de presse en mai dernier, cet administrateur civil avait tout ce qu’il ne faut pas, selon ses détracteurs, pour être à cette place : la retenue. ‘‘Elle viole allègrement l’obligation de réserve quand ça lui chante. Ce qui n’est pas normal’’, persifle ce collaborateur d’un ministre au bout du téléphone. La première exposition médiatique a été l’affaire des chantiers de Thiès quand elle jeta la presque ésotérique Inspection générale d’Etat (Ige) sur les feux de la rampe en accordant une interview à Walf fm. Certaines personnes lui reprochent toujours d’avoir foncé sabre au clair dans un dossier ‘’piégeux’’ sur lequel la lumière se fait toujours attendre.

Cursus hyper riche...sans le bac

Première femme vérificateur de l’Inspection générale d’Etat, première présidente de l’Ofnac, cette ancienne sage-femme ne détient pourtant pas le premier diplôme universitaire sénégalais : le baccalauréat. Et ses détracteurs ne se privent pas d’une telle ‘‘aubaine’’ pour tailler des croupières à ce ‘’Zorro’’ de la bonne gouvernance. Évoquant son passé de ‘‘sage-femme qui n’a pas le baccalauréat’’, cette source de s’étonner qu’elle ait fait une carrière aussi brillante.

En ces temps de grande offensive anti-Nafi, difficile de démêler une once d'objectivité dans cet écheveau de critiques pour ceux qui estiment ‘‘ses compétences surévaluées’’. Un diplôme manqué qui est presque une peccadille au vu d’un cursus qui rendrait un bachelier vert de jalousie : membre de l’Association des inspecteurs généraux américains, Master en Administration publique (MPA) en 2013 à John Jay College of Criminal Justice de la Cité universitaire de New York (CUNY) aux Etats-Unis, diplômée de l’Ecole nationale d’administration et de la magistrature (Enam) d’où elle est sortie avec un brevet, détentrice d’un master en finances et gestion publique ainsi que d’un diplôme de la Fondation canadienne pour la vérification intégrée, l’ex-infirmière n’a pas à rougir du bac. Nommée vérificateur général du Sénégal le 6 juillet 2006, elle apporte sa touche dans la gestion des biens publics. Après de bons résultats, c’est tout naturellement qu’elle est portée à la tête de la nouvelle structure anti-corruption, l’Ofnac, le 25 juillet 2012.

Très mauvais casting

Le point d’achoppement réside dans ce que les autorités utilisent trop souvent comme pare-choc quand elles sont acculées par la reddition de comptes : l’obligation de réserve. Et comme la dame n’est pas du genre à faire des risettes pour obtenir quelque rosette que ce soit, le couperet est vite tombé. ‘‘Je refuse de me taire (...). Je suis légalement autorisée à communiquer conformément à la Déclaration de Jakarta qui consacre la déclaration de patrimoine. Je dois communiquer pour sensibiliser sur les prérogatives qui sont les nôtres mais aussi et surtout pour éviter la désinformation qu’on peut véhiculer sur l’institution qu’est l’Ofnac’’, s’était-elle défendue. Des éclaircissements qu’elle a tenu à faire, en marge de l’atelier de Planification des actions stratégiques de l’institution qu’elle a dirigée en février 2015.

Entre un Président Sall qui a juste voulu divertir la galerie avec une nomination ‘‘destinée à la consommation extérieure’’, comme le pense le journaliste et chroniqueur Mamadou Omar Ndiaye, et une ancienne inspectrice générale d’Etat qui tient le mot ‘‘simulation’’ en aversion, un quiproquo s’est vite installé quant à la limite à ne pas franchir. De nature tenace, Son entêtement a réussi à importuner ministres et hauts fonctionnaires de l’Etat quant à un exercice dont ils se croyaient exempts grâce à leur position : déclarer leur patrimoine avant et après leur fonction et ce, conformément aux instructions du chef de l’Etat. Pourtant, un effet boomerang répressif s’abat sur la tête de celle qui naguère incarnait un concept qu’on semble désormais utiliser à titre de facilité démagogique : la bonne gouvernance. Les sorties-brûlot de Nafi Ngom dans la presse ont déplu au plus haut point. L’aphasie de son successeur, Seynabou Ndiaye Diakhaté, lors de la cérémonie de passation d’hier, prouve qu’on est déjà retourné à l’ère de la cachotterie officielle.
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