Cheikh Bakhoum, qui a volé plusieurs millions au Khalife général des mourides, a reconnu les faits à la barre du Tribunal de Diourbel où il a comparu hier. Le procureur a requis 5 ans.
Pris la main dans le sac, Cheikh Bakhoum, qui n’est pas un repris de justice, n’a pas nié les faits à la barre. Habillé pour la circonstance en djellaba de couleur blanche, âgé de 23 ans, il ne mesurait pas la gravité de la faute qu’il a commise depuis qu’il fréquentait le domicile du khalife où il effectuait certaines tâches. Ayant mûri son plan qui consistait à s’enrichir vaille que vaille, Cheikh Bakhoum comme il l’a reconnu à la barre avait subtilisé une clé de la chambre où était gardé l’argent pour pouvoir commettre tranquillement ces vols répétés.
A la question du Président, à combien s’élève le montant qu‘il a subtilisé dans la chambre de dépôt, Cheikh Bakhoum dit ne pas connaître le montant. Toutefois, il avouera avoir acquis deux Toyota, communément appelés Mbacké-Touba, une Peugeot 406, un scooter, une charrette, un âne et un magasin de vente de pièces détachées. Et Cheikh Bakhoum éclaire la lanterne de la cour : «J’ai fait un an dans la maison du khalife. Lorsque j’ai pris la clé, je n’avais qu’un seul objectif, à savoir voler de l’argent. Lorsqu’on m’a arrêté, je détenais un paquet de liasses de billets de banque de 10 millions de nos francs. Avec l’argent, j’ai acheté 2 Toyota qui roulaient à Mbacké, un véhicule 406 et une charrette. Je n’ai jamais dit à Thierno Loum la provenance de l’argent. Pour muter les véhicules, je remettais l’argent à Thierno Loum. Les deux Mbacké-Touba ont coûté respectivement 5,9 et 5,6 millions, j’ai aussi acheté une moto et réfectionné notre maison. Je ne peux dire avec exactitude les montants volés.» Son complice Thierno Cheikh Loum a catégoriquement nié être impliqué dans cette histoire. Il réfutera de connaître la provenance de l’argent que son ex-sirouman (assistant) lui confiait pour acheter des véhicules dont certains seront mutés à son nom. Il avance : «Je ne reconnais pas les faits. Cheikh Bakhoum, je l’ai connu parce que je l’employais dans mon taxi comme sirouman. Il m’avait confié de l’argent mais j’ignorais la destination. Je l’ai vu construire chez lui mais cela n’avait pas éveillé des soupçons. Il m’avait dit que c’est son grand-frère émigré qui lui envoyait de l’argent. J’ai acheté les véhicules pour lui. Un véhicule a été muté à mon nom, un autre au nom de Dame Seck, un ami. La 406 a aussi été mutée à mon nom. J’ai recruté les chauffeurs qui conduisaient les véhicules.» Renversant !
Devant de tels faits, Me Serigne Khassimou Touré, avocat de la partie civile, a eu du mal à cacher sa stupéfaction : «Serigne Cheikh Sidy Moctar ne méritait pas cela. Cette affaire lui fait une mauvaise presse. Il n’en avait pas besoin. Cet argent appartient à la communauté mouride. Les faits de la cause sont très simples. Ils sont poursuivis des faits d’association de malfaiteurs, de vol en réunion avec des circonstances aggravantes. Ils sont coupables. Le délit d’association de malfaiteurs est établi. Il a essayé de blanchir l’argent.» Il refait le scénario de l’affaire : «C’est Cheikhouna Loum qui conceptualisait tout. L’intention délictuelle était assisse. Ils avaient agi en connaissance de cause. Vol avec des circonstances aggravantes commis la nuit, avec de fausses clés, avec effraction. Ce dossier est clair comme l’eau de roche. Le vol avec circonstances aggravantes est manifeste. C’est des vers nuisibles à la société. C’est une question de sécurité du khalife qui se pose avec acuité dans l’entourage du khalife général des mourides.» L’avocat fera aussi le procès des chambellans : «C’est un dossier de routine. Ce qui le différencie des autres dossiers, c’est la personnalité de la victime. La victime ici, en l’espèce, c’est Cheikh Sidy Moctar Mbacké, le khalife général des mourides et j’ai eu à le dire à l’occasion de ma plaidoirie, ce ne sont pas les biens matériels qui l’intéressent. Cet argent appartient à la communauté mouride et il n’en est que le gardien. Il est détourné des choses bassement mondaines. Il n’a comme viatique que de servir Dieu, son prophète et Cheikh Ahmadou Bamba. Donc, par voie de conséquence, cette affaire doit servir de bréviaire, d’exemple pour que ceux qui sont prés des marabouts, qu’on prenne attention sur ce qu’ils font.» La partie civile a demandé le franc symbolique bien que l’avocat ait demandé une condamnation lourde. Me Touré ajoute : «Elle n’a jamais demandé des dommages et intérêts. L’argent ne l’intéresse pas.»
Délibéré le 12 août
Dans son réquisitoire, le ministère public a demandé aux juges de reconnaître les deux prévenus coupables et de les condamner à 5 années d’emprisonnement ferme. «Les faits sont constants. Cheikh Bakhoum et Thierno Cheikh Loum, il faut les extirper de la société, les mettre hors d’état de nuire.» Appelé à défendre son client, Thierno Cheikh Loum, Me Serigne Diongue, a plaidé pour une application bienveillante de la loi. «Ils ont fauté, mais ils resteront talibés de Serigne Touba. Il faut relaxer Cheikhouna des faits pour lesquels il est poursuivi. Si vous estimez devoir le retenir, pensez au recel. Faites lui une application bienveillante de la loi», prie-t-il. Le délibéré est fixé au 12 août.