Le bras de fer engagé par l’ancienne patronne de l’Office national de lutte contre la corruption (Ofnac) n’est pas prêt de s’arrêter. Mme Nafi Ngom Keïta a profité de la passation de service pour se justifier. Son combat, elle dit le mener contre la décision «illégale» du Président Macky Sall à son encontre.
Les exhortations de certains grands marabouts et les conseils amicaux d’hommes politiques n’auront pas réussi à convaincre Nafi Ngom Keïta de renoncer à son recours en justice. L’ex-patronne de l’Office national de lutte contre la corruption (Ofnac), qui passait hier le témoin à son successeur, la magistrate Seynabou Ndiaye Diakhaté, est revenue sur le recours qu’elle a déposé à la Cour suprême pour s’insurger contre son limogeage. Selon Mme Keïta, ce recours vise essentiellement à dénoncer un décret «illégal» pris par le Président de la République. «Mon combat, notre combat, le combat de tout un peuple est une question de responsabilité, un combat de principe, un combat pour la sauvegarde de la société démocratique, qui dépasse les contours de la démocratie institutionnelle. C’est précisément la principale raison de mon recours à la cour Suprême, du fait que le chef de l’Etat a mis terme illégalement, au mandat de la Présidente de l’Ofnac. Je tiens à préciser que ce recours ne vise nullement la personne du Président de la République, mais bien la décision illégale qu’il a prise. Il ne vise pas non plus la remplaçante Mme Seynabou Ndiaye.»
Selon Mme Keïta, il serait paradoxal qu’elle n’agisse pas devant l’injustice qui la frappe. «En réalité, il serait paradoxal que l’Ofnac qui est devenu un espace de libre expression des frustrations nées de la corruption et de diverses formes d’injustice publique, subisse à travers ma personne une injustice sans la dénoncer par les moyens appropriés», indique-t-elle. Selon l’inspectrice générale d’Etat, «quelle que soit l’issue de ce recours, le Sénégal en sortira gagnant, car le droit administratif et la jurisprudence administrative en seront renforcés». En effet, souligne la dame, «même le Président doit respecter la loi».
En s’adressant à ses anciens collaborateurs, Mme Keïta n’a pas manqué de saluer «leur valeur organisationnelle mais également la discrétion et la responsabilité qui ont fait qu’à ce jour, il n’y a jamais eu de fuite de données confidentielles, qu’il s’agisse des déclarations de patrimoine ou du contenu des enquêtes». Nafi Ngom martèle qu’il n’y a jamais eu de violation du droit de réserve dans la mesure où dit-elle, la convention des Nations unies et celle de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) recommandent la dénonciation des actes de corruption. «Il y a secret d’Etat et secret contre l’Etat. Ce n’est pas la même chose», dira-t-elle, pince sans rire.
Mme Keïta qui a reconnu qu’aussi bien le Khalife général des mourides que le porte-parole de la famille religieuse de Tivaouane lui ont dépêché des émissaires, compte poursuivre sa croisade. Elle promet ainsi de nouvelles empoignades dès la semaine prochaine. «Pour ce qui est de la campagne de dénigrement dont je fais l’objet, campagne qui frise souvent le ridicule, j’apporterais dans les jours à venir, certainement la semaine prochaine, les réponses qu’il faut». Vêtue de jaune, voile noire sur la tête, Mme Keïta a invoqué moult références coraniques pour justifier ses actes. Nafi Ngom révèle ainsi qu’en réalité, le bilan de l’Ofnac est le résultat de 18 mois de travail. Le reste du temps ayant été consacré à donner forme et corps à l’institution dont, dit-elle, elle a refusé la présidence pendant quatre mois. A son successeur, Mme Keïta précise que le combat contre toute forme de délinquance financière ne fait que commencer. Elle l’exhorte ainsi à terminer les enquêtes en cours pour faire reculer le mal. Mme Seynabou Ndiaye Diakhaté qui s’est brièvement exprimée au cours de cette cérémonie, donne rendez-vous également la semaine prochaine pour sa prestation de serment.
Au moment de quitter définitivement le building abritant l’Ofnac sur l’Avenue Lamine Gueye, Mme Nafi Ngom Keïta a reçu les hommages de la rue. Les marchands du parc Lambaye voisin ont délaissé leurs étals pendant quelques longues minutes. Le temps de lui offrir des applaudissements nourris, créant ainsi un gros bouchon sur l’avenue.