Entre les condamnés de la Crei et l’Etat du Sénégal, la bataille se joue désormais dans les couloirs des tribunaux d’arbitrage. Mais l’issue reste la même. Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi) vient en effet de débouter les frères Ibrahim et Karim Aboukhalil de leur demande d’arbitrage en ce qui concerne la société Ahs.
L’Etat du Sénégal remporte une nouvelle manche dans sa bataille contre Karim Wade et ses co-accusés. Ici, il s’agissait de la confiscation par l’Etat, de la société de handling aéroportuaire, Ahs, qui appartenait aux frères Bourgi et à leurs co-accusés. Les prolongations de cette affaire qui se jouaient au Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi) viennent de tourner à la faveur de l’Etat du Sénégal. Dans une sentence rendue publique hier 5 août 2016, le Cirdi dont le siège est à Paris, déboute Menzies middle East and Africa S.a (Mmea) et Aviation handling services international limited (Ahsi), deux sociétés dont les promoteurs sont les frères Ibrahim et Karim Aboukhalil et M. Mamadou Pouye. «Le Tribunal n’est pas compétent pour connaître des demandes de Mmea et Ahsi », conclut la juridiction, après étude des arguments soumis par les deux parties.
En effet, en ce qui concerne la société Mmea, le tribunal estime qu’après «avoir examiné attentivement les soumissions des Parties et les preuves qu’elles ont présentées, le Tribunal arbitral conclut que l’Etat du Sénégal n’a pas consenti à ce que ses éventuels différends avec des ressortissants luxembourgeois soient soumis à l’arbitrage. Par conséquent, le Tribunal arbitral conclut qu’il n’est pas compétent pour connaître des revendications de Mmea». Pour l’autre société, à savoir Ahsi, les conclusions sont tout aussi limpides. «Indépendamment de toute discussion concernant l’existence ou l’inexistence d’une offre d’arbitrage dans l’article 12 du Code des Investissements du Sénégal, le Tribunal arbitral considère que la disposition invoquée en tant qu’offre d’arbitrage ne s’applique pas à Ahsi, en raison de sa constitution aux Îles Vierges Britanniques». Cette société fait ainsi les frais de son logement dans un paradis fiscal.
Ces décisions ont aussi amené le Cirdi à considérer «qu’il n’y a pas lieu d’analyser les autres objections à sa compétence, en particulier l’absence de compétence ratione materiae et l’absence de compétence ratione personae. Seule reste à déterminer la répartition des coûts de cette procédure».
L’Etat du Sénégal, représenté par Me Simon Ndiaye, assisté par M. Antoine Diome, Agent judiciaire du Sénégal, parachève sa victoire en obtenant un remboursement des frais engagés pour la procédure. «Le Tribunal arbitral décide donc que Mmea et Ahsi supporteront solidairement l’intégralité des frais de l’arbitrage tels qu’ils seront notifiés par le Cirdi aux Parties et rembourseront à la Défenderesse l’intégralité de ses frais de conseil, soit un montant total de 631.053,69 euros (environ 414 millions de francs Cfa)». Il faut dire que les frères Bourgi et leur associé Mamadou Pouye réclamaient des dédommagements équivalant à plus de 27 milliards de francs Cfa, au titre de préjudice caractérisé par l’utilisation indue des investissements, matériels et autres actifs par l’administrateur provisoire, de préjudice moral et l’atteinte subie aux droits de propriété intellectuelle. Au final, le Cirdi n’a pas suivi les conseils de la famille Bourgi. Non contents d’avoir à rembourser à l’Etat du Sénégal ses frais de procédure, ils auront à prendre à leur charge les frais payés à leurs avocats, et qui s’élèvent à près de 800 millions de francs Cfa. Il faut dire que les frères Bourgi avaient choisi la crème en matière d’avocats d’affaires. En plus de leur frère Rasseck, qui a mobilisé toutes les ressources de son cabinet parisien, Bibo et Karim Bourgi avaient aussi enrôlé Me Yves Nouvel, une référence en la matière. Mais tout cela n’a pas servi à grand-chose.
Pour rappel, les frères Ibrahim et Karim Aboukhalil Bourgi et leur complice Mamadou Pouye, ont créé le 12 juillet 2002 au Sénégal une société d’assistance en escale dans le secteur aéronautique, Aviation Handling Services (Ahs Sa) dont ils disent avoir cédé des actifs à la société britannique Menzies Aviation Group Plc. Une version que l’Etat du Sénégal a contestée en soutenant qu’Ahs Sa a été créée à l’initiative de M. Karim Wade, le fils de l’ancien président du Sénégal et ancien ministre sénégalais des transports aériens. Pour l’Etat, la société britannique Menzies aviation Group Plc, qui n’était même pas partie à la plainte, n’a jamais rien eu à voir avec Ahs, et que les promoteurs ont d’ailleurs usurpé le prétendu partenariat.