Dans l’équipe actuelle de la Commission électorale nationale autonome (Cena) figure 4 membres qui font partie de l’équipe pionnière, notamment celle de 2005, année de sa création. Une longévité qui s’expliquerait par une «mauvaise loi», selon une source qui a gardé l’anonymat. Elle informe en effet que la loi n’avait pas prévu un renouvellement exceptionnel d’une partie de la première équipe au bout de 3 ans, afin d’assurer une sorte de transition, quand l’équipe pionnière finira son mandat de 6 ans.
Créée en 2005, par la loi n° 2005-07 du 11 mai 2005, la Commission électorale nationale autonome (Cena) compte en son sein des membres qui font partie de la première équipe. Cela, alors que la loi qui régit sa création dit en son article 4 que «les membres de la C.E.N.A. sont nommés pour un mandat de six ans renouvelable par tiers tous les trois ans». Expliquant cette longévité des membres pionniers de ladite commission chargée de contrôler et superviser l’ensemble des opérations électorales et référendaires, notre source qui a préféré garder l’anonymat révèle, en fait, que «c’est à cause d’une mauvaise loi». Notre interlocuteur informe que «généralement, dans les organisations pareilles, on prend la précaution de renouveler après 3 ans une partie de la première équipe, si on a un mandat de 6 ans». Selon lui, en procédant de la sorte, tout le reste de la première équipe partira au bout de 6 ans. Hélas, s’est-il désolé, «pour le cas de la Cena, cela n’a pas été fait de la sorte». Donc, à son avis, il fallait dire expressément qu’une partie de la première équipe n’aura qu’un mandat de 3 ans, comme c’est le cas pour le Cnra, qui a procédé à un renouvellement cette année.
D’ailleurs, révèle la source, le problème avait été posé, soit au Conseil constitutionnel, soit à la Cours suprême, par l’ancien chef de l’Etat, Abdoulaye Wade, pour avis. Mieux, poursuit-elle, la question du renouvellement des membres de la Cena a été posée à l’interne, sans trouver de réponse. Toutefois, notre interlocuteur anonyme admet qu’il y a un problème d’expérience. Selon lui, «les plus anciens sont les mieux outillés sur ces questions-là». D’ailleurs, poursuit-il, ce sont ceux là qui sont plus actifs sur le plan du travail de recherche. Revenant sur la légalité de la longévité des membres de la Cena, la source indique qu’il n’y a pas de violation de la loi. D’ailleurs, Elle explique qu’en réalité, «on est obligé d’avoir toujours des membres qui restent pour assurer une sorte de transition».
Toutefois, la source indique qu’il y a eu au moins 4 renouvellements et qu’il reste 4 membres de l’ancienne équipe, toujours en fonction. Il s’agit du professeur Mouhamed Fall, qui gérait les localités de Bakel et Kolda, d’El Hadji Guissé, qui était à Fatick et Kaolack, et de Babacar Ndiaye de Bignona, Ziguinchor et Oussouye. Quand à l’actuel président, il a remplacé Moustapha Touré, qui avait démissionné de son poste en novembre 2009. Notre interlocuteur informe que ces derniers quitteront l’organe de contrôle des élections dans 2 ans. Quid cependant du président de la Cena, en l’occurrence, Doudou Ndir, nommé depuis décembre 2009, et frappé par l’article 6 qui stipule que «le membre nommé pour remplacer un autre membre de la Cena, achève le mandat de celui-ci» ? Sur ce point, notre source dit que non seulement M. Ndir n’est pas concerné par ce problème de renouvellement, mais que cela relève des prérogatives du chef de l’Etat, qui peut bel et bien le remplacer.
BENOÎT SAMBOU, MINISTRE CONSEILLER PLÉNIPOTENTIAIRE DE LA MAJORITÉ : «Il y a moins de questionnements ou de suspicions vis-à-vis des membres de la CENA»
«Sur cette question, il y a moins de pression et d’enjeu tout simplement parce que la CENA a, au fil du temps, réussi à rassurer la classe politique par ses positions et ses capacités de gestions et son accompagnement du processus électoral. Certainement, c’est ce qui fait que les gens font moins attentions à ces aspects. Personnellement, je n’ai pas fait attention à ce problème de fin de mandat des membres de la CENA. Je me focalise plus sur la structure, par rapport à son fonctionnement et le résultat qu’elle produit. Mais, j’admets que c’est toujours bon de rappeler à l’attention des décideurs ces aspects pour que des décisions soient prises afin de permettre à cette structure de fonctionner suivant les règles établies par la loi. Et, si les gens évoquent moins cette question, ce n’est pas parce qu’ils ne s’intéressent pas à cela, mais c’est peut-être que les membres de la CENA ont réussi, par leur travail, à rassurer les acteurs politiques. Toutefois, je précise que cette question relève de la prérogative du président de la République qui, sûrement, ne manquera pas de veiller à ce que la CENA fonctionne dans de bonnes conditions.
Pour ce concerne la Commission de refonte du fichier électoral, cette question n’a pas été évoquée dans les débats. N’empêche, à chaque fois que nous identifierons des éléments qui peuvent faire avancer notre démocratie, le rôle de la CENA, nous n’hésiterons pas à les prendre en compte, comme c’est le cas au cours de cette revue actuelle. Nous avons travaillé au renforcement du rôle du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) et l’Observatoire National de la Parité (ONP) afin qu’ils puissent s’identifier au Code électoral pour l’amélioration de notre démocratie. Car, ce qui nous intéresse, nous de la classe politique, c’est que la structure joue pleinement son rôle. Et, je dois vous avouer qu’il y a moins de questionnement ou de suspicion vis-à-vis des membres de la CENA».
ABDOULAYE SECK, ADMINISTRATEUR BOKK GUIS GUIS, PLÉNIPOTENTIAIRE «GOR CA WAX DIA» : «Le renouvellement doit être automatique»
«À mon avis, ces personnalités qui sont concernées par cette question doivent être remplacées. Quand un mandat arrive à expiration, les gens sont appelés à céder la place à d’autres. Le renouvellement doit être automatique. C’est pour le bien de notre démocratie. Parce que, à force de les maintenir à leur poste, ces gens peuvent être source de blocage comme on le voit actuellement à la Commission de refonte sur le fichier électorale. Après 45 jours de travail avec certains membres de l’administration, on sent que la longévité a fini par faire perdre à certain d’entre eux la règle d’équidistance avec tous les acteurs politiques. D’autres sont plutôt retissant aux recommandations de l’opposition, sous prétexte que ces recommandations ont été faites en 2001, alors que le contexte a bien changé.
Cette situation, à mon avis, est due à la proximité qui s’est déjà créée entre certains membres de la CENA, qui ont duré à leur poste, et l’Administration. Car, cette proximité est souvent source de blocage notamment dans le cas d’exemple que je viens de citer. Parce qu’on ne peut pas être choisi par l’administration et travailler contre l’administration. Cette remarque m’a traversée l’esprit pendant les 45 jours que j’ai travaillé avec eux dans cette commission. En effet, la plupart du temps, nous (opposition) avions des incompréhensions avec la CENA, notamment sur la formulation de la synthèse de nos travaux. Chaque fois, dans cette synthèse-là, on est obligé de revenir et de préciser pour dire que non, leur position ce n’était pas cela. Quand leur mandat est arrivé à terme, je pense qu’on ne devait pas le maintenir à leur poste».
MOCTAR SOURANG PLÉNIPOTENTIAIRE DES FORCES DE L'OPPOSITION (EFOP) : «Tous les membres de la CENA dont le mandat est arrivé à terme, doivent être remplacés, même si…»
«On vient de clôturer la réunion de la revue sur le Code électoral. Nous avons travaillé dans un excellent climat au sein de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA). C’est vrai, il y a eu des points de divergences sur certaines questions très importantes, notamment sur le nombre de députés à venir. Donc, ce sont des divergences très profondes. Il y a également d’autres divergences.
Maintenant, nous pensons effectivement que cette question de non-respect du renouvellement des membres de la CENA, comme le stipule le Code électoral en son article L7, ne devrait pas se poser dans un pays comme le Sénégal. En effet, notre pays regorge d’hommes, de femmes qui sont des personnes indépendantes. Nous estimons que tous les membres de la CENA dont le mandat est arrivé à terme, doivent être remplacés dans les plus brefs délais. Et, ce, même s’ils font un excellent travail. C’est ma position. J’estime que pour un mandat qui se termine normalement, il n’est pas acceptable que la personne puisse demeurer à sa place. Je pense qu’il faut qu’on procède rapidement au remplacement».
ME ABDOULAYE BABOU, ANCIEN PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES LOIS DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE : «Aucun membre de la Cena ne devrait avoir un mandat de plus de six ans»
«Comme référence, je vous lis textuellement les dispositions de l’article L7 du Code électoral. Et voici ce que dit cet article: «La CENA (Commission Electorale Nationale Autonome) comprend douze (12) membres nommés par décret. Ils sont choisis parmi les personnalités indépendantes exclusivement de nationalité sénégalaise, connues pour leur intégrité morale, leur honnêteté intellectuelle, leur neutralité et leur impartialité, après consultation d’institutions, d’associations et d’organismes tels que ceux qui regroupent Avocats, Universitaires, Défenseurs des Droits de l’Homme, Professionnels de la communication ou toute autre structure. Ensuite, le deuxième alinéa: La CENA est dirigée par un Président, assisté d’un Vice-président et d’un Secrétaire général nommés par décret. Et le, troisième alinéa: Les membres de la CENA sont nommés pour un mandat de six (06) ans renouvelable par tiers tous les trois (03) ans».
Cela veut dire que tous les douze membres de la CENA sont concernés par la durée de leur mandat qui est de six ans et renouvelable par tiers tous les trois ans. Autrement dit, tous les trois ans, il y a un renouvellement du tiers des douze, donc quatre (4) membres. C’est ce que dit le texte. Reste maintenant à savoir si les personnalités dont vous faites état se trouvent dans ce cas ou pas, mais aussi si vous aviez pris en compte des renouvellements par tiers ou pas. Mais, sachez, en tout cas, ce sont les dispositions de l’article 7, alinéas 1, 2, 3,4 du Code électoral.
Cependant, en tout état de cause, ce mandat ne doit pas dépasser six ans parce que les textes sont très clairs, je l’ai déjà souligné: «Les membres de La CENA sont nommés pour un mandat de six (06) ans». Si, j’avais vu un autre article qui dit que ce mandat de six ans est renouvelable, là, j’aurai pu comprendre que ces membres puissent rester sur place au-delà de six ans. Mais, on ne le dit pas. Donc, il s’agit d’un mandat unique de six ans. Mieux, il est même indiqué que ce mandat est renouvelable par tiers tous les trois ans.
Dans mon entendement, aucun membre de la Cena ne devrait avoir, tout au plus, un mandat de plus de six ans. Les décrets sont toujours pris en fonction des lois. Et le décret présidentiel qui nomme les membres de la CENA est un acte administratif qui ne sort pas ex-nihilo. Donc il ne peut pas violer l’article L7 du Code électoral qui fixe la durée du mandat des douze membres de la CENA à six ans. Qu’il s’agisse d’un membre simple ou d’un membre du bureau».