Dans un rapport, l’Ong Human right watch salue la mesure gouvernementale instituant le retrait des enfants de la rue. L’organisation, qui répertorie de multiples abus contre les talibés, exige également des poursuites judiciaires contre les maîtres coraniques qui s’opposent à cette mesure.
La récente initiative du gouvernement sénégalais visant à retirer les enfants de la rue, y compris ceux qui sont forcés de mendier par leurs maîtres coraniques, constitue une étape importante dans la réforme d’un système d’exploitation profondément «enraciné» dans les habitudes. Human rights watch et la Plateforme pour la promotion et la protection des droits de l’Homme (Ppdh), saluent cette mesure instituée depuis le 30 juin dernier. Dans un rapport, ces organisations exhortent les autorités à maintenir l’élan de ce mouvement «en ouvrant des enquêtes et en engageant des poursuites judiciaires à l’encontre des maîtres coraniques et d’autres personnes qui commettent ces types de violations graves des droits de l’enfant». Le document rappelle que lors des six premiers mois de cette année, «au moins cinq enfants qui vivaient dans des écoles coraniques résidentielles sont morts, prétendument après avoir été battus par leurs maîtres ou dans des accidents de la circulation alors qu’ils étaient contraints à mendier». Il ajoute : «En 2015 et en 2016, des dizaines de ces enfants, appelés talibés, ont également été sévèrement battus, enchaînés et victimes d’abus sexuels ou d’agressions violentes alors qu’ils mendiaient. Ces décès et les autres abus commis mettent en lumière combien il est urgent que le gouvernement sénégalais punisse les personnes responsables d’abus et réglemente les écoles coraniques traditionnelles, appelées daaras.» Bien que le nombre d’arrestations de maîtres abusifs ait légèrement augmenté au cours de l’année écoulée, «le Sénégal n’a porté devant les tribunaux qu’un petit nombre d’affaires, pour la plupart relatives à des décès ou à des formes d’abus les plus extrêmes; la pratique de la mendicité forcée des enfants ne fait presque jamais l’objet de poursuites judiciaires», regrettent Human rights watch et la Ppdh.
«Le gouvernement a failli à sa responsabilité»
Au Sénégal, des dizaines de milliers de talibés sont envoyés par leurs parents, dès leur plus jeune âge, vivre et étudier dans des écoles coraniques, une pratique enracinée dans les traditions religieuses et culturelles du pays. Mais au cours de la dernière décennie, de nombreux maîtres coraniques ont profité d’un système non réglementé pour exploiter et maltraiter les enfants qui leur sont confiés. «Les conditions de vie et d’hébergement sont abusifs et les daaras sont exigus et insalubres. De nombreux talibés souffrent de grave malnutrition, de maladies et de blessures non soignées. Les longues heures passées dans les rues à mendier exposent les garçons à des risques d’abus physiques ou sexuels. De nombreux maîtres coraniques leur infligent régulièrement des châtiments corporels et de nombreux enfants sont morts en conséquence d’abus et de négligence, dont neuf lors d’un incendie dans un daara en 2013», fustige le rapport.
Évidemment, le Sénégal a ratifié toutes les grandes conventions internationales sur les droits de l’enfant et l’exploitation des enfants, ainsi que les abus commis à leur encontre sont considérés comme des crimes par le Code pénal sénégalais et par une loi de 2005 contre la traite de personnes. Toutefois, «le fait que le gouvernement ait failli à sa responsabilité de faire respecter de manière constante le droit existant ou d’adopter une législation réglementant le système des écoles coraniques a semblé enhardir les maîtres coraniques auteurs d’abus», déplore-t-on.