Après plusieurs mois de silence, Abou Abel Thiam se connecte au débat politique pollué par les affaires Nafi Ngom Keïta et Abdoul Mbaye. L‘ex porte-parole du chef de l’Etat n’a pas perdu sa verve.
Déconnecté du débat public depuis plusieurs semaines, Abou Abel Thiam retrouve la parole pour commenter les affaires Nafi Ngom Keïta et Abdoul Mbaye. Qui charrient des polémiques. L’ancien porte-parole du chef de l’Etat a du mal à comprendre l’attitude de l’ancienne Vérificatrice générale d’Etat qui a décidé de saisir la Cour suprême pour annuler son départ de la tête de l’Ofnac. Abou Abel Thiam est embarrassé par la tournure prise par ce débat : «Je pense que Nafi Ngom Keïta n’aurait pas dû installer un tel débat dans l’espace public. Ce n’est pas à son avantage. Les termes de l’affaire sont d’une clarté cristalline. Mme Ngom a été nommée par la seule volonté du chef de l’Etat à la tête de l’Ofnac, institution créée par le même Macky Sall, avec pour mission de lutter contre la corruption.»
Selon le président du Conseil de surveillance de l’Autorité de régulation des postes et des télécommunications (Artp), Mme Ngom a été nommée le 25 juillet 2013 pour un mandat de 3 ans. «A partir de cette date, cet acte de nomination, une fois publiée, s’est imposée à tout le monde. Elle a légalement commencé à jouir de tous les avantages rattachés à cette fonction. Pour des raisons que j’ignore, Mme Ngom n’a prêté serment que 8 mois après sa nomination. Aujourd’hui, elle s’accroche à cette fonction, au prétexte que son mandat n’aurait commencé qu’au moment de cette prestation de serment-là.»
«Depuis 2012,
beaucoup de castings sont sujets à caution»
Il trouve ce «raisonnement incohérent et très périlleux». Le président du Conseil de surveillance de l’Artp s’interroge : «Demandons donc à Nafi Ngom Keïta à partir de quelle date elle a commencé à percevoir son salaire, et ce qui justifierait la jouissance de ce salaire au-delà de la durée de son mandat ?» Selon lui, elle devra «expliquer aux Sénégalais les fondements légaux, moraux et éthiques de la jouissance d’un tel salaire. Mme Ngom devrait faire attention aux arguments qu’elle tente de faire prévaloir. A-t-elle, oui ou non, été en jouissance de tous les effets induits par sa nomination. La prestation de serment n’est qu’un effet procédant de l’acte de nomination, lequel est pris par le Président. Si sa nomination ne court pas au jour de sa nomination, cela voudrait dire que tous les actes posés par elle, entre sa nomination et sa prestation de serment, sont illégaux. Et que donc, de tels actes, s’ils emportent des effets financiers, seraient susceptibles d’être instruits par l’Ofnac…» Par conséquent, dit-il, on «serait dans une situation où même Kafka ne se retrouverait pas. C’est pour Mme Ngom que ce débat est mauvais et non pour le pouvoir».
L’ex porte-parole du chef de l’Etat n’est pas gêné par la tournure prise par cette affaire. Il dit : «Ce qui m’aurait gêné, c’est une démission de Nafi Ngom Keïta qui expliquerait qu’elle quittait la fonction parce qu’elle ne pouvait pas mener à bien sa mission. On n’est pas dans un tel cas de figure. Au contraire, celle dont on dit que c’est un preux Parangon de la vertu à la toge immaculée, doublée d’une Mata Hari qui bretterait contre le vice, au corps défendant de celui qui l’a nommée, s’accroche à son poste comme un naufragé.» Abou Abel Thiam s’est aussi connecté à l’affaire Abdoul Mbaye, englué dans une affaire de faux et usage de faux qui lui a valu son placement sous contrôle judiciaire. Lequel multiplie les attaques contre le régime qu’il soupçonne de vouloir invalider sa candidature à la prochaine Présidentielle. Il affiche presque son indifférence : «Je ne suis pas surpris par les prises de positions actuelles de celui qui fut le Premier ministre de Macky Sall. Je suis de ceux qui ont toujours soutenu que le choix de Abdoul Mbaye était un mauvais casting. Je l’avais d’ailleurs dit à qui de droit. C’est pourquoi son opposition actuelle, ni les arguments fallacieux qu’il emploie pour se construire un destin politique, ne me surprennent. Je constate et déplore que depuis 2012, beaucoup de castings sont sujets à caution et sont déroutants pour les compagnons de Macky Sall.» Il pense que l’entourage du chef de l’Etat est rempli d’autres Abdoul Mbaye qui sortiront un jour du bois pour dérouler leur agenda politique. «Ces individualités n’ont aucun mérite politique, propulsés à des positions de pouvoir, et ont une particularité double : leur obséquiosité quand ils sont en fonction et la violence de leur charge une fois qu’ils sont débarqués. Le Président Macky Sall doit maintenir le cap sur la base de ses options originelles, mais il doit surtout surveiller ses flancs, les nominations inexplicables ne pouvant conduire qu’à des situations fâcheuses», avance M. Thiam.
«Ceux qui ont farouchement combattu Macky sont aux manettes»
Pour éviter ces pièges, le chef de l’Etat doit se reposer sur son appareil politique. Ce qui n’est pas le cas. «L’Apr, à ce jour, n’est pas un parti politique, à mon sens», reconnaît-il. Pourquoi ? «Un parti, ce sont des organes, une circulation de l’information de bas en haut et de haut en bas, la responsabilisation des combattants, mais aussi des prises de décisions à l’interne à travers lesdits organes. Depuis 2012, le groupe qui a porté Macky Sall au pouvoir n’est pas structuré, ne dispose pas de majorité à l’Assemblée ni au gouvernement, pas plus qu’il ne détient les positions de pouvoir les plus importantes. S’ajoute à cela qu’aujourd’hui c’est devenu un handicap que d’avoir été un compagnon de lutte de Macky Sall», charge-t-il. Depuis 2012, c’est le triomphe des transhumants. «Les néo-politiciens, les transhumants et les nouveaux amis de Macky Sall, ceux qui l’ont farouchement combattu, sont aujourd’hui aux manettes. Et il se trouve dans le parti des gens pour armer, encourager et promouvoir ces gens-là, se faire les complices de leurs deals. Des complots nés de cet état de fait ont été éventés, d’autres sont en gestation et visibles pour qui sait observer», accuse-t-il. Fin de session !