Loin de la vie dans les quartiers résidentiels de la capitale, des habitants des zones inondées de la banlieue dakaroise continuent de subir les conséquences des eaux pluviales. Si pour la quête d’une vie beaucoup plus saine certains ont plié bagages, à destination de cieux beaucoup plus cléments, d’autres par contre, de par des préjugés culturelles ou sociales, préfèrent vivre au quotidien dans leurs maisons humides.
Médina Gounass, dans le département de Guédiawaye, à l’instar des autres quartiers ayant subi la furie des eaux pluviales, garde les séquelles des inondations. Des rues humides par-ci, des eaux noirâtres par-là qui dictent la voie à suivre. Une boue accumulée au coin d’une ruelle bloque le passage près de la mairie de la commune d’arrondissement. Sur place des briques toutes mouillées et des sacs remplis de sable servent de passerelle aux riverains.
N’empêche la vie suit son cours normal. Des tables au-dessus desquelles on peut apercevoir des oranges, de l’arachide grillée attendent une clientèle en majorité infantile. Sacs au dos, blouses tachetées, des gamins revenant de l’école, s’attardent devant une vendeuse à la quête d’un fruit, sous les yeux envieux de leurs camarades. D’autres, au contraire, sachets ou seaux à la main, sans doute fruit d’une commission, sautillent entre les flaques d’eau et disparaissent dans les ruelles exigües.
Des habits suspendus sur des lignes attachées aux devantures des maisons subissant les effets des rayons solaires et du vent, laissent apercevoir dans leurs mouvements des dames trop prises par leurs corvées. Menuisiers, boulangers et autres mécaniciens, aussi semblent être plus préoccupés par leurs besognes que par le décor environnant.
Les eaux, le mal vivre de la population
La fin de l’hivernage remonte à plus de quatre mois. Mais ici, les eaux de pluie ont fini par transformer le quartier en un espace en perpétuelle saison pluviale. Les eaux de ruissellement accumulées dans le bassin de rétention sont devenues le lieu de retrouvaille de gamins inconscients qui s’aventurent dans des activités de pêche. Non loin de là, les animaux continuent leurs divagations. Les ordures jonchant ce qui reste du mur de clôture du bassin, mêlés aux herbes sur le lieu favorisent le développement des moustiques et de reptiles.
En dehors de la promiscuité, le quartier n’est pas loti, ce cocktail constitue un terreau fertile pour les maladies hydriques qui sont fréquentes dans la zone. Ainsi des cas de diarrhée et de maladies cutanées sont les principales causes de visite au centre de santé.
Quid de l’insécurité qui sévit aussi dans la zone? Les riverains du bassin de rétention se disent inquiets du banditisme occasionné par le manque d’éclairage. «Personne n’ose s’aventurer dehors à certaines heures à cause des agresseurs», laisse entendre Baïdy Ba, un habitant de la zone, trouvé près de la mairie.
Des débris de mur se disputant un espace verdâtre avec des animaux domestiques. C’est ce qui reste des maisons en ruines au quartier Aly Kane, dans la commune de Médina Gounass. Ayant plié bagages pour rejoindre d’autres contrées, certains habitants ont déserté Médina Gounass pour Tawfeekh, un site de recasement aménagé par le gouvernement à Niague. «Il n’y personne là-bas, ils sont partis», prévient un jeune homme très attentif au geste du visiteur inconnu. La délocalisation se fait par vague «Ceux qui étaient plus touchés ne sont plus là, on les a relogés».
Le déguerpissement n’est pas souhaitable
Dans la logique de restructuration des zones d’inondation, déguerpir les quartiers inondés, ou plutôt les plus affectés, est devenu une solution prôné par les autorités face à la persistance des eaux. Toutefois, certains ne l’entendent pas de cette oreille. «La première vague est partie. Nous on est censé partir prochainement, mais on ne va pas quitter», clame Astou, une jeune dame trouvée en pleine discussion, sous l’ombre d’un arbre, à l’angle d’une ruelle. La raison, selon elle, c’est que «Niague est très loin. Donc quitter là-bas pour venir travailler à Dakar est très pénible», juge-t-elle.
Un choix partagé par une autre dame. «Je vis ici depuis des années, tous mes enfants sont nés à Gounass. Je ne veux pas aller autre part et recommencer une nouvelle vie», renchérit MameAby, la soixantaine dépassée.
D’autres par contre n’ont pas entendu parler de délocalisation, mais assurent qu’ils saisiront l’occasion si elle se présente. «On ne nous a pas encore avertis, peut-être qu’on amène les plus nécessiteux d’abord. Mais si on me demande de le faire, je quitterai avec toute ma famille», s’exclame Baïdy Ba, les yeux rivés sur une moto pompe qui consomme 23.000 F Cfa de carburant par jour, à ses propres frais, pour se départir des eaux.
Vivre dans un environnement saint, Modou, un menuisier le souhaite également. «Je suis fatigué de vivre en permanence dans les inondations, mais, si je quitte, est-ce que je ne vais pas perdre ma clientèle ?», s’interroge-t-il, craintif. La solution, selon ce bonhomme, est d’implanter une canalisation dans la zone. «Il faut qu’on nous aménage un canal ici, ainsi les eaux seront évacués et nous resterons dans notre quartier. C’est mieux que de partir dans une destination inconnue», laisse-t-il entendre.