Lauréat du concours général 2016, Aliou Badara Ndiaye, 19 ans, élève au collège Bosphore du groupe Yavuz Selim, a eu la mention Très bien au baccalauréat en série L2. Il veut devenir magistrat. Sa particularité est d’avoir perdu une jambe.
Taille moyenne, teint noir, Aliou Badara Ndiaye, élève au collège Bosphore du groupe Yavuz Selim, vient de décrocher son bac avec la mention Très bien, série L2. Hier, une autre bonne nouvelle est venue couronner une année riche en bonnes surprises. Le chef de l’Etat a promis de l’envoyer en France où il pourra avoir une prothèse pour sa jambe amputée. Né le 7 janvier 1997 à Mbacké, plus précisément à Darou Salam, il a fait ses études primaires à l’école Mame Cheikh Anta de Mbacké. Son cycle secondaire, il l’a passé au CEM Gaïndé Fatma de Mbacké. De la 6e à la 3e, témoigne Ousmane Mbow, le principal du CEM, sa moyenne n’a jamais été inférieure à 17/20. D’ailleurs, il a eu une moyenne annuelle de 18 en 3e. De la Seconde à la Terminale, il n’a aussi eu que de bonnes moyennes.
La Sorbonne, son rêve absolu
Il a atterri en 2013 à Yavuz Selim. Brillant en Science, il s’est inscrit en série S. Il fait la Première S1, avant de virer pour aller faire la Terminale L2. Il s’en explique : ‘’J’ai viré parce que je crois que je pourrais mieux exprimer mes compétences en série L. En plus, j’aurais l’opportunité de faire ce que je veux. C’est-à-dire le droit, car je veux être magistrat’’. Au Concours général 2016, il a terminé meilleur élève homme et deuxième meilleur au niveau national. Si son avis est aujourd’hui tranché quant à son avenir, ce n’est pas le cas, au début de ses études. Très curieux, il voulait tout faire en même temps. Mais aujourd’hui, il ambitionne d’intégrer les plus grandes universités de Droit. La Sorbonne, c’est son rêve le plus absolu.
Mais tout n’a pas été rose pour le nouveau bachelier. Très tôt arraché à la tendresse maternelle, ‘’j’ai été élevé par mes grands-parents’’, dit-il. ‘’Là-bas, poursuit-il, j’ai eu des aventures pas du tout heureuses’’. Un jour, en jouant au football, il a eu une double fracture au mollet. Il était en classe de CE2, en 2004. ‘’Puisqu’on était dans un milieu rural, on ne privilègie pas l’hôpital. On ne croit pas à la médecine moderne. Mes parents n’étant pas là, on m’a amené chez un guérisseur. On a bandé ma jambe à l’aide de tiges’’ narre-t-il.
Le tournant
Chez le guérisseur, sa maman est venue à son chevet. ‘’Je me sentais mal. Mais puisque ma mère pleurait tous les jours, je ne voulais pas exprimer ma douleur, pour ne pas l’inquiéter’’, raconte le jeune Ndiaye. A un moment donné, comme la blessure ne guérissait pas, il a été évacué à l’hôpital, sur la demande de sa maman qui ne voulait pas voir son fils mourir. A l’hôpital, le médecin leur a dit qu’une nuit de plus et il passait de vie à trépas. La jambe était vraiment infectée. ‘’Il a donné deux options à mon père. La première était de me laisser mourir.
La deuxième était d’amputer ma jambe. Quelqu’un qui voit son enfant dans cet état n’a pas d’autre option, il a accepté. Je n’avais même pas 10 ans’’. ‘’C’était un choc inimaginable, mais avec l’aide de mes parents, je n’ai pas baissé les bras. J’ai dit à mon père que maintenant, je n’ai qu’une seule option dans la vie : les études. Parce que je ne peux pas aller faire la maçonnerie’’.
Le père Pape Macodou Ndiaye témoigne : ‘’Je ne me sentais plus moi-même. C’est mon premier fils. Un jour, il m’a dit : Actuellement, mon avenir n’est plus sûr, parce que je ne peux plus rien faire. Mais je remercie le Bon Dieu, j’ai mes études et papa, je vais réussir dans mes études. Jamais dans la vie, je ne vais tendre la main pour demander de l’aumône. Je vais me casser la tête, je vais réussir.’’ Aliou Badara Ndiaye d’ajouter fièrement : ‘’C’était ma seule façon de m’exprimer, de me faire entendre. Je me suis dit : en maçonnerie, peut-être on peut me battre, mais dans les classes, je suis toujours devant. Dieu l’a fait. Je suis parvenu à faire mes preuves.’’
‘’Le seul handicap qui puisse nuire à la vie, c’est le handicap mental’’
Le jeune lauréat est arrivé à Yavuz Selim, dans le cadre d’un projet d’appui à l’éducation que le groupe a signé avec le ministère de l’Éducation nationale. Dans ce protocole, explique Mamadou Ndoye, le Directeur des études au collège Bosphore du groupe, il est demandé aux inspections d’académie d’envoyer à Yavuz Selim leurs meilleurs élèves au BFEM et les élèves qui ont des difficultés sur le plan social ou qui ont des problèmes à se procurer leurs fournitures scolaires et à se déplacer.
Ainsi, fier de lui, et de ce qu’il est devenu, il lance un appel aux personnes qui ont subi des chocs aussi graves que le sien. Il leur demande de ne jamais tendre la main. ‘’Le seul handicap qui puisse nuire à la vie, c’est le handicap mental. Cela nous rend différent. On est un déviant. Un autre choc, quel qu’il soit, ne doit pas nous empêcher de prouver nos compétences. Peut-être que les autres n’ont pas eu la chance que j’ai d’être suivi sur le plan social et éducatif. Mais, ils ont une option dans la vie, c’est de faire ce qu’ils veulent, ne pas tendre la main’’, conseille-t-il.