Dans un contexte où l’offre en ressources destinées à l’Éducation ne suffit pas et que l’Etat déclare avoir atteint ses limites, il faut trouver une alternative. C’est dans ce cadre que la Cosydep a organisé hier une rencontre sur les financements innovants. L’exonération fiscale, la parafiscalité et la contribution individuelle sont autant de pistes proposées.
La Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’école publique (Cosydep) a organisé hier un atelier sur le financement de l’éducation. Il était question, au cours de la rencontre, d’aborder essentiellement les sources de financement et leur répartition. Si l’on en croit le Président du conseil d’administration (Pca) de la Cosydep, Moussa Mbaye, l’initiative a été prise dans un contexte où non seulement les ressources allouées à l’Education ne sont pas suffisantes, mais également l’Etat déclare sans cesse avoir atteint le plafond de ses moyens, avec notamment 500 milliards F CFA du budget qui servent à payer les salaires.
S’agissant du financement, une étude faite sur la période 2009-2014 montre que 2 990 milliards ont été injectés dans le secteur. Les 92% viennent de l’Etat et les 7,8% des bailleurs. La contribution des ménages connus pourtant pour être la deuxième source après l’Etat n’a pas été comptabilisée, faute de traçabilité, selon le Directeur de la planification et de la réforme de l’Education, Mamadou Abdoulaye Sall. Malgré les chiffres impressionnants, les acteurs sont d’accord que la demande est supérieure à l’offre.
Il faut donc trouver des financements innovants. Mamadou Abdoulaye Sall et d’autres participants ont fortement pointé du doigt la question fiscale. Pour eux, une partie des exonérations peut permettre de faire face largement aux besoins de l’Education. ‘’Nous avons besoin de 70 milliards F CFA pour résorber les abris provisoires. Comparés aux centaines de milliards d’exonération, ce n’est rien’’, déclare-t-il. Un autre trouve lui aussi scandaleux que l’Etat puisse renoncer à 300 milliards au profit d’entreprises qui font de gros bénéfices à un moment où l’école est confrontée à un déficit de ressources.
Une opinion que ne partage pas le représentant du ministère de l’Economie et des Finances. Gorgui Cissé, inspecteur des impôts et domaines, a invité les participants à ne pas se focaliser sur les exonérations car, dit-il, l’économie du pays en a besoin. Il propose à son tour que les gens s’intéressent à la parafiscalité. Par exemple, l’énergie a son fonds de soutien, l’entretien des routes a également une enveloppe de 10 à 30 milliards annuelle. Mais il n’existe pas de fonds de soutien à l’Education, fait-il remarquer.
0,25% des chiffres d’affaires et 1% des salaires
Outre les niches fiscales, il y a l’appel de la communauté à la solidarité. L’enseignant-chercheur Mamadou Youri Sall a indiqué d’abord que le Sénégal compte 82% d’apprenants qui n’ont pas dépassé le niveau primaire. Après 13 ans d’études, moins de 5% ont le baccalauréat. Là où dans les pays du Nord, 50% des apprenants décrochent la licence, au Sénégal, on est à 2%. Pendant ce temps, le Sénégal qui est à 6,44% du Pib alloué à l’Education de façon générale se fixe comme objectif d’avoir les 7% du Pib en 2017. Ce qui, d’après lui, non seulement ne sera pas atteint, mais reste minime. ‘’Il nous faut 10% du Pib. Le Brésil est à 10%, le Ghana 8% nous devons faire plus d’efforts’’, recommande-t-il.
En plus de ce qui est attendu de l’Etat, il y a l’appel au privé. D’abord les entreprises. Les intervenants sont unanimes sur le fait que les entreprises ne contribuent pas aux ressources destinées à l’Education. Baajoordo, un groupe de réflexion à Saint-Louis dont M. Sall est membre, propose que 0,25% des chiffres d’affaires soient affectés à l’école. De même, lui et ses camarades suggèrent que les salariés acceptent de céder 1% de leur salaire en guise de solidarité. Une proposition rejetée déjà dans la salle. En effet, les salariés disent avoir suffisamment fait en tant que parents d’élèves. ‘’Qu’on ne nous demande pas un effort supplémentaire’’, s’époumone Awa Wade.
Mamadou Youry Sall précise que 1% du salaire, c’est juste 1000 F pour une paie de 100 000 F CFA. Il s’y ajoute que cette contribution est demandée juste pendant 5 ans environ, le temps de résorber les abris provisoires et de doter les étudiants de suffisamment d’amphithéâtres. Selon lui, si le Nord du Sénégal a moins d’abris que le Sud, c’est parce que dans cette zone, l’Education est avant tout une affaire de communauté qui très souvent construit elle-même les établissements. ‘’L’Etat ne fait que payer le salaire des enseignants. Mais parfois, il a même du mal à suivre’’, relève-t-il.
Les bizarreries de la répartition du budget
Par ailleurs, tout ne se règle pas par la dotation de ressources. Il faut aussi une bonne répartition. Mamadou Abdoulaye Sall a révélé que l’éducation nationale qui regroupe plus de 90% des effectifs n’a que 38% du budget global de l’Education. L’enseignement supérieur totalise les 27,5% pour 3,8% des effectifs, ce qu’il trouve aberrant. Mais son parent Mamadou Youry rappelle que même dans les pays de l’Ocde, l’enseignement supérieur se voit affecter le 1/3 de l’enveloppe de l’éducation.
Par contre, tous les intervenants sont d’accord que l’enseignement technique et la formation professionnelle sont les parents pauvres du système. C’est là où on trouve un des paradoxes du Sénégal. Alors qu’on proclame partout qu’il faut former les jeunes à des métiers, le département qui a en charge ce volet n’a que des miettes. Un autre paradoxe, la part de l’investissement, 7,5%. Au même moment, le salaire des enseignants prend les 60%, ceux du personnel non enseignant 8,8%, la bourse des étudiants 8,8%. ‘’Avec cette structure, comment avoir de la qualité ?’’ se demande Mamadou Abdoulaye Sall. D’où la nécessité de revoir la répartition du budget. Un vaste programme !