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Entretien avec Malick Gackou : «Le Pse ne nous mènera pas à l’émergence
Publié le vendredi 22 juillet 2016  |  Le Quotidien
Malick
© Autre presse par DR
Malick Gackou, leader du Grand Parti




Dans cette dernière partie de l’entretien, Malick Gackou milite pour Suxali (développer) Sénégal à la place du Pse qui, selon lui, «n’est pas un programme de développement». A Aliou Sall, il lui laisse son pari de faire de «Guédiawaye comme Paris en 2018». A la Première Dame, il salue ses actions sociales dans la banlieue, mais ne veut pas qu’elles soient politisées.

Malick Gackou président de la République nommerait-il un ministre de l’Intérieur neutre ?
Le jour où cette situation que vous prédisez se passe -puisque je n’ai pas encore dit que je suis candidat à la présidence de la République, peut-être que je le dirai un jour-, je ne veux pas être un Président qui organiserait des élections contestables. Cela est inadmissible ! On devrait normalement avoir une Ceni. Je ne me permettrai pas, au nom de ma vision de la démocratie et conformément à ma croyance très forte que les conclusions des Assises nationales devaient être suivies d’effet, d’avoir un ministre de l’Intérieur totalement en porte-à-faux avec mes convictions.

Restons un peu dans la banlieue, votre fief politique, où la Fondation de la Première Dame mène des actions sociales et populaires. Comment voyez-vous ces interventions de Marième Faye Sall ?
Je suis souvent trop gêné de parler des femmes, mais si je regarde l’action du Gouvernement, des pouvoirs publics de manière générale, bien que la Première Dame n’en fasse pas partie, je salue la pertinence de son action et de la Fondation «Servir le Sénégal». Je considère qu’elle humanise de plus en plus l’action de l’Etat. J’ai salué sa venue dans la banlieue et dans toutes les régions du Sénégal. La Fondation joue son rôle et j’encourage sa présidente elle-même pour cette raison. Mais elle doit quand même arrêter de faire de la politique.

Vous pensez que c’est de la politique ?
Je dis pour la Fondation, je suis d’accord mais pour le reste… (Rires)

Vous n’êtes pas d’accord ?
Non.

Est-ce que les actions elles-mêmes sont politiques ?
En réalité, elle fait de bonnes actions au service des populations, qui méritent d’être saluées. Par contre, il ne faudrait pas qu’elle se laisse entraîner dans des actions politiques, comme c’est le cas le week-end dernier.

Qu’est-ce qui s’est passé ce week-end ?
Ah, je ne sais pas. Vous m’avez demandé tout à l’heure si je lisais les journaux. Et vous, vous lisez les journaux ? (Rires)

Ce qu’on sait, c’est qu’elle était dans la banlieue et y préparait la venue du Président…
(Rires).

Vous-mêmes êtes initiateur d’une Fondation, Maternité solidaire, pour l’assistance aux femmes en gestation. Envisagez-vous une jonction entre votre fondation et celle de la Première Dame ?
Bien évidemment, le jour où les conditions seront réunies pour que nos deux fondations ou les autres fondations du Sénégal puissent se donner la main pour servir les couches populaires, toute action en ce sens sera la bienvenue. Mais il ne s’agit pas seulement de nos deux fondations. Il y a beaucoup d’associations, d’Ong qui luttent pour éliminer la précarité et la pauvreté dans notre pays. Ensemble, nous devons nous donner la main pour harmoniser, mutualiser nos efforts au grand service des populations.

«En 2018, Guédiawaye sera comme Paris», promet Alioune Sall. Vous y croyez ?
Je ne parle pas de Guédiawaye.

Pourquoi ?
Je préfère attendre d’être à Paris.

Que vous inspire le plan Sénégal émergent ?
Le Pse n’est pas un programme de développement. Il ne mènera le Sénégal ni à l’émergence ni au développement. Il va plutôt renforcer le cycle d’endettement de notre pays, complètement balafrer le tissu du secteur privé national et disséquer le tissu des Pme-Pmi. Ce qui fait que le génie économique national, qui devait être le moteur de la croissance économique, est totalement mis en lambeaux par le Pse qui voit d’année en année des centaines d’entreprises fermées sous le joug de l’impraticabilité et de l’intransigeance de la loi économique qui favorise les investisseurs étrangers par rapport aux investisseurs nationaux. Pour que le Pse puisse réussir, il est important de créer des réformes. Le Gouvernement avait promis 500 000 emplois de 2012 à 2017. On en est où ? Aujourd’hui, ils nous disent qu’il y a 234 260 emplois qui ont été créés et nous demandent d’allez dans les inspections régionales du travail pour vérifier ces emplois. Mais aucun emploi n’est créé nulle part. Je défie le Gouvernement de dire dans quelles inspections régionales du travail ces chiffres ont été pris ? La seule chose qui marche aujourd’hui, ce sont les desiderata économiques des entreprises étrangères. Nos banques sont étrangères, notre économie est étrangère, le secteur privé national est étranger. Nulle part dans un pays qui veut aller vers l’émergence, on ne peut avoir de telles situations. Sans parler du cycle d’endettement du pays. Aujourd’hui même, vous avez écrit dans votre journal (Le Quotidien) que de 2000 à 2012, les accords financiers qui ont été signés sont de 3 000 milliards, et que de 2012 à 2016 le ministre des Finances affirme qu’ils sont de 5 000 milliards. Mais c’est gravissime ! Voilà ce qui explique le cycle d’endettement du pays justement. Aujourd’hui, on est à presque 60% de notre Pib. Mais c’est inadmissible !

En même temps, le Fmi lève le plafond d’endettement de l’Etat…
Oui, justement, notre collaboration avec les institutions de Brettons Woods fait aussi partie des problèmes que nous devons évoquer. Ce qui demeure constant, c’est que nous sommes le pays le plus endetté, parmi ceux qui ont un niveau de vie semblable au Sénégal, dans la sous-région : le Ghana et la Côte d’Ivoire. Bien sûr, on me dira que c’est en dessous des critères de convergence de l’Uemoa. Mais même ces critères doivent être repensés, rediscutés. On ne peut pas permettre à un pays de s’endetter à ce niveau : 70%. Même aux Etats-Unis, en France ou ailleurs, ce n’est que dans des situations d’exception qu’on peut se permettre de s’endetter à cette hauteur. On est donc en train de remettre en cause l’avenir des générations futures. C’est facile de s’endetter pour faire des routes, des ponts, des aéroports. Ce qui est plus difficile, en revanche, c’est de créer des conditions de bien-être social et de développement humain d’un pays. Aujourd’hui, le Pse souffre du défaut de priorisation des objectifs.

Il faut s’endetter pour des actions sociales ?
Pas des actions sociales. Notre pays a des atouts. L’agriculture par exemple. Si le Pse mettait la moitié de ses investissements dans le domaine agricole, le Sénégal serait moderne. Surtout pour un pays qui a 60 à 80% des populations qui vivent de l’agriculture. Il faut donc investir et moderniser cette agriculture pour lui permettre de jouer un rôle de développeur de l’agrobusiness, donc du développement industriel. Mais aussi développer un secteur privé dans les Pme et Pmi qui sont dans ce domaine-là. C’est comme cela qu’on mettra en place les conditions d’une croissance soutenue à même de créer des emplois, des ressources, des revenus pour sortir les populations de la précarité et de la pauvreté. Comment peut-on développer l’agriculture alors que le Sénégal, qui a du phosphate, importe de l’engrais ? Dans quel pays sommes-nous ? Comment pouvez-vous comprendre que le Sénégal, un pays Sud tropical avec 9 mois de soleil dans l’année, ne puisse pas avoir 5 000 touristes par année ? Aujourd’hui, on n’a pas de flotte aérienne. Combien de temps et d’expériences on a vécu avec ces histoires d’avion. C’est aussi la Suneor qui devait être le fleuron de l’économie. Dans quel domaine le Sénégal a des capitaines d’industrie ? Il faut des concertations sur notre économie de façon générale. C’est pourquoi le dialogue national est inapproprié parce que, sur les grandes questions, le président de la République a préféré ne pas dialoguer. L’Acte 3 de la décentralisation, c’est une décision majeure qui concerne la vie de la Nation, mais cette réforme n’a pas été discutée, tout comme le plan Sénégal émergent qui va jusqu’en 2035 ; donc qui dépasse largement des magistères. Sans parler de la Cnri, des réformes soumises au référendum. Le Président a choisi le rapport de forces. C’est pourquoi nous avons choisi de ne pas participer à ce dialogue-là. Et voilà, après ce référendum, on dit maintenant qu’il faut dialoguer. Il fallait dialoguer en amont. Maintenant, si le Gouvernement veut changer de paradigme, évidemment il faut appeler les forces vives à un dialogue sérieux qui ne peut concerner que les intérêts supérieurs du Sénégal.

Pour vous, ce dialogue national convoqué par le Président n’est pas sérieux ?
On ne peut pas parler des institutions et parler de sérieux. Ce qui est sûr, c’est que ce dialogue est tout à fait en déphasage avec les questions de l’heure. Je l’ai dit tout à l’heure, les Conseils des ministres décentralisés, le déficit budgétaire, l’endettement du Sénégal, l’avenir de notre économie, sont des questions qui méritent un dialogue pour atteindre l’émergence. Et d’ailleurs, quel est lien aujourd’hui avec le Pracas (Programme d’accélération de la cadence de l’agriculture sénégalaise) et les Dac (Domaines agricoles communautaires). Ou encore par exemple la Cmu. On fait des programmes et des projets mais sans articulation, sans harmonie pour qu’on puisse dire dans 5 ans, on va atteindre tel niveau. En plus, les fonds publics du Sénégal sont mal utilisés. Vous avez vu tous les rapports qui ont été faits, particulièrement celui concernant la Caisse de dépôt et de consignation. Aujourd’hui on se rend compte que seule la Sonatel est, quelque part, une multinationale dans laquelle le Sénégal fait partie. Dans tous les domaines de croissance, le Sénégal devrait être le moteur de la croissance en Afrique de l’Ouest. Est-ce que les Sénégalais n’ont pas de génie, de talent et les capacités de faire comme les Allemands. Vous pensez qu’en Allemagne, la plus grande puissance exportatrice du monde, n’importe quel étranger peut venir créer une société, gagner des marchés et exporter des devises ! Il y a 20 ou 30 ans, on était presque au même niveau que le Maroc. Mais si le roi du Maroc vient au Sénégal avec les hommes d’affaires marocains qui remportent des marchés, pourquoi le chef de l’Etat sénégalais ne peut pas le faire avec les hommes d’affaires sénégalais qui gagnent eux aussi des marchés au Maroc ? Est-ce que les Marocains vont le permettre ? Jamais ! Donc, il y a des questions de fond qu’on doit poser pour sauvegarder la souveraineté économique de notre pays et défendre ses intérêts. Ce n’est pas mettre le Sénégal en autarcie ou dire que personne ne doit venir y investir.

Cette situation que vous décrivez ne date quand même pas de ces trois dernières années…
Elle remonte à longtemps ; elle n’est pas née avec l’arrivée de Macky Sall au pouvoir, mais elle s’est quand même accélérée. Le Pse a pour soubassement le financement étranger. Il y a une floraison de marchés qui sont gagnés par des entreprises étrangères. C’est comme si le pouvoir ne croit pas au secteur privé national. Il appartient au secteur privé national de prendre ses responsabilités et de dire haut et fort, la pertinence de sa décision de pouvoir jouer son rôle valablement au service exclusif des intérêts de notre économie et du Sénégal.

Quel est l’état de santé du Grand parti ?
Le Grand parti se porte bien par la grâce de Dieu. J’ai fait 11 régions du Sénégal et j’ai vu à travers ces visites, des militants déterminés et engagés. J’ai aussi vu l’état de pauvreté, de précarité de notre pays. Quand j’ai fait Kédougou, Bakel, Kolda, Ziguinchor, Kaffrine, Saint-Louis, Louga, je me suis rendu compte de la situation dans laquelle notre pays se trouvait. C’est pourquoi d’ailleurs, quand j’ai vu l’affiche dans les rues de la capitale qui parle de «Dakar émergent», je me suis dit que ce n’est pas le Sénégal émergent. C’est ahurissant de voir l’état dans lequel se trouve l’intérieur du pays ! Cela interpelle le Gouvernement et la classe politique en général. Voilà un sujet de dialogue parce que nous ne pouvons pas avoir un pays aussi pauvre, qui vit dans la précarité absolue et qu’on parle de milliards que les populations de l’intérieur ne voient pas. Mais j’ai aussi eu de la joie de voir des Sénégalais mobilisés, engagés aux côtés du Grand parti. C’est pourquoi je suis satisfait de son implantation et de sa massification.

On dirait qu’il faut être dans l’opposition pour se rendre compte de la pauvreté de l’intérieur du pays. Vous avez fait le tour du Sénégal comme Macky Sall…
Je ne sais pas ce que Macky Sall a vu. Mais j’ai fait le tour du Sénégal ; il me reste encore 3 régions. Les 22 et 23 juillet, je serai dans le département de Thiès, et je puis vous assurer que je ferai les 14 régions d’ici la fin du mois d’août pour pouvoir faire l’évaluation des forces en présence. Je suis satisfait de la crédibilité que les Sénégalais accordent à notre action. Et ils considèrent que nous sommes dans la constance en ce qui concerne notre volonté déterminée de servir ce pays avec engagement et beaucoup d’expérience. Aujourd’hui, c’est massivement que les Sénégalais adhèrent au Grand parti. Nous avons une implantation nationale et internationale. Nous sommes représentés dans les 602 communes du Sénégal, dans les 45 départements, dans tous les Etats où la diaspora sénégalaise vit en général. Et nous avons un programme alternatif de gouvernance, économique et social que j’ai présenté il y a deux mois. Et le livre-programme du Grand parti sera présenté au mois de janvier. Mais dans le libellé de notre volonté politique de changer le Sénégal, nous sommes un parti social libéral qui a pour ambition de mettre l’homme sénégalais au cœur du développement. C’est également la mise en place des paradigmes à même de mettre le Sénégal dans la voie du développement, comme la croissance économique. Cela passe par l’articulation d’une politique économique en phase avec notre pays, l’agriculture, le développement de l’agrobusiness, celui de l’industriel mais aussi à travers des réformes soutenues de l’environnement des affaires. Et tout cela adossé à des transformations sociales indispensables.

A ses débuts, le Grand parti s’illustrait par le débauchage des cadres de l’Afp, en avez-vous fini avec vos anciens camarades ?
L’Afp n’était pas notre objectif. Avant, partout où on passait, les anciens camarades rejoignaient notre parti. Nous nous sommes rendu compte que cela pourrait nous rendre un mauvais service. C’est la raison pour laquelle nous avons arrêté de parler de ralliement de l’Afp, puisque il y en a d’autres qui viennent de beaucoup de partis politiques y compris du parti au pouvoir. Aujourd’hui, le Grand parti compte parmi les grands partis de ce pays-là. Nous en sommes heureux, nous n’avons même pas un an d’existence. Nous sommes un parti de propositions d’alternative. Nous ne sommes pas dans la politique politicienne ; les insultes, les invectives ne nous intéressent pas. C’est comme cela que nous pouvons garder notre crédibilité.

Certains analystes politiques avaient vu en votre rapprochement avec Khalifa Sall, une stratégie de reconstitution de la famille socialiste, est-ce que cette dynamique se poursuit toujours ?
J’ai de bonnes relations avec mon grand frère Khalifa Sall qui vient me voir et que je vois de temps à autre. On échange sur la situation du pays. Sur quoi cela va débaucher ? Je ne sais pas. Mais dans les mois à venir, sans nul doute, s’il y a une action à mener à même de nous permettre d’être ensemble au service du Sénégal, rien ne devrait s’y opposer.

On va parler du financement des partis politiques, d’où Gackou tire-t-il son argent ?
(Rires) Je n’ai pas d’argent pour vous dire d’où je tire mon argent. Je travaille tous les jours et mes ressources je les gagne à la sueur de mon front. Maintenant, en ce qui concerne le financement des partis politiques, justement c’est une question qui doit être inscrite au dialogue national.

Elle est sur la table des négociations ?
Sur quelle table ? Non, cette question n’est posée nulle part.

Si, elle fait partie des points à discuter avec le ministère de l’Intérieur…
Attendons de voir. Ce qui demeure, c’est que le financement et le fonctionnement de tous les partis politiques devraient être discutés démocratiquement et de manière transparente.

Vous ne participez à ces concertations…
Non, je considère que ces concertations n’apporteront absolument rien.

Vous devriez être représenté puisqu’il y a un pôle de l’opposition, des non-alignés et de la majorité…
Partout où on parle du Sénégal, nous y sommes. Là où on n’en parle pas, on n’y est pas.

Combien pèse Gackou ?
Gackou pèse 92 Kg. (Rires) En tout cas, il y a quelqu’un plus lourd que moi. (Rires)

Qui ?
Suivez mon regard…

Ça, c’est physiquement. Financièrement et politiquement ?
En tout cas, il y a quelqu’un plus lourd que moi. (Rires)
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