Dans le cadre de la lutte contre le trafic et la consommation de la drogue, le chef de l’Etat a demandé la révision du cadre juridique et institutionnel et la mise en place d’un Plan national pour éradiquer ce fléau qui gangrène les jeunes.
Va-t-on vers l’assouplissement de la politique de répression contre le trafic et la consommation des stupéfiants et l’abrogation de la loi Latif Guèye réclamée par les magistrats ? Après avoir lu le communiqué du Conseil des ministres d’hier, il n’est pas évidemment exagéré de se poser ces questions. Le chef de l’Etat n’a pas pris une décision tranchée dans ce sens, mais sa sortie d’hier montre qu’il a fait une évaluation de la politique répressive qui a montré ses limites notamment chez les consommateurs et qui nécessite la révision du cadre juridique et institutionnel de prévention et de lutte contre la drogue.
En abordant le renforcement des actions de prévention et de lutte contre la drogue, le président de la République, tout en magnifiant le travail remarquable réalisé par les forces de défense et de sécurité, «demande au Gouvernement, au-delà de la répression exemplaire du trafic et de l’usage des stupéfiants, de développer une campagne de communication ciblée sur les jeunes, et de réviser le cadre juridique et institutionnel de prévention et de lutte contre la drogue, en vue d’une meilleure coordination des actions des acteurs publics et communautaires impliqués.»
Par ailleurs, Macky Sall a invité son Gouvernement à renforcer les ressources humaines, logistiques et financières des structures sanitaires spécialisées dans le traitement des toxicomanes, ainsi que la prise en charge des malades mentaux qui doivent disposer d’un suivi médical et social approprié. Au final, le Président Sall a insisté sur l’impératif d’adopter, avant fin septembre 2016, un plan national de lutte contre la drogue, qui est un axe prioritaire de la stratégie de sécurité intérieure de l’Etat.
Courageuse, cette décision fait écho aux propositions de Koffi Annan et de Olusegun Obasanjo qui proposent une refonte des politiques de lutte contre la drogue en particulier le volet répressif. Secoués par le trafic, plusieurs pays, alignés sur le modèle étasunien du tout-répressif face au développement de la consommation et du trafic de drogue, ont élaboré des politiques différentes en la matière depuis quelques années. Jusqu’ici, l’Afrique de l’Ouest, touchée de plein fouet par le trafic international et la hausse de la consommation, est demeurée rétive à toute révision des politiques de lutte, en continuant à corser son système juridique. Il y a de cela deux ans, l’ancien secrétaire général des Nations unies a lancé un plaidoyer auprès des Etats africains pour une décriminalisation de l’usage du chanvre indien afin de contrer un trafic aux contours gigantesques sur le continent. L’objectif poursuivi est la mise en place d’un plan d’action 2016 lors de la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies sur les drogues, la sécurité et l’application des lois (Ungass).
Aujourd’hui, certains Etats comme l’Uruguay et le Portugal, qui ont décriminalisé la drogue, ont ouvert un mouvement de réforme mondiale de la législation en matière de stupéfiants. Cette politique a convaincu M. Annan qui a toujours soutenu que «les drogues ont détruit beaucoup de vies, mais les mauvaises décisions politiques en ont détruit davantage.»