Les autorités guinéennes qui ont accueilli 25 des leurs établis depuis longtemps au pays de la Teranga, craignent que cela ne conduise à une arrivée massive d’autres personnes affectées par la campagne de retrait des enfants de la rue et de lutte contre la mendicité. Mais elles souhaitent surtout également que leurs droits humains ne soient pas bafoués au passage.
Le retrait des enfants de la rue a déjà commencé à porter se fruits même hors des frontières du pays. Ainsi, en Guinée Conakry, les autorités politiques commencent déjà à se poser des questions par rapport à l’accueil de leurs compatriotes qui vont revenir au pays. L’agence guinéenne de presse (Agp) a fait avant-hier, état d’un premier groupe de 25 personnes expulsées du Sénégal, pour cause de mendicité dans la rue.
La dépêche souligne que le groupe est arrivé le 11 juillet dernier à Missira, à 65km du chef-lieu de la préfecture de Koundara, en Guinée, où il a été accueilli par les autorités locales. La presse locale précise qu’il s’agit de 7 hommes «en âge avancé, dont certains avec des handicaps physiques remarquables», 9 femmes, «dont certaines manifestent des troubles de cécité visuelle notoire», et 9 enfants, «dont l’âge varie entre 1 et 6 ans». A ces personnes ressortissantes d’un pays de la Cedeao, le Sénégal reprocherait officiellement, indiquent les journalistes de l’Agp, «le manque de domicile fixe, ainsi que la mendicité dans la rue». On sait que depuis un certain moment, le gouvernement sénégalais s’est engagé dans l’éradication du phénomène de mendicité par des enfants mineurs, qui ont fini de s’étendre sur toutes les grandes agglomérations sénégalaises comme une métastase. Cette volonté d’éradication du phénomène a donc particulièrement ciblé ce qui est appelé, le retrait des enfants de la rue, pour les remettre soit dans leurs familles, ou les confier à des structures spécialisées. Au dernier recensement, un peu moins de 200 enfants avaient été officiellement retirés de la rue.
S’agissant du groupe des Guinéens expulsés du Sénégal, et dont une majorité viendrait de Dakar, les autorités sénégalaises auraient indiqué à leurs homologues de chez Alpha Condé que «la présence des handicapés physiques, de malades mentaux dans les rues à travers les villes constitue autant de signes révélateurs de la présence massive de personnes étrangères et sans emploi à Dakar».
Quoi qu’il en soit, il ne semble pas que les Guinéens se soient préparés à une arrivée de leurs compatriotes du côté de la frontière avec le Sénégal. Cela peut être confirmé par la déclaration du Directeur adjoint aux affaires consulaires et juridiques au Ministère des affaires étrangères à Conakry. M. Mohamed Camara a ainsi déclaré au journal Le Quotidien : «Notre ambassadeur à Dakar ne serait pas encore informé de cette expulsion. Au moment venu, nous pourrons mieux nous exprimer sur cette expulsion.»
Cela n’a pas empêché le préfet de Koundara, M. Hassan Sanoussy Camara de s’inquiéter d’une quelconque escalade dans la dégradation des conditions d’accueil de ses compatriotes au Sénégal. Il a affirmé que ces 25 individus portaient à 370 personnes le nombre de Guinéens expulsés du Sénégal depuis le début de cette année. Avant, il s’agissant de jeunes, renvoyés dans leur pays pour de petites formes de délinquance, alors que cette fois-ci, il s’agit d’autre chose. Et s’agissant de ce dernier groupe en particulier, M. Sanoussy Camara a déploré ce qu’il a assimilé à «un non-respect de règles élémentaires des droits de l’Homme», en précisant au journal Le Quotidien : «Il faut déplorer le fait qu’il y a des enfants mineurs et des vieilles personnes parmi ces 25 Guinéens. Il y a aussi parmi eux deux handicapés physiques et une femme malvoyante. Le plus âgé des majeurs a 70 ans, alors que le moins âgé a 30 ans.» Et pour lui, en attendant l’acheminement de ces personnes vers leurs localités d’origine, il y a la question de leur prise en charge : «Avec ces expulsions, pèse sur moi un problème financier. Parce qu’il faut s’occuper de ces expulsés. Il faut d’abord les prendre du poste frontalier pour la commune urbaine. Ensuite, il faut les identifier pour les renvoyer dans leur préfecture d’origine. Pendant le temps qu’ils vont passer avec nous, il faut les nourrir. Je dois attirer votre attention sur le fait que nos compatriotes ont été d’abord incarcérés durant quatre jours dans des conditions inhumaines et dégradantes, n’obéissant à aucune règle élémentaire des droits de l’Homme.»
Le préfet de Koundara dit avoir alerté sa hiérarchie, parce qu’il affirme qu’avec cette campagne de retrait des enfants de la rue, son pays s’attend à une expulsion massive de Guinéens du Sénégal. De son côté, M. Kpanan Emmanuel Bamba, le président de la Ligue guinéenne des droits de l’Homme (Liguidho) ne s’offusque pas trop de ces expulsions par le Sénégal : «Le Sénégal peut bien expulser des Guinéens s’ils n’ont pas respecté les lois. Même si on est citoyen de la Cedeao, on doit se soumettre aux lois nationales. Si les lois sénégalaises sont violées par des personnes étrangères, le Sénégal peut juger ces personnes avant de les expulser. Tout comme, il peut les reconduire directement à la frontière. Pourvu que cette expulsion respecte les règles du droit international. Entre autres, il faut que les droits humains soient respectés.»