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Carnet de route: L’autre vie du Sénégal des profondeurs
Publié le samedi 9 juillet 2016  |  Sud Quotidien




Il existe une autre vie différente de celle menée dans la capitale sénégalaise. A l’intérieur du pays, on est plutôt frappé par la grisaille de la vie quotidienne. Des villes enclavées, des routes impraticables, des difficultés à mener des activités génératrices de revenus, tel est le lot quotidien des habitants du Sénégal des profondeurs. Carnet de route d’un périple Dakar-Kolda-Ziguinchor. Le «vrai» Sénégal nous parle.

Loin de Dakar, la capitale et son vacarme quotidien, c’est une autre vie que l’on découvre. Le quotidien dans les régions, surtout dans les zones rurales, n’a rien de clément. Sur les centaines de kilomètres qui s’éparent Dakar des grandes villes du sud, la vie est très différente des journées «mondaines» des grands centres urbains. Malgré le voyage matinal, l’on ne manque pas d’avoir un aperçu de la vie dans les contrées, loin de la capitale.

Une fois la ville de Mbour dépassée, c’est le Sine qui se laisse découvrir. Diofior, Thiadiaye, Tataguine, nous rapproche de Fatick, ville natale du président de la République, Macky Sall. Sur le chemin, il n’est pas rare de voir des femmes autour des puits, à la quête du liquide précieux. Dans ces zones, l’accès à l’eau potable n’est pas encore une réalité. Souvent, des bambins vêtus presque de loques sortent des maisons faites de palissade et de cases aux toits de chaume. Signe que la pauvreté est le pain quotidien dans ces zones rurales. Pendant ce temps, la route Fatick-Kaolack dicte sa loi aux nombreux véhicules qui ont préféré cette voie à la route goudronnée, mais longue, passant par Gossas. Entre creux, nids de poule et poussières, les voitures arrivent difficilement à Kaolack. Passé cet instant, la hantise de la traversée du bac du fleuve Gambie fait que les chauffeurs roulent vite, très vite, même sur l’axe Kaolack-Nioro du Rip. Après avoir franchi, le fief de l’Almamy du Rip, Maba Diakhou Ba, cap sur la zone de Keur Ayip. La route n’est pas goudronnée.

La faute au colon

Une des illustrations du morcellement du continent africain, est sans nul doute la frontière Sénégambienne. Cette zone tampon dans la ville de Keur Ayip n’est autre qu’un symbole de la porosité des frontières ouest africaines. Une grille de fer, précieusement surveillée des deux côtés sépare le Sénégal de la Gambie. Les forces de sécurité sénégalaises et gambiennes surveillent, de chaque côté, les moindres déplacements des voitures. La population quant à elle vaque tranquillement à son commerce, échange quelques mots taquins, avec en prime des éclats de rire. Le pays de Yaya Jammeh a ses règles. Des contrôles policiers sont effectués dans toutes les villes traversées. Des check points partout, surveillés par des forces de l’ordre qui dictent leur loi. A en juger par leur comportement. La traversée du bac, n’est pas elle aussi de tout repos. Parfois, il faut des heures d’attente pour monter dans cet «amas de fer», avec à bord les nombreux véhicules et passagers. Ici le file impressionnant de camions gros porteurs, en attente pour traverser le fleuve Gambie, s’impose à votre vue. Une fois l’obstacle gambien terminé, le voyage peut se poursuivre tranquillement jusqu’à Kolda, autrefois appelé, Koli-Dado, en signe de la complémentarité entre l’homme et la femme. C’est l’esprit genre, avant la lettre.

Medina Yoro Foulah, l’immergé !

On est loin ici du Sénégal immergent des tenants du pouvoir. Médina Yoro Foulah n’a rien d’un chef lieu de département. Il ressemble plus à un gros village. La ville ou ce qui en tient lieu, n’a pas d’électricité. La population se ravitaille à partir d’un groupe électrogène qui fonctionne de 16h à 00h. Dans ce patelin, Yaya Jammeh y est beaucoup plus populaire que Macky Sall. Il est le Président. Les habitants de la localité sont beaucoup plus Gambiens que Sénégalais. La récolte est vendue au pays de Jammeh. Les achats se font aussi en Gambie. Le dalassi est utilisé comme monnaie. Les maisons en dur ne sont pas très nombreuses dans la localité. Medina Yoro Foulah se ravitaille à partir d’un puits. Aller à Médina Yoro Foulah est un calvaire. Dans ce département où il n’existe aucun centimètre de route bitumée, le déplacement est un cauchemar. L’axe Kolda Médina Yoro Foulah est intenable pour les visiteurs. Malgré le début de pluie, la piste en latérite ne s’est pas débarrassée de sa poussière. Les quelques voitures qui y passent dans la journée, tremblent au gré des trous et autres déviations très fréquents sur cette axe. Les gros cylindrés du cortège du ministère de l’environnement et du développement durable, n’y échappent pas. Les reporters de la capitale du Fouladou quant à eux ironisent et parlent «d’autoroute à péage». Pour eux, cette route est de loin meilleure que ce qu’elle fût avant l’arrivée de l’hivernage. Dans les villages qui bordent cet axe peu fréquenté, des étals de mangues sont exposés dans l’attente d’hypothétiques clients. Dans la zone, le réseau téléphonique n’est pas stable. Seul un opérateur national tente, tant bien que mal, de résister. Les autres sont sur boîte vocal.

Ziguinchor étale ses charmes

En ce moment, où l’hivernage ne s’est pas encore installée dans plusieurs parties du pays, Ziguinchor quant à elle a pris de l’avance. La nature y est verdoyante. Des arbres aux feuillages touffus sont visibles de tous bords. Les bâtiments aux toits sous forme de trapèze font penser à la forte pluviométrie dans la zone. Dans la ville, le visiteur découvre les femmes qui s’investissent dans plusieurs activités lucratives. Elles sont partout. De la vente des fruits, à la transformation des produits halieutiques, tout y passe. Connue par la riziculture, la région attend ses premiers semis. Pour le moment, ce sont des mangues laissées à la merci du vent et des mouches qui désolent les non habitués de la zone. Le problème, à Ziguinchor, surtout dans les villages environnants, c’est l’absence d’infrastructures de stockage et de transformation des produits.

En effet, sur la carte postale de Ziguinchor, figurent en bonne place ses mangroves et ses bateaux dont l’un, dans la matinée du 28 juin dernier, était à quai, en attente de larguer les amarres pour Dakar.
La capitale du Sud offre un décor luxuriant à l’entrée du pont Emile Badiane, vitrine d’une Casamance gâtée par la nature, mais que l’homme est aujourd’hui en train de chahuter, par une déforestation sauvage. Hélas !
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