Aide à la presse, Caisse des dépôts et consignations, Société nationale des habitations à loyer modéré (Hlm) et Institut de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres). Ce sont principalement les quatre insertions dont parle le rapport 2014 de la Cour des Comptes. Elles sont loin d’être des modèles de gestion transparente. Ce document rendu public hier, vendredi 1er Juillet, a statué sur le contrôle de l’exécution des lois de finances pour l’année 2013, relatif à l’exécution des lois de finances et à la déclaration générale de conformité d’une part, et d’autre part, les contrôles des services de l’Etat, des entreprises et organismes publics.
EXECUTION DES LOIS DE FINANCES 2013
Faisant l’économie du rapport, Oumar Ndiaye président de la chambre de discipline financière (Cdf) au titre de l’exécution des lois de finances pour l’année 2013, a relevé des malversations financières dans l’exécution du budget de l’année 2013. Ainsi, après exécution du budget pour l’année financière précitée, les recettes effectives se chiffrent à 2 372,90 milliards de francs CFA, soit un taux de réalisation de 92,49% et les dépenses effectives s’élèvent à 2 302 milliards de francs CFA, soit un taux d’exécution de 89,73%.
De cela, en résulte un excédent budgétaire de 70,75 milliards de francs CFA contre un solde positif de 76,92 milliards de francs CFA pour la gestion précédente, soit une baisse de 6,17 milliards de francs CFA. Après examen, la cour constate pour le déplorer la façon dont le ministère de l’Economie, des Finances et du Plan comptabilise les emprunts dans les projets de loi des finances. Ainsi, selon M. Ndiaye par ailleurs, rapporteur du présent rapport explique: «Le budget est voté en recettes et en dépenses et la comparaison des deux colonnes donne un solde. Lequel peut être excédentaire (positif) ou déficitaire (négatif). Mais dans la présentation du budget dans la loi de finance il n’y a pas possibilité pour les non initiés de le lire et de comprendre. Or, à l’état actuel (moment de l’étude) il n’y a pas de visibilité du budget. Car, les emprunts sont fusionnés au déficit. Parce que, en l’espèce, les emprunts ne peuvent être considérés comme ressources budgétaires. C’est un élément d’équilibre qui permet de savoir s’il y a manque ou pas de quelque chose», a-t-il expliqué.
Deuxième observation c’est la comptabilisation des remboursements de prêts rétrocédés. «Lesquels prêts consentis par le gouvernement sont généralement rétrocédés aux entreprises publiques. Mais après règlement de compte, il faut rétablir le budget en recettes pour ces paiements. A ce niveau, la cour constate que ces prêts, le ministère les comptabilise comme des ressources du budget général. Or, au moment où ces prêts avaient occasionnés des dépenses, ils avaient été prélevés sur comptes spéciaux du trésor. Donc, la cour dit parallélisme de forme. Lesdits prêts doivent être intégrés aux comptes spéciaux du trésor et non dans le budget général», souligne-t-il.
Troisième observation, c’est la gestion des impôts directs. Selon le rapporteur, M. Ndiaye, les impôts de l’Etat sont normalement pris en charge par un agent de l’Etat. Qui a l’obligation de les recouvrer. Et habituellement, ce sont les comptables publiques qui les gèrent. Une réglementation est intervenue pour transférer maintenant cette responsabilité qui pesait sur les comptables publics vers les services des impôts. Par conséquent, les impôts indirects doivent être recouvrés par la direction générale des impôts et domaines. Conséquence, dans les comptes des comptables publics, il y avait des disparités d’informations. Certains renseignant leurs comptes sur ces impôts directs, d’autres ne renseignant pas leurs comptes sur ces impôts directs. Et la cour recommande au ministère de trancher cette affaire.
CRITERE DE CONVERGENCE DE L’UEMOA
La cour a examiné la situation d’exécution du budget par rapport aux critères de convergence de l’Union économique monétaire ouest africaine (Uemoa). Sur ce, la cour a constaté que les ratios de convergence de l’Uemao sont respectés convenablement par le ministère de l’Economie, des Finances et du Plan sur ressources internes. S’agissant des investissements sur ressources internes par rapport à nos recettes fiscales, en ce concerne la masse salariale par rapport à nos recettes fiscales et le poids de la dette dans les finances publiques. Au sujet des actes modificatifs de crédit, la cour recommande au ministère de présenter d’une autre manière lesdits actes modificatifs. Puisqu’ils sont votés par le parlement, ils doivent nécessairement être exécutés par celui-ci, éclaircie la cour…
AIDE A LA PRESSE : Non respect des dispositions légales relatives à l’aide à la presse
S’agissant de l’aide à la presse, des dysfonctionnements notoires ont été notés à ce niveau. Ainsi, la cour relève des décisions de répartition de la subvention dépourvues de mentions prévues par la loi, le défaut de publication des décisions de répartition de la loi de subvention à la presse. Sur ce, la cour constate une distribution égalitaire et non modulée. Or, la loi fait obligation de mettre les décisions d’attribution de cette aide dans certaines formes. Lesquelles formes sont bafouées ou méprisées par les autorités mandataires de la distribution. S’y ajoute l’obligation de publicité non respecté. Mieux, constate la cour des dysfonctionnements ne relevant pas de la loi, mais largement imputables à une négligence de gestion des acteurs concernés. Parmi ces négligences notoires, l’absence quasi totale d’une commission en charge d’examiner les demandes d’attribution d’aide à la presse, dirigée par un membre du ministère de la communication, des représentants de droits et des représentants des organes de presse. Donc, la répartition (distribution) de l’aide à la presse du point de vue de la loi ne provient pas de l’autorité compétente.
CADRE JURIDIQUE LACUNAIRE
Sur ce, la cour considère que la loi est insuffisante concernant la destination et l’utilisation de cette aide. En réalité, on aide un organe de presse, pourquoi, à quelle fin, comment doit-il utilisé cette aide là? La cour a constaté également qu’il y a une difficulté de mettre en œuvre lesdites lois. Parce que dépourvu des moyens qui nous permettent d’arbitrer. Au compte des années 2008, 2009, 2010, le cumul de l’aide à la presse se chiffre à 1,5 milliards de francs CFA. Entre la presse écrite et les correspondants régionaux notamment l’aide à la formation au CESTI etc.
AIDE A LA PRESSE DES CORRESPONDANTS REGIONAUX
L’aide à la presse des correspondants régionaux souffre ainsi d’un manque d’encadrement entrainant de graves confusions dans sa gestion et son utilisation. En effet, pour la plupart des bénéficiaires, les fonds versés constituent une aide du président de la République pour laquelle aucun justificatif n’est attendu en retour ; Ils considèrent qu’ils ne sont pas tenus de rendre compte de son utilisation. En clair, le terme «correspondant régional» n’est pas défini. Sur ce, dira M. Ndiaye «Certains correspondants régionaux estiment avoir les mêmes compétences que leurs collègues de Dakar. Mais, ils ne sont pas logés à la même enseigne», fait-il remarquer.
La cour des comptes a également noté des lenteurs dans la gestion de la subvention à la presse. Par exemple, la décision portant octroi de la subvention aux organes de presse pour un montant de 300 000 000 au compte de la gestion 2008 n’a été livré à la date du 05/02/2009, pour l’année 2009 livré le 21 /01/2010 et pour l’année 2010 le même n’a été livré qu’au 27/12/2012.
CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS
A ce sujet, la cour relève deux dysfonctionnements. D’abord, au cadre juridique la cour relève des contraintes pour la Cdc. Et au plan de la mobilisation des ressources, qui devraient lui permettre de bien fonctionner, la loi qui créé la Caisse des dépôts et consignations (Cdc) est suivi d’application qui liste les ressources dont la Cdc devraient disposer pour bien fonctionner et parmi ces ressources, il y a en qui sont cités et que la Cdc ne parvient pas à mobiliser. Par exemple, les fonds détenus par les caisses de retraites l’Ipres, le Fonds national de retraite. La loi prévoit que ces fonds doivent être déposés dans les écritures de la caisse. Mais, les autorités n’ont jamais réussi à se faire transférer ces fonds la, malgré les tentatives de discussion de convention entre la caisse le trésor entre la caisse l’Ipres.
CONTROVERSE JURIDIQUE AVEC L’IPRES
Les articles 19 et 25 de la loi n°2006-03 du 4 janvier 2006 donnent à la Cdc la possibilité de gérer les fonds des caisses de retraite. En vue de concrétiser le transfert des fonds de l’Ipres à la Cdc, des modalités pratiques ont été définies à compter d’août 2008, y compris l’évaluation qui a exigé la prise d’un décret pour confier à la Cdc les cotisations des agents non-fonctionnaires. A cet effet, un projet de décret a été initié et proposé par cette dernière à l’Ipres et aux tutelles des deux institutions. Autant de dysfonctionnements relevés par la cour que dans les prérogatives de la Cdc chargé d’appuyer l’Etat, notamment dans le domaine de l’Habitat modéré. Sur ce point, la cour a constaté que les investissements que la Cdc a faits sont tout simplement inefficients. Car, la Cdc acquiert des terrains dans les zones résidentiels (mamelles, Almadies…) à des coûts très élevés. Or, ceci n’est pas conforme à l’esprit de la loi. Selon la cour, la Cdc a suffisamment des moyens lucratifs pour fructifier ce qui est déposé dans ses caisses pour ne pas les consacrer à des immobilisations foncières qui ne rapportent pas grande chose. Par conséquent, la cour considère qu’il y a des produits plus rentables que la Cdc pourrait rentabiliser en un temps record et ainsi rapporter gros à l’Etat. Car, des investissements sur des terrains nus sur plusieurs années sans être mises en valeur ne rapportent rien.
A cela, la cour relève autre anomalie liée à la prise de participation qui en général ne rapporte pas grand chose notamment en 2010, 2011, 2013 sur une quinzaine de prise de participation une seule à rapporté quelque chose. Donc, inefficience de la prise de participation. Il s’agit de la prise de participation de la Sonatel qui a rapporté 20 millions à la Cdc en dividende au bout d’un trimestre.
Autre chose, la masse salariale fait peser sur la pérennité de la Cdc. A ce niveau, la cour a comparé l’activité nette de l’entreprise et le montant net de la masse salariale. Et dans les 2013 2012 2011, déjà la masse salariale est plus importante que le profil net. Pire, la Cdc entreprend des transactions immobilières un peu incompréhensibles du point de vue de ce que ces transactions peuvent produire. Par exemple, la Cdc achète chez un particulier 7 500 francs le mètre carré, ensuite revend ce terrain à ce même particulier pour mille francs le mètre carré. Ensuite ce particulier crée une société pour un programme immobilier sur ce terrain et la Cdc devient actionnaire à cette société. Et toutes les dépenses sont supportées par la Cdc.
COMPAGNIE GENERALE IMMOBILIERE
La création de la société dénommée Compagnie générale immobilière (Cgi) rentre dans le cadre du développement de programme immobilier aux Almadies. A cet égard, la Commission de surveillance, en sa séance du 10 octobre 2013, a examiné et adopté la mise en œuvre de ce concept selon les modalités suivantes : une prise de participation de la Cdc à 40% dans le capital de Cgi Sa en cours de création; une avance en compte courant d’actionnaire de 4,5 milliards de francs CFA sous forme de prêts rémunéré au taux de 6,5%; la cession des terrains TF n°544/R de 100 ha, TF n°4861/R de 50 ha et du TNI de 43 234 m2 de la Cdc sis à Bambilor à la Cgi Sa moyennant un prix de vente compris entre 6750 FCFA et 10 000 le m2 hors frais et taxes et la représentation de la Cdc au conseil d’administration de Cgi Sa par le Directeur général, qui en assurera la présidence et par la DESF.
Au regard des statuts de la société, le capital de la Cgi divisé en 10 000 actions de 10 000 FCFA chacune et M. Amadou Loum Diagne associé avec une part.
La Cdc a souscrit à une participation de 100 millions FCFA, soit 40% des parts dans le capital social de 250 millions FCFA de SERC, détenu majoritairement par M. Papa Cheikh Amadou Amar à hauteur de 60%. Pour la mise en valeur du terrain, la commission de surveillance a adopté le projet avec les mêmes conditions que celui avec CGI. SA à savoir une participation de 100 millions FCFA de la Cdc dans le capital de la SERC à une avance en compte courant d’actionnaire de 5 milliards FCFA sous forme de prêt rémunéré au taux de 5% HTVA; la cession du terrain de la Cdc sis aux Mamelles à la SERC à 14,4 milliards et la représentation de la Cdc à l’organe délibérant de la SERC par son directeur général ou un collaborateur…
A cela s’ajoutent des opérations de rachat de créances, de prêt et garantie…
SOCIETE NATIONALE DES HABITATS A LOYER MODERE (HLM)
S’agissant de la gestion de la structure, de nombreux dysfonctionnements ont été relevés entre autres : le défaut d’accompagnement par l’Etat, l’irrégularité dans la composition du comité de direction et l’existence des sections d’épargne
L’absence de l’Etat dans l’accompagnement pèse lourdement dans le fonctionnement de celle-ci. En effet, dans la pratique, comparativement à certains opérateurs privés bénéficiant de «largesse» du gouvernement, la SNHLM est défavorisée sur le marché de l’immobilier.
Les transactions foncières constatées par la Cour à l’occasion des audits de la gestion de la Caisse de sécurité sociale (Css) et de l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (Artp) confirment une intervention de l’Etat dans le secteur immobilier au préjudice de l’activité de la SNHLM.
A la société nationale Hlm la cour a souligné que la durée de réalisation des programmes est trop longue, des dépassements dans l’exécution de son budget, une gestion des stocks des matières très défectueuse, des traitements non équitables entre les soumissionnaires aux programmes de la Sn Hlm, une situation financière très compromise. S’y ajoute la politique de recouvrement qui est quasiment inexistante au niveau de la SNHLM. Le système de gestion intégré de la société est sous-utilisé. Ce qui se traduit par l’indisponibilité, en temps réel de la situation des clients au niveau des agences régionales.
Ainsi, celles-ci font recourent à la Direction générale pour avoir les informations afin de procéder à des recouvrements ou d’établir la situation des clients. Il y a également la gestion budgétaire, la gestion des stocks, le défaut de maitrise des consommations de carburants, entre autres.
INSTITUT DE PREVOYANCE RETRAITE DE SENEGAL (IPRES)
Là aussi des irrégularités notoires ont été relevées par la Cour. Au titre de l’allocation irrégulière de jetons de présence aux administrateurs et d’indemnité, dans la pratique, les administrateurs bénéficient de jetons de présence sans lien avec le remboursement de frais de déplacement exposés. De même, le Pca bénéficie d’indemnité mensuelle alors qu’il n’a pas perdu son salaire. De plus, les membres du Conseil d’administration (Ca) siégeant au sein de des différents comités issus dudit conseil des jetons de présence cumulent sans aucune base légale les jetons de présence servis dans les différentes instances. Par exemple pour l’ancien Pca Mody Guiro, «L’augmentation de jetons de présence ainsi que leur paiement avec effet rétroactif entrent (…) dans la logique d’harmoniser le traitement des administrateurs de l’Ipres avec celui de la Css», décrit la Cour. A ces irrégularités s’ajoutent la prise en charge des dépenses de la tutelle, l’audit interne inefficace, insuffisance dans le pilotage de la modernisation du système d’information.
Sur le volet de la gestion comptable, la Cour souligne que le contrôle des documents comptables notamment les grands livres sur la période de 2008 à 2010, a permis de constater que les produits techniques ne sont pas enregistrés en cours d’exercice au compte 70. Ils sont passés au débit du compte 5 «trésorerie» par le crédit du compte 415 «cotisants».
Sur la gestion technique, la Cour note entre autres anomalies, la fraude sur les pensions.
Par exemple la Cour peut citer comme illustration, le cas de l’agent C.S qui, suite à une dénonciation en 2010, a fait l’objet d’une enquête durant dans laquelle la direction de l’audit a décelé plusieurs autres de fraudes pour le un préjudice total de 11 476 677 FCFA.