Immédiatement sorti du territoire national, après son élargissement de prison, Karim Wade peut rentrer au Sénégal à tout moment, s’il le souhaite. Selon Mayoro Faye qui en a fait la déclaration, Karim Wade a accepté de s’exiler parce que de bonnes volontés le lui ont demandé. Dans cet entretien, le chargé de la communication du Parti démocratique sénégalais déclare qu’il garde ses droits civils et politiques, et que rien ne pourra l’empêcher d’être leur candidat à la prochaine présidentielle. Au moment où la question de son éligibilité se pose de plus en plus.
Karim Wade a été récemment libéré, à la suite d’une grâce présidentielle. Qu’est-ce qui, selon vous, a conduit à cette libération ?
Nous avons accueilli la libération de Karim Wade dans la dignité, ressentant aussi une très grande fierté. Nous avons aujourd’hui le sentiment d’avoir livré à ses côtés un combat qui s’est révélé crucial. Dès lors, nous rendons grâce à Dieu de nous avoir accompagné dans ce combat pour la vérité et la justice. Je pense sincèrement que beaucoup de facteurs conjugués ont conduit à sa libération. Je rappelle simplement les multiples voix qui se sont élevées pour dire halte à ce qui ressemblait à un règlement de comptes.
Déjà, en février 2013, la Cour de justice de la CEDEAO alertait l’Etat du Sénégal sur les procédures entreprises contre Karim Wade devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI). La quasi-totalité des organisations de défense des droits de l’homme, comme de nombreuses personnalités politiques et religieuses, ont, soit fustigé la démarche du régime, soit intercédé en faveur de Karim Wade. En plus de cela, il y a eu la pression de l’opinion. Car les Sénégalais étaient très choqués par la tournure empruntée par les choses. Le groupe de travail des Nations unies aussi est venu en rajouter, en déclarant que Karim Wade était en détention arbitraire. Mais je pense également que le rôle de nos guides religieux a été très déterminant.
Tandis qu’Idrissa Seck pointe un deal international, d’autres parlent de pressions qu’aurait subies le président de la République qui n’avait pas d’autre choix que de le libérer. Qu’en est-il exactement ?
Il n’y a pas eu de deal. Car personne n’ose organiser un deal en y associant nos vénérés chefs religieux. Sur cette question, la réponse du porte-parole du Khalife général des Mourides suffit largement. A la question de savoir s’il avait oui ou non le choix face à la pression, je ne saurais y répondre.
Y a-t-il eu négociation entre le Pds et le président de la République à cet effet ?
Il n’y a eu aucune négociation. Toutefois, pendant les dernières heures, avant sa libération, de bonnes volontés sont parvenues à faire accepter à Karim Wade quelques modalités liées à des précautions que l’Etat a voulu, à tout prix, prendre.
Quelles sont ces précautions ?
Je rappelle que Karim Wade avait reçu, lorsqu’il était en prison, plus de 600 000 demandes de visites. Des Sénégalais qui voulaient le rencontrer. Ces personnes attendaient qu’il sorte pour aller à sa rencontre. Si autant de personnes attendent un prisonnier, cela peut créer un trouble à l’ordre public. C’est pourquoi Karim Wade a accepté de partir pour un moment, pour permettre au pouvoir d’avoir quelques commodités par rapport à l’ordre public.
La tournure des évènements n’a-t-il pas donné raison à Idrissa Seck ?
Non ! Aucunement ! Idrissa Seck s’est précipité pour parler de deal sans avoir tous les éléments d’appréciation. C’est dommage pour une personnalité qui aspire demain à diriger un pays.
L’implication du Qatar dans ce dossier n’est pas un hasard. Mais en quoi Karim Wade est-il si important pour les Qataris ?
L’implication du Qatar est très transparente. C’est un pays ami du Sénégal et l’Emir est un ami personnel de Karim Wade qui s’est toujours préoccupé de sa situation. Maintenant en quoi Karim Wade est important ? Posez la question à ceux qui pensent fermement que le laisser rencontrer son marabout et les centaines de Sénégalais qui l’ont soutenu pouvaient constituer un danger.
A vous entendre, on a comme l’impression que Karim Wade a été contraint à l’exil ?
Tout ce que je sais, c’est qu’il a donné sa parole, puisque ça fait partie des modalités. Mais il peut, s’il le souhaite, rentrer demain au Sénégal. Cependant, c’est un homme de parole qui voue un profond respect à tous les guides religieux du Sénégal à qui il a d’ailleurs adressé des remerciements. Il est aussi fidèle en amitié. Il ne décevra point.
Aussitôt libéré, le fils de l’ancien président de la République s’est envolé pour le Qatar sans avoir le temps de se rendre comme il l’aurait souhaité, dans les foyers religieux dont Touba, Tivaouane et autres. Qu’est-ce qui, selon vous, explique cela ?
Je dis simplement que Karim Wade ne pouvait pas et ne devait pas non plus, dire non à tous ceux qui, depuis quelques années, se sont investis pour son élargissement. Cela, même s’il voulait aller à la rencontre des Sénégalais qui lui ont exprimé soutien et affection. Les prières de Tivaouane, le déplacement de l’émissaire du Khalife de Touba, son fils aîné, et l’amitié du Qatar l’ont finalement rassuré et apaisé. Heureusement que les Sénégalais qu’il envisageait d’aller rencontrer l’ont parfaitement compris. Car, ce n’est que partie remise.
Quel est aujourd’hui le combat pour le Pds, dès lors que Karim Wade a été libéré ?
Le Pds, qui a encore exprimé son ancrage dans l’opposition, fait cap sur les législatives de 2017. Notre parti poursuit la mobilisation et son élargissement à la base afin d’insuffler aux militantes et militants plus que jamais engagés, davantage de vigueur en direction des combats futurs. Nous sommes prêts pour aller à la conquête démocratique du pouvoir, avec cette fois-ci, parmi nous, le candidat du parti Karim Wade.
Quel est, selon vous, son avenir politique ?
Son avenir politique réside dans son ambition pour le Sénégal. Pour lui, la confiance des militants et l’espérance des Sénégalais méritent qu’il se mette à leur disposition pour construire ce pays. Son avenir politique reste très radieux. Ce qui gêne déjà certains mauvais perdants et oiseaux de mauvais augure.
Dans le verdict de la CREI l’ayant condamné, ses droits civils et politiques ont été préservés. Mais dès lors que son casier judiciaire n’est plus vierge, pensez-vous que sa candidature puisse être acceptée à l’élection présidentielle de 2012 ?
Je me veux clair : Karim Wade garde intacts ses droits civils et politiques. Et je ne pense pas que des manœuvres politiciennes pourraient tenter de l’en empêcher. Il est notre candidat à la prochaine élection présidentielle et c’est à cela que nous travaillons pour le faire triompher. Personne ni rien ne peut nous divertir. Le Procureur spécial de la CREI l’avait demandé à la Cour, mais les juges l’ont refusé.
Comment appréciez-vous la sortie du ministre de la justice qui laisse entendre que Karim Wade ne peut pas se présenter à l’élection présidentielle, dès lors qu’il n’a pas un casier judiciaire vierge ?
Si le ministre de la justice, ancien avocat de Bibo Bourgi qui a combattu la CREI, qui juste après le verdict condamnant Karim Wade à six ans de prison disait qu’il n’a pas perdu ses droits civils et politiques, revient aujourd’hui pour dire qu’il n’est plus éligible, je ne comprends plus. Cela veut dire que maintenant, c’est un responsable de l’Alliance pour la république qui parle. Il ne voudrait pas voir demain Karim Wade faire face à son candidat.
Il ne peut pas, à chaque fois, varié dans son discours. Il avait déclaré que la CREI ne pouvait pas garantir un procès équitable à son client d’alors, Bibo Bourgi. Après avoir été nommé, il défend le contraire. En vérité, le Procureur spécial de la CREI avait demandé que Karim Wade soit déchu de ses droits politiques et civils. Ce que la Cour a rejeté. Certainement, c’est sur cet élément et d’autres que le ministre de la justice, Sidiki Kaba, s’était fondé pour dire à qui veut l’entendre, à travers les médias, que Karim Wade garde encore ses droits politiques et civils. Aujourd’hui, nous n’allons pas installer un débat autour d’un casier judiciaire. On a un candidat qui a été choisi, dont le procureur a demandé qu’il soit déchu de ses droits civils et politiques. Ce qui n’a pas été suivi. Nous travaillons aujourd’hui à créer les conditions de son triomphe, à élargir les bases de notre parti, à s’ouvrir aux Sénégalais qui croient à nos projets de société.
Vous semblez minimiser les déclarations du ministre de la justice. Mais si ses propos venaient à se confirmer, quelle serait la posture du Pds ?
Nous attendons d’arriver à cette éventualité. Mais pour le moment, on a un objectif qui consiste à faire élire notre candidat choisi au cours de notre congrès. Le tribunal exceptionnel de la CREI ne peut pas empêcher Karim Wade d’être candidat à l’élection présidentielle. Nous nous fondons sur les positions que nous avions toujours eues, c’est-à-dire que l’on ne reconnaît pas la CREI. Cette Cour ne peut pas organiser un procès équitable. Elle ne respecte pas la présomption d’innocence et les droits de la défense. Le déroulement d’un procès au cours duquel on expulse un avocat de la défense, où on radie un juge assesseur en pleine audience, n’est pas un procès sérieux. Nous ne reconnaissons pas cette condamnation que nous jugeons politique. La CREI a été le résultat d’un règlement de comptes entre le régime en place et le Parti démocratique sénégalais.
Il a été fait cas dans la presse des échanges téléphoniques entre Karim Wade et des leaders de l’opposition tels que Malick Gackou, Mamadou Diop Decroix et Abdoulaye Baldé, entre autres. Est-il dans une dynamique de fédérer toutes ces forces autour de lui ?
Je pense que cette attitude est à saluer. Cela veut dire que c’est la personne physique de Karim Wade qui a été enfermée par le régime actuel et non ses positions. C’est un responsable du Pds qui est un parti ancré dans l’opposition. Donc, son acte est positivement appréciable qu’il prenne sur lui d’appeler certains leaders de l’opposition qui l’ont soutenu durant son combat. Comme tous les Sénégalais, je pense que Karim Wade s’est montré reconnaissant. N’eût été les modalités de sa libération, il se serait déplacé vers chacun d’entre eux pour exprimer sa reconnaissance mais aussi ses remerciements.
Peut-on s’attendre à une fédération des forces de l’opposition autour de sa personne pour faire face au pouvoir?
On ne peut encore présager une formule magique. Mais on peut simplement dire que le Pds, en tant que force principale de l’opposition, est ouvert à toutes les autres formations politiques. Ceci, afin qu’une bonne coalition soit formée pour faire face au régime actuel et apporter les changements attendus par les Sénégalais. De toute façon, rien ne pourra se faire au niveau de l’opposition sans le Pds. Mais notre parti a un candidat qui s’appelle Karim Wade.