Récemment débouté par la Cour d’Appel de Paris pour le versement de sa caution de mise en liberté provisoire, Lamine Diack fait face à de nouvelles accusations. Dans une interview accordée au quotidien L’Equipe, l’ex-chef du département médical et antidopage, Gabriel Dollé, présente l’ancien président de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) comme l’instigateur principal, dans l’affaire de dopage d’athlètes russes.
Rien ne va plus pour Lamine Diack, mis en examen en France, depuis fin 2015, pour ‘’corruption passive’’ et ‘’blanchiment aggravé’’. Dernièrement, la deuxième Chambre d’instruction de la Cour d’Appel de Paris a décidé que l’ancien président de la fédération internationale d’athlétisme (IAAF) devait payer 500 000 euros (325 millions F Cfa) comme caution pour bénéficier de la liberté provisoire, dans l’affaire de dopage des athlètes russes. Et l’a interdit de sortie du territoire français. Alors que ses avocats avaient demandé et obtenu, en première instance, la baisse de cette caution pour la fixer à 140 000 euros (91 millions F Cfa).
Aujourd’hui, il doit composer avec les accusations de l’ancien responsable de l’antidopage de l’IAAF, Gabriel Dollé. Dans un entretien accordé au quotidien sportif français L’Equipe, vendredi dernier, il enfonce Lamine Diack. Même s’il est également mis en examen dans cette même affaire. Il accuse le Sénégalais d’être le cerveau du système qui a permis à certains athlètes russes de participer frauduleusement aux Jeux olympiques de Londres 2012. Mais aussi, de s’être servi de lui pour étouffer la révélation du dopage des Russes, en 2011, avant de le virer pour se protéger et couvrir son fils, Papa Massata Diack, par ailleurs ancien conseiller en marketing de l’instance internationale.
‘’Lamine Diack m’a demandé de trouver un arrangement’’
Selon l’ancien médecin français, tout est parti des difficultés financières de l’IAAF. ‘’Vers la fin de l'année 2011, on a dressé un état des lieux et nous avons rédigé cette liste qui détaillait les 23 cas russes recensés. Pendant ce temps, la situation financière de l'IAAF s'aggravait et on nous a imposé des restrictions budgétaires drastiques. Dans mon département, il fallait fournir les mêmes prestations avec 30% de budget en moins’’, dit-il. Devant cette situation, il fallait alors agir pour sauver l’institution. ‘’C'est à ce moment que Lamine Diack m'a expliqué que l'IAAF avait besoin de sponsors, qu'une négociation avec une banque russe (VTB) était en cours et qu'il y avait un risque de scandale qui compromettrait le sponsoring, si on annonçait ces cas de dopage sanguin en cours d'année olympique. Il m'a donc demandé de trouver un arrangement pour étaler la gestion des cas russes et retarder leur publication’’, déclare le Français. Tout en soulignant sa réticence au début, avant de se rétracter pour ‘’l’intérêt supérieur de l’institution’’.
A l’en croire, il a accédé à la demande du président d’alors, car croyant ‘’qu’il n’était question que de retardement et qu’aucun cas ne serait occulté’’. ‘’J’ai fait comprendre que ces athlètes devaient être écartés des compétitions, sous une forme de suspension provisoire, mais sans publication officielle. Il fallait surtout que ces athlètes ne participent pas aux JO’’, soutient-il, en précisant que ce devait être fait en conformité avec les règles. Gabriel Dollé se souvient par la suite de deux réunions dont l’une présidée par Lamine Diack, lui-même, pour ‘’caler’’ le plan à mettre en œuvre pour retarder la publication de la liste des athlètes épinglés. Mais selon lui, jusque-là, il n’a pas été question d’argent ou d’une quelconque contrepartie à son égard.
Lamine Diack couvre son fils Papa Massata
Toujours dans l’entretien, l’ex-officier antidopage explique que Lamine Diack va, en outre, chargé son conseiller juridique, Habib Cissé, ‘’de superviser le suivi des cas russes’’. Ce dernier avait en même temps, dit-il, pour mission d’envoyer les courriers de notification à Valentin Balakhnichev, alors président de la fédération russe d’athlétisme et trésorier de l’IAAF. ‘’Probablement à la demande de ce dernier, pour en préserver la confidentialité’’, croit savoir le septuagénaire. Mais, selon lui, rien ne sera fait par la suite, malgré son instance auprès de MM. Diack et Balakhnichev pour rendre publics les cas de dopage.
Après les JO, les Mondiaux-2013 arrivent. Gabriel Dollé constate de nouveau les mêmes noms des athlètes épinglés sur la liste des concurrents. Après s’être plaint auprès de l’ex-maire de Dakar, il obtient cette fois-ci gain de cause. ‘’Le nécessaire a été fait : aucun athlète n’a participé aux Mondiaux 2013’’, se réjouit l’ancien chef du département médical de l’IAAF. Par la suite, ajoute-il, Papa Massata Diack sera cité, à la fin du 1er trimestre 2014, dans une rumeur de versement de pots de vin de 450 mille euros (environ 295 millions de francs CFA). Mais, selon lui, le père de ce dernier a refusé de se prononcer sur cette question. ‘’Il (Lamine Diack) n’a pas voulu réagir’’, se rappelle-t-il. Ce n’est que plusieurs mois après, raconte-t-il, qu’il a su que Diack-père était lui-même impliqué dans l’affaire. Et qu’il avait donné de l’argent pour soutenir une partie de l’opposition sénégalaise en 2012, afin de faire chuter le régime d’Abdoulaye Wade, président de la République d’alors.
Dollé remercié avec 91,8 millions de FCFA
Gabriel raconte ensuite qu’il sera remercié, en septembre 2014, par l’ex-patron de l’IAAF. Il reconnaît cependant que celui-ci lui a remis en trois tranches, comme guise de ‘’gratification de fin de parcours’’, la somme de 140 000 euros, soit environ 91,8 millions de francs CFA. L’intéressé avoue également avoir reçu un mois plutôt une enveloppe de 50 mille euros (32,7 millions de francs CFA) de la part, cette fois-ci, de Papa Massata Diack. Mais comme pour s’en laver les mains, il affirme avoir déclaré, à l’époque, cette importante somme d’argent au fisc. Un aveu qui n’a cependant pas empêché sa mise en examen pour corruption passive dans l'enquête conduite par le juge Renaud Van Ruymbeke.