Dès son accession au pouvoir en 2012, le président Macky Sall, conformément à son engagement de campagne électorale, a enclenché une procédure de vérification du patrimoine de certains dignitaires de l’ancien régime libéral de Me Abdoulaye Wade. Il a ainsi réactivé la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), créée en 1981 et qui n’avait pas été activée depuis près de trente ans pour conduire cette procédure d’audit, dénommée la traque des biens supposés mal acquis.
Le 8 novembre 2012, soit 8 mois après l’avènement de la seconde alternance politique à la tête de l’État sénégalais, le procureur spécial près la Crei, Alioune Ndao annonce, lors d’une conférence de presse, le démarrage officiel des activités de cette juridiction d’exception chargée de traquer les «délinquants à col blanc». Lors de de cette rencontre avec les journalistes, le procureur spécial, Alioune Ndao avait ainsi présenté une liste de 25 personnalités de l’ex-régime ciblées dont certaines sont tout simplement envoyées à Rebeuss.
Il s’agit, entre autres de : Karim Wade, l’ancienne sénatrice Aïda Ndiongue, Abdou Aziz Diop du Fncl, Thierno Ousmane Sy, ancien conseiller du président Wade aux Ntic, Ndongo Diaw, ex-Dg de l’Artp, Baila Wane, ex-Dg de la Lonase. Toujours sur cette liste, des dignitaires de l’ancien régime envoyés à Rebeuss par le procureur Alioune Ndao pour leur gestion nébuleuse, figurent également Bara Sady, ex-Directeur général du Port autonome de Dakar, Tahibou Ndiaye, ex-Dg du cadastre, Ndèye Khady Guèye, ex-administratrice du Fonds de promotion économique (Fpe), Carmelo Sagna, l’ex-directeur général de la Société africaine de raffinage (Sar) pour ne citer que ceux-là.
De sept interdictions de sortie du territoire à zéro aujourd’hui
En parallèle à cette liste des 25 ans dignitaires, l’ex procureur prés la Crei, lors de cette rencontre avec les journalistes, avait rendu publique une autre liste de sept personnalités du régime Wade frappées par une mesure d’interdiction de sortie du territoire national. Il s’agit, entre autres, de Karim Meissa Wade, Samuel Sarr, ancien ministre de l’Énergie, Oumar Sarr, ancien ministre de l’Habitat et actuel coordonnateur général du Pds, Abdoulaye Baldé, Tahibou Ndiaye ex-Dg du cadastre, Mamadou Diagne, ex-patron de l’Urbanisme et Madické Niang, ancien ministre des Affaires étrangères, Ousmane Ngom, ancien ministre de l’Intérieur. Cinq ans après la publication de cette liste, force est de constater que seuls Karim Wade et Tahibou Ndiaye ont été inquiétés. Pour le reste, mis à part quelques passages devant les locaux de la Crei, c’est plutôt l’effet contraire qui s’est produit quand le président de la République s’est permis lui-même d’embarquer dans l’avion de commandement Ousmane Ngom pour un voyage au pays d’Alpha Condé (en Guinée Conakry). La menace d’interdiction qui pesait sur la tête de ces dignitaires s’est dissipée avec le départ d’Alioune Ndao.
Karim Wade et complices, seuls condamnés avec Tahibou Ndiaye
Quatre ans aujourd’hui après l’enclenchement de la traque des biens supposés mal acquis, le bilan est loin d’être élogieux. En effet, contrairement aux centaines de milliards annoncés (690 pour Karim Wade) lors du lancement de cette politique de «reddition des comptes», les autorités étatiques parlent aujourd’hui d’une modique somme de cinquante milliards recouvrés. En plus sur la liste des 25 dignitaires de l’ancien régime libéral de Me Wade, seuls Karim Wade et compagnie, avec Tahibou Ndiaye ont été inquiétés. Pour le reste, on assiste à un ralentissement de la cadence dans le déroulement de la procédure. Et cela, depuis le départ de l’ancien ministre de la Justice pour la Primature, Aminata Touré. Résultats des courses : bon nombre d’anciens dignitaires accusés à tort ou à raison de vol des deniers publics ne sont pas encore auditionnés en raison du privilège de juridiction que leur confère leur statut.