Le gouvernement s’est enfin résolu à accélérer la cadence de la réforme des institutions consulaires du Sénégal, qui aboutira à la scission des secteurs de l’agriculture d’avec le commerce et l’industrie. Ce qui mettra le Sénégal au diapason des pays de l’Uemoa. Et sonnera le glas de l’Unccias.
Lors du dernier Conseil des ministres qui s’est tenu le mercredi 22 juin, le président de la République a «invité le Premier ministre à finaliser la réforme des Chambres de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture, avant fin juillet 2016». Ladite réforme, qui devrait aboutir à la création de deux chambres distinctes, de commerce et d’industrie d’un côté, et d’agriculture de l’autre, sans parler de la transformation des chambres régionales en filiales de la Chambre unique basée dans la métropole, devrait changer le paysage des institutions consulaires tel qu’il est connu dans ce pays. Est-ce pour cela que les choses ont traîné en longueur ?
Le Quotidien a appris que le dossier de la réforme est en gestation depuis très longtemps, et que le ministre du Commerce, qui a la tutelle de ces institutions a depuis longtemps lancé le processus, sans avoir abouti à ce jour. L’implication de la plus haute autorité de l’Etat y changera-t-elle quelque chose ? Quoi qu’il en soit, dans la zone Uemoa, le Sénégal a la particularité, alors qu’il n’est pas le pays le plus riche ou le plus peuplé, d’être le seul à disposer de quatorze chambres de commerce, d’industrie et d’agriculture, soit, une par région. Tous les autres pays ne comprennent qu’une institution consulaire, qui dispose d’antennes dans l’arrière-pays.
C’est ainsi que la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire (Cci-Ci) est représentée dans chaque circonscription électorale par une délégation dont le siège est au chef-lieu de la circonscription. Au Togo, la Chambre de commerce et d’industrie (Ccit) est représentée dans chaque région par une délégation régionale.
L’architecture institutionnelle du Sénégal, qui rassemble les commerçants, les industriels et les Agriculteurs (parmi lesquels on compte aussi des pêcheurs et des éleveurs), regroupés dans des chambres autonomes dans chaque région, dont l’ensemble est chapeauté par l’Union nationale des chambres de commerce, d’industrie et d’agriculture du Sénégal (Unccias), n’a pas à ce jour, démontré son efficacité. On peut d’ailleurs s’en rendre compte par la modicité de leurs ressources. Si la chambre de commerce de Dakar (Cciad) a un budget de 1 milliard de Cfa, alimenté pour plus de 64 millions par des ressources de l’Etat, les autres chambres, et l’Unccias se répartissent 471 millions de Cfa, qui font moins de 30 millions par entité.
Ces budgets sont à rapprocher de ceux des structures des autres pays membres de l’Uemoa. Ainsi, la Ccian du Niger, bénéficie d’un fonds de 2 milliards de Cfa, tandis que la Cci-B du Bénin a un budget de 5 milliards de Cfa, financé sur des ressources propres. Même la Guinée Bissau, dont les moyens peuvent sembler modestes par rapport aux autres pays membres de la communauté monétaire, voit sa chambre de commerce trôner sur un budget de 600 millions de Cfa. Ce qui, en proportion de sa population industrieuse, la place bien au-dessus de sa pendante sénégalaise.
C’est dire donc que, sur le plan de la rationalité, la réforme appelée par les pouvoirs publics n’a que trop tardé. Néanmoins, au regard des intérêts que semble susciter la Chambre de commerce de Dakar depuis un certain temps, on peut aussi croire que la réforme en cours n’arrangera certainement pas certaines ambitions. On se demande en effet, ce qui adviendrait de la candidature déclarée de Serigne Mboup si la réforme venait à aboutir avant l’élection consulaire prévue. S’il venait à perdre les voix des agriculteurs, qui devraient rejoindre une entité différente, est-il sûr de pouvoir être élu ? Il serait d’ailleurs intéressant de savoir sur quelles suffrages il pourrait compter, tant il semble que la majorité de membres des sections commerce et industrie ne seraient pas disposés à son égard, à l’état actuel des choses. Mais cela est une autre histoire.