MasaLes rencontres professionnelles du 8ème Marché des arts du spectacle africain (Masa) ont débuté, lundi, à l’Institut français de Côte d’Ivoire. A côté du thème central « Les arts de la scène face aux défis du numérique », les acteurs et professionnels ont échangé sur le sous-thème « L’apport du numérique à la création, production, diffusion de spectacles ».
Dans son propos introductif au sous thème de la journée : « L’apport du numérique à la création, production et diffusion de spectacles », François Bloque, manager et développeur d’artiste, a axé son intervention sur les apports du numérique sur les différentes phases d’un projet, notamment dans la création, production, diffusion et la communication.
De son point de vue, l’Afrique est pleinement dans la révolution numérique avec son statut de deuxième marché de téléphone après l’Asie. « C’est dommage de ne pas l’utiliser à fond d’autant que la population est équipée en téléphone, tablette, etc. Cette dynamique allait servir le monde culturel », a regretté le producteur français. Dans le même temps, il loue la capacité de l’Afrique à détourner et réinventer les usages que l’on fait des nouvelles technologies.
Avec l’outil numérique, on assiste à de nouveaux modes de création, de production et de diffusion tout en réduisant l’écart nord-sud. « C’est un moyen de rendre justice aux créateurs avec la propriété intellectuelle en rétribuant les créateurs sur des revenus et des business digitaux », a estimé F. Bloque. Après lui, le conteur, enseignant, comédien ivoirien Adama Adepoju plus connu sous le pseudonyme de « Taxi conteur » a partagé son expérience avec la plateforme Afreekan.net, un véritable grenier numérique. Une manière pour le conteur de démontrer que la tradition peut bien s’articuler avec les nouvelles technologies. A. Adepoju pense que le conte est la cuvette qui renferme toutes les autres formes d’art.
Grenier numérique et médiathèque virtuelle
La Compagnie Nafaroba (la « grande richesse » en malinké) qu’il dirige, a entrepris, en 2010, une action intitulée « H2O parole d’eau » avec comme sous thème « collecter, créer, diffuser ». L’idée était de collecter toutes les histoires, mythes, légendes autour du thème de l’eau dans sept pays d’Afrique de l’ouest. « A partir de ces récits collectés, il fallait créer et diffuser », a évoqué le comédien. Se pose alors la question : comment faire pour ne pas perdre tout cela ? Il fallait entreposer toute cette banque de données quelque part. C’est comme cela que Adama Adepodju a eu l’idée de faire appel à de jeunes ivoiriens qui travaillent dans le numérique.
De là est né le projet de « Grenier numérique », une sorte de médiathèque virtuelle. « L’avantage est que les contes et histoires son numérisés. L’intérêt est de sauvegarder et de toucher le plus grand nombre », a indiqué Adepoju. Son projet a donné naissance à la plate-forme Afreekan.net avec des rubriques vidéothèque, audiothèque, photothèque et e.book. Le conteur s’est interrogé : « Est-ce que ce n’est pas un danger pour nous car cet art vivant a besoin d’un public. Est-ce qu’on ne va pas perdre quelque chose ».
Village planétaire
Sa réponse est que quel que soit le médium, l’homme a besoin de la chaleur, de la communication. « Il faut apprivoiser, mettre le numérique à notre service », a suggéré Adepoju.
De son côté, Sery Sylvain, producteur de musique (Côte d’Ivoire), président de l’Association des producteurs et éditeurs phonographiques de Côte d’Ivoire, a d’entrée de jeu, fait le même constat que ses collègues : le numérique a graduellement bouleversé l’industrie mondiale de la musique. « Le monde est devenu un village planétaire grâce à Internet. Pour exister, il faut s’approprier les mutations technologiques et tendre vers la qualité totale », a observé Sery qui a vu naître le numérique après 32 ans d’expérience dans le domaine musical.
Dans son intervention, Sery Sylvain a un peu navigué à contre courant. Au regard du sous-thème de la journée, son argumentaire a laissé apparaître trois idées fortes : l’apport du numérique à la création, à la production, à la diffusion en gain de temps, d’efficacité et de stockage de données. A contrario, Sery a décelé des inconvénients avec cette nouvelle technologie. Selon lui, une production faite intégralement en numérique ne constitue pas en soit un critère d’esthétique. Ce, a-t-il reconnu, même si l’on assiste à un progrès des logiciels d’échantillonnage des sons, ces genres de production donnent des galettes froides. « Cela demande une maîtrise de l’outil informatique, ce qui n’est pas évident », a estimé le producteur ivoirien relevant l’absence de cette chaleur humaine dans la production. Après analyse des avantages et inconvénients, Sery Sylvain a dit sa préférence pour 70% d’analogie dans la production.