Le Conseil constitutionnel aura bientôt deux membres de plus dans sa composition. Un point parmi les quinze de la réforme constitutionnelle qui a fait l’objet du Référendum. Au fond à quoi cette réforme va servir ? Des constitutionnalistes interrogés par EnQuête sont divisés sur l’utilité de ces 7 sages.
Parmi les quinze points de la réforme constitutionnelle validée le 20 avril dernier figure la recomposition du Conseil constitutionnel. En effet, cette institution passera sous peu de cinq à sept membres. Un passage assortie d’une condition : Parmi les 7 sages, deux seront proposés au Chef de l’Etat par le président de l’Assemblée nationale. Interpellé sur la question, le professeur de Droit à l’UCAD Iba Barry Kamara est d’avis que le passage des membres à sept est ‘’un acte de renforcement de notre démocratie’’. Selon le juriste, même si ‘’on reproche à ce Conseil d’être sous le joug du président de la République’’, ses membres sont d’une ‘’certaine probité d’esprit pour avoir cumulant des années d’expériences’’. Avec cette future composition du Conseil constitutionnel, l’enseignant espère que ‘’la réflexion sera beaucoup plus élargie et que les avis qui émaneront de ce Conseil seront beaucoup plus affinés, plus pointus. Parce que, dit-il, ses membres vont ratisser large’’.
Par contre, le constitutionnaliste Médoune Samba Diop considère que cette nouvelle réforme ne confère pas beaucoup de compétence au Conseil constitutionnel. ‘’Cette institution restera toujours timide’’, souligne le Docteur d’Etat en Droit public. Qui est déçu de la nature des réformes. Il s’attendait à ce que ‘’les compétences d’attributions’’ des juges soient élargis. ‘’On pouvait s’attendre à ce que le conseil constitutionnel puisse se saisir sur certains points. Cela n’a rien à avoir avec l’indépendance. La nouvelle réforme ne leur a pas donné beaucoup de compétences’’, regrette-t-il. Toutefois, le constitutionnaliste compte sur l’esprit de rébellion de ces sages en soulignant que ‘’l’expérience a montré, qu’au fur et à mesure, ils vont bousculer cette camisole de force où on veut les mettre’’.
Ses réserves sont partagées par un autre éminent constitutionnaliste qui pense que cette recomposition n’aura aucun impact sur le fonctionnement de l’institution. ‘’Je ne pense pas qu’il ait un changement fondamental par rapport à ce que l’on avait auparavant. Le Président de l’Assemblée national va proposer quatre noms et le chef de l’Etat va en choisir deux. Cela ne peut pas changer la tendance globale qu’il y avait au Conseil constitutionnel. Puisque le président de la République désigne directement les cinq et les deux sont proposés par l’Assemblée nationale’’, fait savoir ce professeur de Droit sous le couvert de l’anonymat. Il est d’avis que le président de la République continuera à contrôler le Conseil constitutionnel étant donné qu’en dernier ressort, c’est lui qui nomme tous ses membres.
Toutefois, ces constitutionnalistes reconnaissent quelques mérites à cette nouvelle réforme. Ce professeur de Droit qui requiert l’anonymat ‘’du fait du contexte politique actuel’’ déclare que ‘’le changement se trouve au niveau de l’exception de constitutionnalité. Au stade de l’appel, on peut saisir le Conseil constitutionnel, alors qu’auparavant, il fallait aller jusqu’à la Cour de cassation pour pouvoir saisir le Conseil constitutionnel’’. Le constitutionaliste ajoute que l’augmentation du nombre de membres va avoir un impact sur le nombre de dossiers qui va être porté à l’institution. ‘’Ce passage va alléger un peu le travail des membres de cette institution. Ils pourront faire face à l’afflux des affaires à gérer. C’est à ce niveau, qu’il peut y avoir un changement et non sur l’orientation des décisions‘’, affirme-t-il.
Le Pr Iba Barry Kamara note aussi ‘’une avancée réelle par rapport au contrôle obligatoire des lois organiques qui est une nouvelle compétence reconnue au Conseil constitutionnel’’. D’où cette note d’optimisme : ‘’Peut-être que plus tard, les décisions qui émaneront de cette institution, comme les avis, seront des avis éclairés’’. Il en profite pour interpeller les acteurs politiques. ‘’Nous sommes dans un Etat. Que tout un chacun, quelle que soit sa posture puisse respecter les décisions émanant des organes juridiques. Car, depuis quelques temps, on ne cesse de leur jeter le discrédit. Il faut faire confiance à nos institutions’’, demande l’enseignant.