Serigne Abdou Aziz Al Amine, les Ong Jamra et Mbañ Gacce, les deux associations de parents d’élèves et le Sames… Ils ont été nombreux hier, soit à proposer leur médiation, soit à appeler à la retenue, suite à la menace du gouvernement de radier les enseignants. La société civile se constitue en bouclier contre la répression.
La dernière sortie du gouvernement par le biais du communiqué du ministre porte-parole Seydou Guèye n’a pas laissé la société civile et le champ social indifférents. Les réactions se sont multipliées hier pour appeler à la raison et à la recherche d’une issue heureuse. D’autres ont même proposé leur médiation. L’une des voix les plus marquantes est sans doute celle de Serigne Abdou Aziz Al Amine, porte-parole du khalife des Tidianes. Le religieux a reçu hier une délégation composée des syndicats et des représentants de l’Etat. Selon la radio Sud Fm, pendant 4 tours d’horloge, Abdou Aziz Al Amine a discuté avec ses hôtes de la situation qui prévaut à l’école. A l’issue de l’audience, il a pris des engagements, tout en demandant aux enseignants de lâcher du lest.
Abdoul Aziz Diop, membre du Forum civil et aussi membre de la famille religieuse, a parlé au nom de Serigne Abdou Aziz Al Amine : ‘’Il a demandé aux syndicats d’enseignants de faire des concessions, et lui il se porte garant. Garant, en tant que médiateur. Il va voir tous les khalifes généraux. Ensemble, ils verront le chef de l’Etat, en présence des différents syndicats, pour avoir des accords définitifs et durables pour un système éducatif durable’’. Aussitôt dit, aussitôt fait. En effet, selon le site Asfiyahi.org, Al Amine a sur le champ joint par téléphone le président de la République Macky Sall. Ce dernier a promis ‘’de recevoir en audience les grévistes dans les prochains jours’’. Ce qui pourrait aboutir à une décrispation.
Les enseignants de leur côté ont enregistré l’appel et les engagements et ont promis de rendre compte à qui de droit. ‘’Ils nous ont demandé de lever la pédale pour ce qui est de la revendication syndicale. En contre partie, il nous a assuré qu’à son tour, il allait se charger de la médiation pour pouvoir faire aboutir les revendications syndicales d’une part et pour se porter garant auprès des autorités. Nous sommes mandatés par des organisations syndicales. Ce que nous pouvons faire, c’est transmettre la forte demande de Tivaouane au niveau national’’, a soutenu Youssouf Thiélo, le coordonnateur régional du Saems, en même temps porte-parole des autres syndicats présents.
Les appels de Jamra et Mbañ Gacce, de l’Unapees et de la Fénapees
Jamra et Mbañ Gacce ont aussi réagi. Après un rappel des conséquences sociales dramatiques de la radiation des policiers en 1994, les camarades de Mame Matar Guèye invitent l’Etat à ‘’n’user de cette périlleuse arme de rétorsion, qu’est la radiation massive, qu’en extrême recours’’. Ce qui n’est pas encore nécessaire à leurs yeux, étant donné qu’un point de non-retour est loin d’être atteint. Tout en reconnaissant le caractère légal de la réquisition, les deux Ong se demandent s’il est ‘’pertinent de radier 5 000 enseignants, en leur faisant payer un si lourd tribut, de leur rejet des réquisitions, au point d’exposer des milliers de familles à d’irrémédiables dislocations’’.
Particulièrement, en ce mois béni de ramadan consacré aux œuvres de bienfaisance. Et pour ne pas laisser les choses s’envenimer, les organisations exhortent le président de la République à sursoir à la décision, ‘’en concédant un délai supplémentaire de 72 heures, pour une ultime médiation auprès des grévistes, avec lesquels JAMRA et MBAÑ GACCE prendront langue, sans délai’’. Les parents d’élèves ne sont pas en reste. L’Union nationale des associations des parents d’élèves et d’étudiants du Sénégal (Unapees) trouve la mesure inappropriée. Abdoulaye Fané, le président, se dit surpris, d’autant plus que la décision est intervenue à un moment où, il y a un début de négociation initiée par le médiateur de la République. Dans un communiqué, l’organisation ‘’demande aux autorités de surseoir à la mise en œuvre du communiqué du Ministre Porte-parole du Gouvernement’’.
Le Sames se solidarise
Du côté de l’organisation mère, la Fénapees, on se dit peiné. Le président Bakary Badiane se dit meurtri de voir les enseignants être dans une telle situation. Il déclare n’avoir jamais cru que les pédagogues en arriveraient à ce stade et espère que ceux-ci vont se conformer à la réquisition, avant l’épuisement du délai. Pour autant, il n’a rien à dire de la décision de l’Etat. Tout ce qu’il demande à l’autorité, dit-il, c’est qu’elle prenne les dispositions nécessaires pour que les enfants aillent en classe.
Dernière réaction, celle du Syndicat autonome des médecins du Sénégal. Dans un communiqué, l’organisation dirigée par Boly Diop, tout en appelant à la retenue, marque son soutien aux grévistes du Cusems et du Grand cadre. ‘’Le SAMES invite le Gouvernement du Sénégal, encore une fois, à respecter ses engagements et à éviter l’usage disproportionné de la force’’.
Le silence pesant des enseignants
Les enseignants vont-ils capituler ? Cherchent-ils les moyens les plus appropriés pour sauver la face ? S’il est difficile de répondre à ces questions, il est tout de même frappant de constater le silence dont ils ont fait montre durant toute la journée d’hier.
De 12h à minuit passé, EnQuête a essayé de connaître la décision des enseignants face à l’ultimatum lancé du gouvernement. Et surtout, leur décision quant aux différentes médiations tentées. Mais, il s’est heurté à un mur de silence. Les mêmes interlocuteurs d’habitude très disponibles ont observé hier un silence de cimetière. A toutes les tentatives, les secrétaires généraux ont laissé les téléphones sonner dans le vide. Les messages n’y ont rien changé. C’était du motus et bouche cousues.
Il a fallu recourir aux responsables qui viennent après eux. Mais là aussi, on nous a fait comprendre que le Cusems et le Grand cadre sont en réunion de coordination et qu’on ne peut rien dire, sans qu’une décision ne soit prise. On a même promis de nous revenir plus tard, quand tout cela sera fini. Mais, on continue toujours d’attendre. Et comme le dit l’adage : ‘’demain fera jour’’. Aujourd’hui peut-être, qu’on saura enfin l’attitude que les syndicats vont adopter.
En tout état de cause, El Hadji Hamidou Kassé, ministre conseiller en charge de la communication de la présidence de la République, a annoncé hier sur son compte tweeter que les enseignants ont levé leur mot d’ordre.