Après l'annonce par le chef de l'État de la libération de Karim Wade, d'ici la fin de cette année, Sud quotidien a interpellé El Hadji Iba Barry Kamara, enseignant à la Faculté des Sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad), pour en savoir plus sur les possibilités qui s'offrent à Macky Sall. Ainsi, pour l'universitaire, Macky Sall dispose aujourd'hui de deux options directes pour libérer l'ancien ministre d'État, à savoir le pouvoir de grâce et la liberté conditionnelle accordée par le ministre de la Justice mais aussi l'amnistie à l'Assemblée nationale où le président de la République dispose d’une large majorité.
« AVEC LA GRACE, LE PRESIDENT PEUT EFFECTIVEMENT GRACIER QUI IL VEUT ».
En vérité, il faut d’emblée préciser que le président de la République incarne le pouvoir exécutif et justement au regard du principe de la séparation des pouvoirs, normalement le pouvoir exécutif ne devrait pas s’immiscer dans les affaires judiciaires. Maintenant, au Sénégal c’est une pratique courante, notre dispositif répressif prévoit effectivement des procédés permettant au président de la République d’intervenir par rapport à cette situation-là. Mais de manière générale, il faut d’abord dire que l’intervention, l’immixtion du pouvoir exécutif dans l’œuvre judiciaire est parfois nécessaire mais pas toujours quand même parce que ça devait être exceptionnel. En fait, nos dispositions répressives prévoient ou reconnaissent au président de la République le pouvoir de grâce. Et ça, c’est un pouvoir qui n’est pas réglementé dans les détails. En somme, c’est un pouvoir qui ouvre toutes les perspectives au Président qui peut effectivement gracier qui il veut. Mais cela relève de son pouvoir souverain.
« SOUS LA HOULETTE DU PRESIDENT, LE MINISTRE DE LA JUSTICE PEUT LE LIBERER CONDITIONNELLEMENT »
En plus de cette possibilité, il y a également une autre que nous connaissons parce que c'est déjà appliqué pour les coaccusés de Karim Wade, c'est à dire la liberté conditionnelle. Aujourd'hui, c'est vrai qu'après avoir purgé plus de la moitié de la peine de sa condamnation, Karim Wade peut effectivement prétendre à cette possibilité ou alors le ministre de la Justice, sous la houlette du président de la République, peut justement le libérer conditionnellement, je veux dire la liberté conditionnelle. Ceci pour dire que la balle est dans le camp du pouvoir exécutif qui peut avec ces deux procédés intervenir, quitte à s'immiscer dans les affaires judicaires.
« AVEC LA LARGE MAJORITE DU PRESIDENT A L'ASSEMBLEE NATIONALE, L'AMNISTIE PEUT EGALEMENT... »
A ces possibilités, s'ajoute également une autre avec la loi d'amnistie. Cette loi qui interviendrait de manière réelle et qui concernerait toutes les infractions relevant de la compétence de la Cour de répression de l'enrichissement illicite (Crei) au profit de tous les condamnés. Dans la pratique, cette amnistie est votée à l'Assemblée nationale où le président de la République dispose d'une large majorité. Cela peut être également un autre moyen d'amnistier toutes les personnes qui sont poursuivies dans le cadre des infractions relevant de la Cour de répression de l'enrichissement illicite (Crei).
« SI KARIM WADE NE VEUT PAS QUITTER LA PRISON, ON VA LE SORTIR MANU MILITARI DE LA PRISON »
Le président de la République a effectivement le pouvoir de gracier Karim Wade même s'il est vrai que la grâce devait résulter d'une demande préalable de la personne concernée. Car même si ce n'est pas le cas, le président peut prendre sur lui de le gracier. Et lorsque la décision de grâce intervient, et même si Karim Wade ne veut pas de cette grâce, il sera obligé de se conformer à la décision du président de la République. Même s’il ne veut pas quitter la prison, on va le sortir manu militari de la prison. Il ne pourra rien faire, il ne pourra pas s'opposer à cette mesure de grâce, il sera obligé de quitter la prison. Je précise également qu'il ne peut plus continuer à dire qu'il n'a rien fait et qu'il réclame justice tout simplement parce que, il a été jugé de manière définitive et irrévocable. On ne peut plus revenir sur cette condamnation et même s'il est gracié, l'infraction va demeurer au niveau de son casier judiciaire sauf évidement s'il y a amnistie qui n'émane pas expressément de la volonté du pouvoir exécutif donc du président de la République. Mais quelles seront les conséquences politiques d'une telle décision de grâce ? Je crois que cette question mérite une attention particulière. Comment les populations vont accueillir le cas échéant cette mesure de grâce parce que politiquement, c'est un couteau à double tranchant.