L’hypothèse d’une libération de Karim Wade, le fils de l’ancien chef d’Etat sénégalais condamné l’an passé à six ans de prison pour enrichissement illicite, est diversement appréciée par la classe politique et la société civile du Sénégal.
Cette éventualité a été évoquée jeudi par le président sénégalais Macky Sall dans une interview accordée à Radio France Internationale (RFI).
"Effectivement", a-t-il dit, "beaucoup de personnes demandent (que Karim Wade) soit élargi. Tout ça, c’est possible, mais il faut le mettre dans le contexte réel et je pense que, oui, il ne faut pas désespérer que cela puisse avoir lieu". Et d’ajouter qu’il espérait une solution d’ici la fin de l’année.
Trois complices de M. Wade, condamnés à la même peine, ont bénéficié la semaine dernière d’une remise en liberté conditionnelle.
Certains responsables de la classe politique, notamment la députée Hélène Tine (majorité présidentielle), regrettent que cette sortie du chef de l’Etat intervienne juste après la tenue du dialogue national organisé le 28 mai dernier par le successeur d’Adboulaye Wade.
"Le dialogue national ne doit pas empiéter sur les prérogatives de la justice. Les retrouvailles ne doivent pas se faire sur le dos des Sénégalais, contre les principes qui ont amené le peuple à faire corps avec le chef de l’Etat. Elles ne doivent pas se faire au détriment de cette démarche de transparence promise au peuple", a-t-elle expliqué à des journalistes.
Selon elle, "si on accorde la liberté conditionnelle à des complices de Karim Wade, cela veut dire qu’on n’a plus de raison de garder Karim Wade en prison".
"Il faut que le bilan de cette traque des biens mal acquis soit fait pour que le peuple sache si cet exercice était également un règlement de compte, de transparence ou de lutte contre l’impunité", a-t-elle dit.
"On n’est pas contre une éventuelle grâce de Karim Wade. Les gens ont toujours dit que Karim Wade est un détenu politique et l’histoire semble leur donner raison", a soutenu Mme Tine.
Pour sa part, Farba Senghor, chargé de propagande du Parti démocratique sénégalais (PDS, ex-parti au pouvoir), a demandé à M. Sall d’aller jusqu’au bout de sa démarche en amnistiant le fils de l’ancien président Wade.
"Si le président de la République veut corriger toutes les irrégularités qui ont été dénoncées à travers la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), aux différentes procédures et apaiser la tension, il doit amnistier Karim Wade et réparer le préjudice subi", a-t-il indiqué au quotidien L’Observateur paru vendredi.
Karim Wade doit recouvrer tous ses droits "parce qu’il a été arrêté arbitrairement" et doit retrouver "une liberté totale", a précisé M. Senghor, investi par le PDS comme son candidat à l’élection présidentielle en 2019.
Pour certains acteurs de la société civile, cette volonté du président Sall de sortir de prison le fils de son prédécesseur "n’est pas une surprise".
Mais "ce qui est déplorable et inélégant, c’est le fait de vouloir enrober toute cette décision à travers ce qu’on appelle un dialogue national", a déploré Birahim Seck, membre du Forum civil. Il a estimé que ce dialogue initié par le chef de l’Etat n’a qu’un seul objectif, celui de sortir Karim Wade de prison.
"On s’est rendu compte que tout ce qui a été dit après ce dialogue n’avait pour but que de libérer une personne. Mais ce qui est important et intéressant, c’est que Karim Wade avait dit qu’il n’allait jamais faire une demande pour obtenir une grâce", a ajouté M. Seck.