En marge d’un débat public organisé hier à la Fac de droit de l’Ucad, des juristes ont exclu toute possibilité de grâce pour Hissein Habré, condamné à perpétuité lundi par les Chambres africaines extraordinaires.
«Une grâce pour Hissein Habré est bien possible.» Lors d’un point de presse mardi, le ministre sénégalais de la Justice, Me Sidiki Kaba laissait entrevoir cette possibilité alors que l’ex-Président tchadien a été condamné à perpétuité. Dans le cadre d’un débat public organisé hier à la Faculté des sciences juridiques et politiques (Fsjp) par le Consortium de sensibilisation sur les Chambres africaines extraordinaires, en partenariat avec l’Institut des droits de l’Homme et de la paix (Idhp), des juristes ont pris le contrepied du Garde des sceaux. «Grâce pour Habré ? Ce sera juridiquement compliqué. Si on était dans le cadre du système juridique sénégalais, une telle éventualité serait envisageable. Les Chambres africaines extraordinaires ont jugé Hissein Habré au nom de l’Afrique et non de celui du Sénégal», avance Samba Thiam, directeur de l’Idhp. En écho, Pr Mamadou Yaya Diallo, enseignant à la Fsjp, soutient qu’«il n’y a pas de grâce en droit international». Sur le cas Habré, l’évocation d’une grâce lui «parait inappropriée». Il se veut clair : «La grâce est une mesure qui met fin à une peine en cours d’exécution. C’est une prérogative présidentielle dont on retrouve la trace dans la Constitution. Cela veut dire que la grâce ne peut être mise en œuvre que par le président de la République. Dans le cas de Hissein Habré, il s’agit d’un procès international et pas celui du Sénégal.»
Aujourd’hui cette idée de grâce hante déjà le sommeil des Tchadiens et notamment les victimes. D’après Gilbert Maoundonodji, Dr en sciences politiques et responsable de la sensibilisation sur les Cae au Tchad, une grâce «ne peut être envisagée dans la mesure où l’intéressé lui-même n’a pas demandé pardon, ni présenté des excuses». «Habré n’a même pas eu un minimum de compassion pour les victimes. La grâce veut dire qu’on est pardonné. Pour l’être, il faut avouer sa faute. Or, tout le long du procès, Habré n’a même pas regardé les victimes», souligne-t-il. M. Maoundonodji qualifie de «regrettable» si une telle mesure venait à être prise par le gouvernement sénégalais. Mais, en se fondant sur le droit, Pr Mamadou Yaya Diallo prévient que l’Etat du Sénégal n’a pas cette prérogative. «Juridiquement parlant, je ne vois pas comment le président de la République du Sénégal peut accorder la grâce à quelqu’un qui est condamné pour des crimes non pas de droit commun mais pour des crimes internationaux», rappelle-t-il.