Deux ans et onze mois, depuis son inculpation et placement en détention provisoire, en juillet 2013, pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture, Hissein Habré a été condamné hier, lundi 30 mai 2016, par les Chambre africaine extraordinaire d’Assises, à la prison à vie. Retour sur les temps forts d’un procès et d’une procédure riches en enseignements.
Ouvert depuis le lundi 20 juillet 2015, puis suspendu le lendemain jusqu’au 7 septembre 2015, le temps que les avocats commis d’office pour assurer sa défense prennent connaissance du dossier, la première partie du procès de Hissein Habré a été bouclée le mardi 15 décembre 2015 avec l’audition du dernier témoin à charge (sur la centaine) par la Chambre africaine extraordinaire d’Assises. Il s’en est suivi une conférence de mise en état tenue le mercredi 16 décembre, sous la présidence du juge Gberdao Gustave Kam, président de la Chambre africaine extraordinaire d’Assises qui a fixé les plaidoiries et réquisitoire du Procureur général près les Chambre africaines extraordinaires (CAE) du 8 au 11 février dernier et le verdict en fin mai 2016.
Le verdict est désormais connu. Après 10 mois de procès, l’ancien président tchadien a été reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés et condamné à la prison à perpétuité hier, lundi 30 mai 2016. En asile au Sénégal depuis le renversement de son régime en 1990, il passera le reste de sa vie en prison si, en cas d’appel, la Chambre africaine extraordinaire d’Assises d’Appel venait à confirmer ce jugement. Hissein Habré a été inculpé en juillet 2013 de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture et placé en détention provisoire. Après une instruction de 19 mois, la Chambre africaine extraordinaire d’instruction a rendu, le vendredi 13 février 2015, «une ordonnance de non-lieu partiel, de mise en accusation et de renvoi», ce qui renvoie le président Habré devant une juridiction de jugement, (la Chambre d’Assises). Durant ces 19 mois, il y a eu quatre commissions rogatoires au Tchad, 2500 témoins et victimes auditionnés, des documents de la police politique d’alors analysés, des perquisitions faites aux deux domiciles dakarois de Habré, des confrontations entre Habré et des témoins et victimes effectuées, des experts pour disséquer les structures sécuritaires de Habré et exhumé des charniers sont désignés. Par cette ordonnance de renvoie, les juges d’instruction confirmaient Mbacké Fall, le Procureur général près les CAE qui avait requis, une semaine auparavant, le 5 février 2015, le renvoi en jugement de l’ancien homme fort de Ndjamena. Toutefois, ces juges avaient déclaré un non-lieu pour certaines catégories de crimes de guerre.
Cependant, Hissein Habré n’a jamais reconnu une quelconque légitimité à ces CAE, tout comme les avocats commis d’office pour le défendre. Mieux, il a refusé de participer à la procédure, au procès avant d’y être contraint par le président de la Chambre d’Assises, le juge burkinabé Gberdao Gustave Kam. Conséquence, même présent durant tout le procès, il a adopté le silence comme stratégie de défense, même si parfois il véhiculait des messages, en signe de victoire, à travers les doigts levés et lançait des «vive l’Afrique», «à bas la France-Afrique», «à bas le néocolonialisme», etc.