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© AFP par SEYLLOU
Ouverture du procès de Hissène Habré Dakar, le 20 Juillet 2015 - Le procès de l`ancien président tchadien Hissène Habré s`est ouvert, ce matin, à Dakar. L`ancien chef d`État réfugié au Sénégal depuis 1990 est jugé pour "crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de torture". |
La perpétuité ! C’est la peine retenue par la chambre africaine extraordinaire d’assises à l’encontre de l’ancien Président tchadien, Hissein Habré. Le délibéré du procès a eu lieu hier, lundi 30 mai, à la salle 4 du palais de justice Lat Dior de Dakar. Inculpé, entre autres, de «crimes de guerre, crimes contre l’humanité, viols et tortures», l’ex homme fort de Ndjamena passera le reste de sa vie en prison.
La prison à vie. C’est la peine retenue contre l’ancien Président tchadien, Hissein Habré. La chambre africaine d’assises, dirigée par le burkinabé Gberdao Gustave Kam, en a décidé ainsi hier, lundi 30 mai, à la fin du procès pour «crime de guerre, crime contre l’humanité et torture». Toutefois, la confiscation des biens de l’inculpé n’a pas été retenue. Un fait qui est sans nul doute lié aux circonstances atténuantes dont a fait état le juge burkinabé. Gberdao Kam dira que cette décision est prise en considération de la place de l’inculpé dans sa famille. S’agissant de la peine à perpétuité, outre l’établissement des faits qui sont reprochés à Hissein Habré, elle reste motivée, dit-on, par le mépris de ce dernier envers la cour choisie pour son jugement. Pour Gberdao Gustave Kam, Hissein Habré ne s’est pas montré respectueux à l’égard de la chambre d’assise, chargée de rendre son jugement. Le juge se fonde sur son refus de se lever à l’entrée de la cour, le port de ses lunettes de soleil et son turban qui ont caché son visage tout au long du procès. La perpétuité se justifie aussi par l’implication de l’inculpé dans les affaires qui lui sont reprochées. La cour a ainsi confirmé, entre autres, charges, l’établissement des délits de viol, esclavage forcé, enlèvement de présumés opposants, traitement inhumain, détention illégale, crime de guerre, meurtre et disparition d’adversaires politiques.
Hissein Habré derrière la machine répressive
L’implication de Hissein Habré dans le massacre de la population tchadienne pendant son règne ne souffre d’aucun doute, selon le président de la chambre africaine d’assises, Gberdao Gustave Kam. Le juge fonde son argumentaire sur le contrôle qu’exerçait Hissien Habré sur des organes de répression tels que la direction de documentation et de la sécurité (Dds) et la Brigade spéciale d’intervention rapide (Bsir). « Hissein Habré a au minimum autorisé la mise en place des réseaux des prisons, la Dds y compris la construction de la piscine en 1987. Il s’est également assuré de son bon fonctionnement à travers la Dds. Hissein Habré donnait des ordres d’arrestation, de libération et d’exécution de prisonniers détenus dans les prisons de la Dds. Hissein Habré participait directement aux interrogatoires et aux séances de torture, parfois en infligeant lui-même des sévices ou en les ordonnant», a dit le président Kam dans la lecture de son arrêt. Mieux pour le juge, Hissein Habré exerçait un contrôle méticuleux sur les centres de détention. Pis, des rapports de la situation des détenus lui étaient remis au quotidien sans qu’Hissein Habré ne donne des sanctions. Aussi, a indiqué Gberdao Gustave Kam, les différents directeurs des centres de détention étaient des hommes de confiance de l’ancien Président tchadien et le plus souvent, de son ethnie.
Hissein Habré violait et faisait violer des détenues
De l’esclavage sexuel ! C’est le qualificatif que le président Kam a donné aux abus sexuels faits contre les femmes en détention. Pour Gberdao Gustave Kam, les éléments de l’enquête montrent que des détenues ont été violées par les agents des centres de détention. Des abus passés sous silence sous le régime de Habré. Pis, le président de la chambre africaine d’assise est d’avis que le témoignage de la victime Khadija Hassan Zidane est établi. Cette dernière avait dit à la barre de la Chambre africaine d’assises qu’elle a été abusée sexuellement à trois reprises par l’ancien président tchadien. La torture et le massacre ethnique de certaines populations tchadiennes sont aussi des faits établis. Mais précise Gberdao Gustave, ils ont été plus liés à la répression de potentiels adversaires politiques.
Le silence de Habré après le massacre d’opposants
Le Président Habré est accusé de laisser impuni le massacre d’opposants politiques, s’il n’a lui-même donné des ordres pour que ces derniers soient brutalisés. C’est comme cela que le président de la chambre africaine d’assise a peint, l’ex homme fort du Tchiad, dans son allocution précédant le verdict. Gberdao Gustave Kam cite, en exemple, la présence du combattant Hissein Habré sur le théâtre des opérations pendant la guerre pour le contrôle de Faya-Largeau et l’absence de sanctions après le massacre d’opposants à Hamping et la répression de cadres tchadiens. Pour le président de la chambre africaine d’assises, Hissein Habré avait fait état de son intention de diriger ces massacres, en atteste son discours du 19 mai 1989, où il disait à ses ennemis qu’ils seront poursuivis jusque dans leur dernier retranchement. Hissein Habré ne pouvait aussi ne pas être au courant de la situation des détenus de la maison d’arrêt de Ndjamena où des opposants politiques étaient maltraités par des hommes commandés par la Dds, dira le juge.
HISSEIN HABRE IMPASSIBLE APRES LE VERDICT : «A bas, la France-afrique ! Vive l’Afrique indépendantiste et libre»
« A bas, la France-Afrique ! Vive l’Afrique indépendantiste et libre », s’est exclamé Hissein Habré à sa sortie de la salle d’audience hier, lundi 30 mai, au terme de son procès. C’est donc un inculpé impassible à sa peine qui a quitté la salle 4 du tribunal Lat Dior de Dakar sous les acclamations de ses proches. Comme tout au début du procès, Hissein Habré n’a accordé trop d’importance au président de la chambre africaine d’assise. Assis au premier rangé, il n’a ni bougé encore moins pipé mot pendant tout le temps que le président Gberdao Gustave Kam énumérait les charges retenues contre sa personne. Le seul moment où, Hissein Habré a donné signe de sa présence dans la salle d’audience, c’est à la fin quand, entouré de ses gardes, il venait de recevoir la décision qui lui fera passer le reste de sa vie derrière les barreaux.
Par ailleurs, des proches de l’ancien Président tchadien étaient présents hier, au tribunal de Dakar. « Vive la résistance », c’est le slogan qui a été scandé quand, l’ancien homme fort de Ndjamena a reçu la décision de la chambre africaine d’assise.
PRISON A VIE POUR HISSEIN HABRE : Les victimes dans l’extase
Juste après que la voix du juge burkinabé a fait état de la sentence retenue contre l’ancien président tchadien, des cris ont commencé à se faire entendre dans la salle. Gagnées par l’émotion, nombreuses sont les victimes qui ont commencé à pleurer à chaudes larmes. Dans les mains des avocats, comme Jacqueline Moudeina ou collé à Souleymane Guengueng, les victimes ont manifesté leur joie. Entourés des caméras, ils ont poursuivi leur vacarme jusque dans la cour du palais de justice. Ainsi donc, contrairement au calme qui régnait jadis au temple de Thémis, ce sont des cris d’hystérie qui ont prévalu plusieurs minutes après l’annonce de la sentence. La salle 4 a été prise d’assaut très tôt dans la matinée rendant difficile l’accès fortement contrôlé par les forces de sécurité.
REACTIONS … REACTIONS … REACTIONS …
ALIOUNE TINE, DIRECTEUR EXECUTIF AMNESTY AFRIQUE DE L’OUEST : «C’est un pas important dans la lutte contre l’impunité en Afrique»
C’est une victoire pour l’Afrique et le Sénégal. Maintenant nous devons faire de sorte que certains actes n’aient plus lieu. Qu’ils soient des Chefs d’Etat ou de simples citoyens, le procès de Hissein Habré témoigne que n’importe qui peut être poursuivi en terre africaine. Les victimes qui n’ont pas survécu reposeront désormais en paix. C’est un pas important dans la lutte contre l’impunité en Afrique.
ABOUBACRY MBODJ, SECRETAIRE GENERAL DE LA RADDHO : «C’est un avertissement pour tous les Chefs d’Etat africains en exercice»
C’est la première fois dans l’histoire du continent qu’un Chef d’Etat est jugé dans un pays africain. Pour nous de la Raddho qui avons beaucoup travaillé sur ce procès, en soutenant les victimes pour leur accès à la justice, c’est un grand soulagement. Mais également, c’est un avertissement solennel pour tous les Chefs d’Etat africains en exercice pour qu’ils sachent que ce procès a été historique. Tous ceux qui sont aux commandes en Afrique n’ignorent pas qu’ils doivent rendre compte de leur gestion quant ils étaient au pouvoir. C’est également une satisfaction pour les victimes qui doivent avoir accès à la justice, à la réhabilitation et à l’indemnisation. Toutes les victimes qui ont subi des crimes de torture, de génocide et de crimes sexuels doivent obtenir une réparation. L’Afrique a fait un grand pas avec les chambres africaines extraordinaires. Nous souhaitons que la justice pénale africaine soit pérenne. Il est temps que le protocole de Malabo prenne en compte la lutte contre l’impunité sur l’ensemble du continent.
CLEMENT ABAIFOUTA, PRESIDENT DE L’ASSOCIATION DES VICTIMES D’HISSEIN HABRE : «L’histoire nous a donné raison»
C’est la folie de la joie. On ne peut pas inventer l’histoire. On ne peut pas créer des victimes. Nous disons que nous avons été victimes sous le régime d’Hissein Habré, mais aujourd’hui c’est la preuve parce qu’il est condamné à perpétuité au vu des faits que nous avons présentés devant le tribunal. L’histoire nous a donné raison. Plus jamais ça en Afrique.
SOULEYMANE GUENGUENG, FONDATEUR DE L’ASSOCIATION DES VICTIMES D’HISSEIN HABRE : «Seul Dieu est à glorifier»
Depuis que le procès a commencé et tout le temps que cela a duré, on s’attendait à ce que le verdict soit comme on vient de l’entendre. Honnêtement, je suis plus que satisfait, mais seul Dieu est à glorifier. Ce qui me fait mal, est que j’ai eu beaucoup de collègues qui sont morts en chemin et qui n’ont pas pu voir ce résultat. Mais c’est une satisfaction totale. La perpétuité pour Hissein Habré, c’est tout ce que nous voulions, mais il faut que cela serve de leçon aux autres dictateurs.
GORGES HENRY GAUTHIER, AVOCATS DES VICTIMES : «Il faut indemniser les victimes»
Il faut créer un fonds pour indemniser les victimes. Mais cela doit se faire assez rapidement. Pour le moment, nous crions victoire. Mais, il faut que les victimes obtiennent la répartition du préjudice subie. J’ai pleuré pour tout le peuple tchadien. Il faut que les gens se réconcilient. Le Tchad va mal. Il faut que le Tchad aille bien comme les autres pays. Il faut que les dictateurs comprennent que le temps de l’impunité est fini. Ils doivent comprendre qu’on peut les juger à cause de leurs actes.
MOUNIR BALLAL, AVOCAT COMMIS D’OFFICE POUR HISSEIN HABRE : «Le verdict est d’une extrême sévérité»
Le verdict est d’une extrême sévérité. J’exprime une petite réserve, nous attendons, en notre qualité d’avocats de la défense, d’avoir l’intégralité de l’arrêt qui a été rendu par la chambre. Il sera disponible dans quelques temps. J’ai l’impression que la chambre avait retenu pratiquement le réquisitoire du ministère public dans cette affaire. Pour ce qui a été donné lecture, la pertinence manque puisque sur certaines questions relativement aux crimes qui sont retenus contre le président Hissein Habré, la chambre a pris pour argent comptant la déclaration des parties civiles qui ont été entendues à la barre. Quant à la crédibilité, elle pose toujours des interrogations à notre niveau en qualité de conseil de la défense surtout quand la cour affirme qu’en ce qui concerne celle (crédibilité) du témoignage de Madame Zidane qui aurait été violée par le président Habré lui-même. En ce qui concerne l’appel, nous sommes en train de nous concerter, mes confrères et moi pour voir l’opportunité d’un appel et je pense qu’en tout état de cause, appel il y’aura. Nous allons réfléchir sur la question dans un délai de 48 h.
ME MBAYE SENE, AVOCAT COMMIS D’OFFICE POUR HISSEIN HABRE : «Je suis vraiment très déçu par ce verdict...»
Ce que nous avons entendu ne nous a pas du tout convaincu. Nous allons nous concerter pour voir si nous allons interjeter appel. Je suis vraiment très déçu par ce verdict parce que l’accusation et la partie civile ont manifesté leur faillite dans la mission d’apporter la preuve de la culpabilité. C’est en cela que nous avions demandé à la chambre de ne pas se fier aux débats d’audience, de tirer simplement sa conviction sur les procès d’enquête préliminaire au Tchad et sur les éléments de la procédure Belge. Nous, de notre côté, bien que nous n’avions pas l’obligation de prouver une innocence, nous avons démontré que les faits tels que articulés ne pouvaient pas entrainer la responsabilité pénale de Hissein Habré. Donc, si la Chambre décide malgré tout de le condamner, nous nous attendions à une motivation juridique très bien cousue. Et ça n’a pas été le cas. A titre d’exemple, le cas du viol invoqué par Madame Khadija Hassan Zidane. A l’audience, elle a été interrogée, et dans toute sa déposition elle n’a jamais parlé de viol et c’est la Chambre qui l’a poussé en lui disant que vous ne sortirez pas de cette salle sans dire tout ce qu’on vous a fait. Nous sommes restés sur notre faim. Nous allons nous concerter, s’il y a lieu de faire appel, on le fera. Nous n’avons pas eu son aval pour plaider. Nous ferons ce que la loi nous recommande de faire.
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