Alerte ! Si le trafic illégal de bois en destination de la Gambie continue au rythme actuel, ce sera le désert en Casamance, dans deux ans. Le Sénégal a perdu plus de 1 million d'arbres depuis 2010, soit 10.000 ha décimés. C’est l'ancien ministre de l'Environnement et écologiste, Ali El Haïdar, qui tire la sonnette d’alarme sur la déforestation à un rythme effréné de la dernière grande zone boisée du Sénégal.
10.000 hectares de forêt ont déjà été décimés en Casamance, soit plus d’un 1 million d'arbres abattus, depuis 2010. Selon Global Forest Watch, «il reste 30.000 hectares (ha) de forêt en Casamance, alors que la Gambie n'en a déjà plus que 4.000, à cause de la déforestation. Mais, en 2016, suite à l'entrée de la population sénégalaise locale dans le trafic, le taux de coupe a triplé et 10.000 hectares supplémentaires pourraient disparaître d'ici 2018, soit plus de la moitié de la forêt restante». C’est l'ancien ministre de l'Environnement et écologiste, Ali El Haïdar, qui alerte ainsi les autorités Sénégalaises afin de prendre des mesures pour sauver ce qui reste de la forêt casamançaises. Pour Ali El Haïdar on a atteint « un seuil de non-retour».
Cette exportation du bois casamançais vers la Chine où la demande de meubles fait de ce bois (de vène) a explosé ces dernières années par les exploitants basés en Gambie génère 140 milliards à ces derniers. A l’en croire, les données des Douanes chinoises évaluent «la valeur totale des exportations de bois de vènes de la Gambie vers la Chine entre 2010 et 2015 à 238.5 millions de $ (140 milliards de F Cfa. La valeur des exportations de bois de vènes entre la Gambie et la Chine a atteint 42 millions de $ (25 milliards de F Cfa) en 2015, alors qu'elle était de 31 millions de $ en 2014 (18 milliards de F Cfa). Le volume d'importation de bois de Vènes vers la Chine provenant de la Gambie était le deuxième le plus important d'Afrique de l'Ouest après le Nigeria».
Après une enquête sur le terrain accompagné par une équipe de tournage qui a obtenu des images aériennes inédites d'un marché frontalier secret, l’écologiste en arrive à la conclusion que «la forêt de Casamance - la dernière grande zone boisée du Sénégal - sera irrémédiablement détruite d’ici deux ans si le trafic illégal en destination de la Gambie continue au rythme actuel». Ali El Haïdar de prédire des réfugiés climatique dans quelques années. «Si ça continue comme ça, il est certain que dans deux ans, le désert sera inéluctablement installé en Casamance». Et, «la seule chose qui poussera ce seront des réfugiés climatiques». Et, partant des prévisions de l’ONU, en 2020, on estime que 60 millions de personnes seront contraintes de migrer depuis les zones désertiques de l'Afrique subsaharienne vers l'Afrique du Nord ou en Europe.
En effet, la région forestière de Casamance est déjà vulnérable aux effets du changement climatique global, notamment l'avancée du désert du Sahara, qui est un des moteurs principaux de l’immigration sénégalaise vers l'Europe. Et, comme si cela ne suffisait pas, avec cette déforestation, le taux de précipitations chutera drastiquement, et impactera à la fois l'agriculture et le tourisme dans l'une des régions les plus pauvres du pays. Aussi, alors que les sénégalais bénéficient de ce commerce dans le court terme, la destruction de la forêt aura un impact irrémédiable sur la fertilité des sols dans long le terme, prévient-il.
PASSIVITE COUPABLES DU SENEGAL
Pour étayer ces révélations, Ali El Haïdar met à disposition les images aériennes du marché de Sare Bodjo, à un kilomètre à l'intérieur de la Gambie, qui montrent un dépôt de milliers de troncs de bois de vènes, et des centaines de charrettes, des voitures et des camions, avec soi-disant des autorisations bidons, faisant des allers-retours au quotidien entre les deux pays pour approvisionner les dépôts gambiens le long de la frontière. Cinq autres de ces dépôts sont opérationnels le long de la frontière et sont régulièrement réapprovisionnés et vidés avec des milliers de troncs provenant du Sénégal. Au total, il dénombre six dépôts de bois frontaliers gambiens identifiés dans les villages de Soma, Bureng, Brikama, Bansang, Sare Bodjo, Gambissara. Et Médina Yéro Foula, un département de la région de Kolda (Sénégal) hélas où il n’y a pas 1 kilomètre de goudron, ni un bureau des Eaux et forêts, encore moins un bureau de la gendarmerie, est le plus affecté. Suffisant pour qu’il déclare, à l’endroit des autorités coupables de leurs passivités face à ce drame écologique: «on nous cache la vérité. Sur le terrain ici, des mafieux chinois et des lobbies puissants coupent des centaines voir des milliers de troncs chaque jour et les exportent. Il faut mettre un terme à ce système».