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Multitude de séjours à l’étranger: Questions autour des voyages du Président
Publié le mercredi 25 mai 2016  |  Enquête Plus
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© aDakar.com par DR
Le président Sall participe à l`inauguration du Mémorial ACTE en Guadeloupe
Pointe-à-Pitre, le 10 Mai 2015 - Le président Macky Sall a pris part à la cérémonie d`inauguration du Centre Caribéen d`Expression et de Mémoire de la Traite de l`Esclavage, appelé Mémorial ACTE.




Les nombreux déplacements du chef de l’Etat Macky Sall, notamment le dernier qu’il a effectué au Kazakhstan, ont fini par relancer la polémique sur la pertinence et l’intérêt économique de ces sorties à l’étranger. Des acteurs de la société civile demandent une évaluation des voyages. Ils veulent savoir les dépenses engagées, le choix des membres de la délégation… Du côté de la Présidence, l’on pense que c’est tellement évident qu’il n’y a pas matière à débattre.

Du fait de ses nombreux voyages à Touba et à l’étranger ainsi que ses apparitions nombreuses à la télévision publique, la RTS, l’ancien Président Abdoulaye Wade avait fini par se voir coller le sobriquet du président des trois T : Télé, Touki, Touba. Aujourd’hui son disciple Macky Sall devenu président de la République semble lui emboîter le pas. S’il n’est pas sur le point de lui damer le pion. On dirait que le locataire du palais préfère aller à l’étranger ou alors être en haute altitude.

En effet, au cours de ce mois de mai 2016, le président a voyagé 3 fois en l’espace de 10 jours. Du 11 au 13 mai, il était à Kigali au Rwanda où il participait à la 26ème édition du Forum économique mondial sur l’Afrique. Le jour d’après, il a fait cap sur Abuja pour prendre part à la deuxième session du Sommet sur la sécurité régionale. Du 18 au 22 mai, Macky Sall est au Kazakhstan, un pays pas très bien connu des Sénégalais. Sur le chemin de retour, il a fait escale à Istanbul en Turquie. Quatre jours de présence dans un pays dont les échanges avec le Sénégal devraient être marginaux pour l’économie du pays. En voilà une initiative qui n’a pas manqué de soulever à nouveau la question de ces nombreux voyages et leurs opportunités.

Sur le site de la Présidence, l’on tente d’expliquer la pertinence d’un tel déplacement. ‘’Le Kazakhstan, indépendant de l’Union Soviétique depuis 1991, est un pays à dominante musulmane, très riche en pétrole et en gaz. Il est aussi très respecté du fait de son rôle moteur dans le dialogue des religions et des cultures.’’ Afin que nul ne doute de l’importance du voyage pour le Sénégal, les services de la communication ajoute, toujours à travers ce support électronique : ‘’Au cours de son séjour, S.E.M Macky Sall explorera différents domaines de coopération avec son homologue, notamment l’énergie, l’agriculture, les infrastructures, le sport, pour renforcer le partenariat entre le Sénégal et le Kazakhstan.’’

Abdourahmane Sow, membre du M23, ne veut pas ‘’manquer de sympathie à ce peuple’’, mais il estime ‘’vraiment’’ qu’on peut se passer de certains voyages. ‘’Ces dépenses pourraient servir de réponses à certaines questions prioritaires telles que l’éducation’’, préconise-t-il. Birahim Seck, membre du Forum civil, lui, demande à ce qu’on arrête de se moquer du peuple sénégalais. A son avis, si le Sénégal veut juste s’inspirer du modèle de gestion de l’énergie par le Kazakhstan, la société publique Petrosen peut le faire. Ou tout au plus le ministère de l’Energie. Et non le chef de l’Etat et toute une délégation.

El Hadji Kassé : ‘’On va bénéficier de leur expérience…’’

El Hadji Kassé, ministre à la Présidence, se veut pourtant formel. Le Sénégal a un intérêt manifeste à ce sujet. ‘’Le Kazakhstan est un pays émergent qui a un modèle de gestion de ses ressources minières, notamment pétrolières et gazières. Le Sénégal est en train de développer une coopération intéressante en matière d’assistance dans plusieurs domaines, surtout avec les ressources énergétiques découvertes dans le pays. On va bénéficier de leur expérience en matière de gestion, d’exploitation et d’utilisation des ressources minières’’. A propos du déplacement du président dans ce pays asiatique, il ajoute : ‘’C’est de chef d’Etat à chef d’Etat que se prennent les décisions stratégiques. Le ministre, à ce moment, est à un niveau technique ou opérationnel. La clé de la décision revient au chef de l’Etat.’’

Mais au-delà du cas particulier du Kazakhstan se pose le problème général de l’apport que ces déplacements ont sur l’économie du Sénégal. Au mois d’avril dernier, le président a effectué aussi trois voyages en l’espace de 10 jours. Macky Sall s’est rendu d’abord en Turquie du 13 au 15 avril à l’occasion du sommet de l’Organisation pour la coopération islamique. Le communiqué de l’époque de la présidence annonçait un périple qui devait le mener au Congo Brazzaville et au Pakistan. Si le président a effectivement fait le déplacement au Congo pour l’investiture de Denis Sassou Nguesso le 16 avril, le voyage sur le Pakistan par contre a été annulé. Sans doute du fait du séjour du Président à New York entre le 20 et le 22 du même mois, pour les besoins de la cérémonie de signature de l’Accord de Paris sur le climat.

En fin octobre 2015, leader du Mpd/Ligeey, Aliou Sow avait déjà trouvé excessif le nombre de voyages du président Sall ; refusant au passage toute comparaison avec Abdoulaye Wade pourtant réputé en la matière, en son temps. ‘’Il n’y a pas matière à comparer Macky Sall et Abdoulaye Wade sur leurs déplacements à l’étranger. L’actuel chef de l’Etat dépasse non seulement son prédécesseur Wade mais il n’a pas d’égal sur le continent africain. Le président voyage trop ! Il voyage énormément. C’est le président africain qui voyage le plus’’, affirmait-il.

Mais pour le ministre-conseiller auprès du président de la République chargé de la communication présidentielle, le chef de l’Etat a des obligations internationales qui justifient ses nombreux déplacements. ‘’Le président se déplace pour développer la coopération. C’est le premier diplomate du pays. Partout dans tout le monde, aux Etats-Unis, en France, en Afrique du Sud les présidents voyagent. Je n’ai jamais entendu des questions sur l’exercice de la fonction du chef de l’Etat’’, croit savoir El Hadji Kassé, contacté hier par téléphone.

Birahim Seck : ’’Il faut une évaluation des voyages du Président’’

Birahim Seck lui, veut surtout que l’ancien candidat respecte sa promesse de 2012 d’ouvrir les comptes de la Présidence à la Cour des comptes. ‘’Il faut une évaluation des voyages du Président. Qu’est-ce qu’on y gagne en retour. L’interrogation doit aussi s’étendre auprès du président de l’Assemblée nationale et du Premier ministre’’, préconise-t-il. Il déplore aussi le fait que ces voyages payés, aux frais des contribuables, soient souvent une occasion pour rencontrer des militants du parti au pouvoir.

Quant à M. Sow du M23, il trouve que la constitution donne au président de la République la prérogative de donner des orientations et de définir la politique de la nation. Et que dans ce sens, tout ce qu’il peut faire pour remplir sa mission, renforcer les acquis et la diplomatie peut se justifier. C’est un moyen, d’après lui, d’élargir les opportunités diplomatiques, asseoir le leadership du pays et ouvrir des perspectives pour des alternatives diplomatiques. ‘’Nous ne pouvons pas condamner, mais on peut attirer son attention sur son engagement de gestion sobre. Mais sur le plan économique, même s’il y a des conséquences négatives, je pense que, ne pas aller chercher des partenaires seraient plus préjudiciables à notre économie’’, tempère-t-il.

Outre le nombre de voyages, il y a les membres de la délégation présidentielle. Nos deux interlocuteurs de la société civile s’accordent à dire qu’il y a nécessité de voir qui sont ceux-là qui accompagnent le chef de l’Etat et leur mission pendant ses séjours à l’étranger. ‘’Combien de personnes l’accompagnent ? À quel titre ? Quelles sont les dépenses effectuées notamment dans les hôtels mais également en termes de per diem ? Combien ils reçoivent ? Avec quelle presse il voyage ? Est-ce des journalistes professionnels avec des supports crédibles ?’’ se demande Birahim Seck.

‘’Il y a des fois des gens qui accompagnent le Président alors qu’ils ne sont d’aucune utilité dans le cadre du voyage. Ils ne font que du tourisme. Il serait donc intéressant de mettre un accent sur tous ces « bagages » qui le suivent’’, renchérit Abdourahmane Sow. Réponse de El Hadji Kassé : ‘’Si on veut demander au chef de l’Etat de justifier tout ce qu’il fait sur la place publique... Quand il se déplace, il a sa sécurité, il a ses conseillers, il y a des journalistes. Je ne vois pas où est le problème.’’
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