Est-ce un échec de l’Etat et du secteur privé qui n’ont réussi à créer que 5% des 234 mille 260 emplois générés au Sénégal entre 2012 et 2016 ? En tout cas pour bon nombre d’acteurs, dans un pays sous développé comme le nôtre, même si l’Etat n’a pas pour mission de créer des emplois, il doit être le premier employeur. Surtout que le secteur privé formel a montré ses limites.
Le gouvernement pourra-t-il créer 500 000 emplois sur 7 ans comme l’avait promis Macky Sall, candidat à la dernière présidentielle ? De 2012 à 2016, 234 mille 260 emplois ont été créés, a révélé avant-hier le ministre porte-parole du gouvernement, Seydou Guèye, à l’issue du conseil interministériel consacré à l’évaluation de l’impact des politiques publiques sur l’emploi. Cependant, le problème dans ce chiffre annoncé par les autorités est la part de l’Etat et du secteur privé formel dans la création de ces nouveaux emplois. D’après le porte-parole du gouvernement, l’Etat et le secteur privé (formel) n’ont créé que 5% de ces emplois. Pour le président du Conseil des entreprises du Sénégal (CDES), ce chiffre (5%) montre que le secteur privé ne joue pas son vrai rôle. De l’avis de Babacar Diagne, ‘’l’Etat n’a pas pour rôle ou mission de créer des emplois’’. Ce travail, dit-il, doit être dévolu au privé. Ainsi, l’obligation faite à l’Etat est de favoriser un cadre pour la création d’emplois.
‘’Aveu d’échec honnête’’
Par ailleurs, l’ancien Directeur de l’Office pour l’emploi des jeunes de la banlieue (OFEJBAN) ne dédouane pas l’Etat dans ce qu’il appelle ‘’un aveu d’échec très honnête’’. Selon Boubacar Ba, ‘’dire que le rôle de l’Etat, ce n’est pas de créer des emplois, constitue un faux débat’’. Dans les pays sous-développés comme le Sénégal, souligne-t-il, ‘’le premier agent recruteur est l’Etat’’. ‘’Le développement repose sur la création d’emplois. On ne peut pas développer ce pays sans pour autant s’appuyer sur des secteurs comme les métiers des bâtiments, la pêche, l’élevage. Rien de sérieux n’est encore proposé dans ce cadre’’, déplore-t-il.
Quant au président du Cdes, Babacar Diagne, il avoue que ‘’la faute incombe au secteur privé’’. Boubacar Ba est aussi du même avis. L’ancien Dg de l’Ofejban considère que ‘’le secteur privé formel, ancien, avec ses organisations patronales traditionnelles, a démontré ses limites’’. ‘’Ce n’est pas ce secteur privé qui est en situation de redressement qui va créer de l’emploi. Pourtant, c’est lui qui a les gros moyens pour le faire. Maintenant, il faut développer de nouvelles pme-pmi dans le secteur agricole et créer de nouveaux pôles d’attraction au Sénégal pour absorber tous ces demandeurs d’emplois’’, conseille Boubacar Ba. Lui emboitant le pas, le président du CDES appelle le secteur privé à prendre ses responsabilités. ‘’Le secteur privé ne doit pas être frileux. Il doit participer au développement. Il doit essayer de capter les marchés et les investissements. Si on n’a pas un secteur privé fort, nous aurons toujours des investisseurs étrangers qui vont venir prendre les marchés’’, dit-il.
L’auto entrepreneuriat comme alternative
De son côté, le président de la Convergence des diplômés du Sénégal, Macoumba Diouf, reconnaît que l’Etat du Sénégal n’a pas les moyens d’être l’employeur de tous les diplômés du pays. Toutefois, il est d’accord qu’il lui incombe d’améliorer l’environnement. Face à l’incapacité du duo gouvernement-secteur privé à aspirer tous les demandeurs d’emplois, il conseille à ses camarades diplômés de s’investir dans l’entrepreneuriat.
Diouf considère que c’est l’alternative pour leur permettre de trouver du travail. ‘’Un diplômé chômeur n’existe pas. Un diplômé avec bac plus 4 ou 5 doit pouvoir avoir les capacités de mettre en place sa propre entreprise et permettre à d’autres jeunes de trouver du travail. Mais pour cela, nous avons besoin de l’accompagnement et de l’assistance de l’Etat’’, soutient-il. En plus du soutien du gouvernement, ces jeunes, poursuit-il, ‘’ont besoin d’être préparés psychologiquement. Ils ont aussi besoin de références et de ‘’succes story’’ dans l’auto entrepreneuriat’’.
En outre, avec 234 mille 260 emplois en 4 ans, l’ancien Directeur général de l’Ofejban pense qu’à ce rythme, ‘’d’ici 2017 ou 2019, quelle que soit l’échéance, quel que soit l’apport du Plan Sénégal émergent, on ne fera pas mieux’’. ‘’C’est un problème de gestion, de synergie entre les différentes structures de création d’emplois. Personne ne comprend avec autant de débats, d’informations, de moyens dans la formation professionnelle que le Sénégal soit à ce stade. Malgré le Fongip, l’ANIDA et toutes les autres agences, l’on se retrouve avec moins de 10% d’emplois créés par l’Etat du Sénégal’’, dénonce M. Ba.
Le Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne n’a pas tort de déclarer 2016, ‘’année de l’emploi’’ car le pari est encore loin d’être gagné.