Depuis quelques jours, le quotidien des Dakarois est rythmé par des révélations sur la commercialisation de la viande d’âne. Mercredi, la gendarmerie de Hann a démantelé un abattoir clandestin au Technopôle. Dans cet entretien, le directeur général de la Société de gestion des abattoirs du Sénégal (Sogas) perce le mystère et la perfidie de ces délinquants. Talla Cissé montre la profondeur du mal, esquisse des solutions et demande aux autorités de s’impliquer pour neutraliser les réseaux clandestins qui captent plus de 50% des parts de marché national de la Sogas. Saignant !
M. le Directeur général de la Sogas, depuis quelques jours la viande d’âne est annoncée sur le marché. Qu’en est-il réellement ?
Malheureusement, c’est une réalité. Il faut le reconnaître, il y a bel et bien de la viande d’âne sur le marché. La preuve, depuis cette annonce, la gendarmerie et la police ont appréhendé des gens qui abattaient encore des ânes dont la viande était destinée au marché. C’est réel et c’est malheureux. Il existe des malfaiteurs qui s’adonnent à ce trafic de viande d’âne mélangée à celle de bœuf désossée pour la placer sur le marché.
Vu la situation qui prévaut, quelles sont les mesures que vous avez prises pour lutter contre ces abattoirs clandestins qui sont en train de porter préjudice à la Sogas ?
Nous allons redoubler d’efforts et de vigilance surtout. Ce n’est pas à la Sogas, qui est une entreprise privée chargée d’une mission de service public, de tout faire contre l’abattage clandestin. Mais de par notre position pour justement mieux nous défendre, nous allons redoubler de vigilance pour signaler à l’Etat et aux autorités de ce pays tous les endroits où de tels actes criminels se font. Ces abattages clandestins doivent cesser.
Avez-vous saisi le ministère de l’Elevage de cette affaire qui défraie la chronique ?
Nous avons eu à tenir une réunion le mercredi dernier avec le ministère de l’Elevage qui est d’ailleurs très remonté à cause de ce problème. Ils ont donné des instructions très claires à l’ensemble des techniciens, notamment les inspecteurs des marchés, pour qu’ils soient plus vigilants afin d’appréhender tous ces malfaiteurs. Et aussi pour que l’ensemble des marchés soient sous surveillance et bien contrôlés pour éviter ce mal.
Comment se passe l’écoulement de la viande sur le marché après la découverte de cet abattage clandestin ?
A ce point, nous produisons normalement comme d’habitude et dans les mêmes conditions. Ce n’est pas la viande d’âne qui nous concurrencerait, c’est insensible. Mais ce qui nous concurrence de manière injuste et déloyale, c’est l’abattage clandestin de manière générale. Et cela représente un aspect inacceptable pour la morale et l’éthique. L’abattage clandestin nous prend plus de 50% de notre part de marché. Alors que nous sommes les seuls habilités à procéder à l’abattage qui est une mission publique qui nous a été confiée par l’Etat. Parce que ce genre de mission est trop sérieuse pour être confiée à n’importe qui. Cela nous est confié, mais sous contrôle avec une douzaine de vétérinaires chez nous qui passent la visite aux bétails sur pied avant abattage, qui contrôlent la viande et les carcasses produites avant la mise à la disposition des consommateurs. Donc, tout ce qui sort de chez nous est vraiment indemne (sic) de toutes maladies ou toutes possibilités de contamination. On ne peut malheureusement pas dire la même chose des viandes qui proviennent de l’abattage clandestin parce qu’il se fait dans des conditions d’hygiène et de sécurité qui ne répondent pas du tout aux normes. Parfois c’est des ânes, parfois de charogne et tout cela fait que la situation devienne très inquiétante.
Que dîtes-vous aux populations dans le désarroi ou plus ou moins privées de viande ?
On ne peut décider de ne pas s’approvisionner de viande. La viande, c’est une nécessité. Malheureusement, il faut que les gens en mangent, c’est une source de protéines qui est irremplaçable. On a besoin de viande pour vivre. Ce qu’il faut dire et faire, c’est choisir ses fournisseurs, avoir le discernement cet approvisionnement et aller dans les vrais marchés à viande. Il y a de vrais bouchers qui viennent abattre leur bétail ici à la Sogas, appelée avant Seras. La viande qui sort de chez nous comporte une estampille qui montre qu’elle a été bien contrôlée par un vétérinaire assermenté. Mieux, les malfaiteurs arrivent parfois à essayer de recopier l’estampille. En plus de cette estampille, on peut réclamer une facture de prestation. Les bouchers qui viennent chez nous paient une prestation de service pour l’abattage de leur bête. Et ils portent par-devers eux des factures de prestation qu’ils peuvent montrer à leurs clients pour les rassurer que cette viande a été bien contrôlée avant d’être mise sur le marché. Et je veux juste dire qu’il ne faut pas qu’on essaie de tromper les gens. Il n’est pas permis à des populations musulmanes de consommer de la viande d’âne. Depuis quelques jours, j’écoute toutes les émissions à ce propos. Des gens malhonnêtes essayent de dire ou de faire accepter que la viande d’âne ne soit pas bannie par la religion. Ce qui est faut. La religion nous a été transmise par le prophète Mohamed (Psl) et à plusieurs endroits et occasions. Il a dit que la viande d’âne ne saurait être acceptable par les musulmans.