Une passion saine et puissante qui pousse au dépassement dans l’action au service d’une cause noble et sublime, celle de la patrie.
Mais rien, rien du tout, ne se fait tout simplement dans la cacophonie, le règne de la doxa et l’empire de la rumeur.
Malheureusement dans la société de l’information en continu, qui étale ses tentacules sur toute la planète, la course effrénée au scoop, au buzz, au sensationnel, altèrent souvent et très sérieusement les capacités d’analyse rationnelle et de réflexion indispensables pour qui veut agir efficacement et de manière responsable.
La petite expérience qui est la mienne, et la place que j’occupe au niveau des Institutions républicaines, m’imposent de privilégier l’action discrète et d’user avec parcimonie de la parole publique. Cependant, il y a des moments où il est urgent de «faire silence par le verbe». C’est pourquoi, nous avons pris la plume pour partager quelques réflexions sur la situation nationale actuelle.
La démocratie sénégalaise a atteint une maturité reconnue comme telle aussi bien à l’intérieur de nos frontières qu’au-delà. C’est là un réel motif de satisfaction, mais aussi et surtout, un défi moral et politique que nous devons relever, en continuant à renforcer les piliers du système, à favoriser des pratiques saines et responsables, dans la liberté de tous et de chacun. Bref, nous devons avoir la claire conscience que la démocratie est une création continue, une œuvre jamais achevée qui vaut cependant tous les efforts, tous les sacrifices consentis pour en arriver là où nous sommes, respectés et cités en référence non seulement en Afrique, mais dans le monde entier.
Notre responsabilité est particulière, elle est essentielle au vu des enjeux politiques, nationaux, sous-régionaux, continentaux et mondiaux. Le Sénégal, plus qu’une vitrine, est aujourd’hui une référence en matière de vitalité démocratique et à juste raison. C’est que notre histoire politique en a apporté des illustrations remarquables. Aujourd’hui, alors que la deuxième alternance, accomplie dans un contexte historique singulier, va bientôt boucler ses deux premières années, il y a tout lieu de se réjouir des efforts déployés et des résultats tangibles qui permettent de nourrir un réel espoir pour tout le pays, et notamment les jeunes qui constituent l’immense majorité de la population.
Les prouesses réussies et les actes posés par le Président Macky Sall et son gouvernement sont dignes d’être salués dans un premier temps, pour stabiliser économiquement et donc politiquement le pays à la suite du lourd héritage laissé par le régime précédent. Ce sont là des signaux qui incitent à l’optimisme et à la mobilisation de tous.
Il ne s’agit pas de refaire l’histoire, mais de pointer du doigt les tendances lourdes qui étaient catastrophiques avant le 25 mars 2012. Ce travail, qui peut paraître fastidieux, était nécessaire et il a été mené avec courage et détermination. Il a été couronné de succès ; même si la dynamique enclenchée doit être renforcée dans la nouvelle phase qui s’ouvre maintenant. Car, après la stabilisation, il faut un second temps, pour relancer et pousser la machine économique à plein régime.
Les voyages mémorables que vient d’effectuer le Président de la République en Chine et en France pour le Groupe consultatif, ont permis d’obtenir de nos partenaires, des engagements d’environ 6.000 milliards de francs CFA (du jamais vu) pour financer des centaines de projets dans de nombreux domaines, notamment ceux qui touchent à des choix structurants pour l’économie nationale. Pour susciter et maintenir la flamme de l’espoir, avec les réalisations concrètes qui vont favoriser l’emploi massif des jeunes dans les villes et dans les campagnes.
Cet effort récompensé est le fruit d’un long travail méthodique et professionnel mené de main de maître par un Président totalement dévoué à la cause nationale. Nous qui l’avons soutenu sans réserve, et qui continuons de le faire avec une sincérité totale et un engagement rigoureux, savons qu’il a conscience de ses responsabilités et se donne tous les moyens pour réussir pour le Sénégal. Son slogan « la Patrie avant le Parti », il le vit pleinement, montrant au pays tout entier, un exemple de leadership courageux, lucide et pleinement assumé. Il ne sera pas seul dans ce combat, dans cette croisade contre la pauvreté, le sous-équipement, la précarité et la malgouvernance.
Si l’Assemblée nationale est autonome, elle est aussi le lieu d’une synergie indispensable entre l’Exécutif et la majorité parlementaire qui le soutient en toute démocratie. L’opposition parlementaire est respectée et a toute latitude de s’exprimer librement, de participer au débat, et même de le susciter si nécessaire.
Nous sommes donc dans notre rôle en magnifiant le travail exceptionnel réalisé par le Chef de l’Etat pour toute la Nation. Il s’agit bien d’une démarche citoyenne, mais aussi celle d’un allié identifié et reconnu comme tel.
Mais la distance indispensable pour le contrôle de l’action gouvernementale s’impose à chaque fois que nécessaire et cela coule de source, comme c’est le cas dans tous les parlements des pays démocratiques. Ce qui n’exclut ni les débats virils, ni les concertations pertinentes. Qui dit démocratie, dit échanges, joutes oratoires, engagements citoyens, et compromis dynamiques pour que vivent et se consolident l’exception sénégalaise et le modèle qu’elle induit.
Récemment, tous les regards s’étaient tournés vers le Congrès des États-Unis d’Amérique avec le débat budgétaire. Le sort de l’économie mondiale était en jeu, et, malgré les tensions, voire les invectives, le bon sens a fini par l’emporter. Ce fut un exemple de vitalité démocratique qui, même dans ses débordements, impose le respect.
Notre pays, avec le Président Macky Sall, vient de franchir un cap important, confirmant, s’il le fallait, le niveau de crédibilité atteint et la fiabilité des projets ficelés et celle des perspectives tracées, avec le soutien mérité de la communauté internationale et des partenaires au développement. Le monde d’aujourd’hui est un village planétaire. Ni le Sénégal ni les Sénégalais ne peuvent l’oublier.
Les Africains qui engagent des efforts de recherche pour assurer leur propre sécurité, en tant que nation ainsi que leur bien-être, et qui s’organisent dans des espaces interconnectés, aspirent à se retrouver en harmonie avec l’histoire, la culture et avec les événements qui marquent la vie de tous les peuples.
Les Africains, aujourd’hui plus que jamais, doivent s’attacher à maîtriser, dans la concertation, les phénomènes qui viennent s’imposer aux peuples du monde moderne. Cette réalité et cette ambition trouvent leur source dans la Charte de Soundjata Keïta, la charte du Mandé élaborée et promulguée en l’An 1236 après Jésus-Christ. Il est reconnu aujourd’hui que cette Charte du Mandé est une source permanente d’inspiration.
Le travail qui vient d’être accompli par la Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI), sous la conduite du Président Amadou Makhtar Mbow, est l’une des plus récentes illustrations de création des bases les plus convenables, pour l’organisation et le fonctionnement d’une communauté africaine. Cette initiative historique est le mérite du Chef de l’Etat sénégalais, M. le Président Macky Sall, qui vient de recevoir le Rapport de cette Commission contenant de multiples propositions et un projet de Constitution, fruit d’un travail mené pendant plusieurs mois.
Il ne s’agit, il faut le rappeler, que de propositions. Le Chef de l’Etat, qui définit la politique de la nation, conformément à l’esprit et à la lettre de la Constitution, Loi fondamentale de notre pays, après avoir pris connaissance de ces propositions, verra celles qui, correspondant aux urgences nationales, seront retenues et programmées en vue de leur application pratique, dans le cadre du train de réformes qui sera le soubassement du Sénégal émergent. D’autres seront programmés dans le futur. D’autres, enfin, attendront d’autres temps.
Nous avons opté librement, c’est connu et reconnu, pour soutenir le Président Macky Sall. Ce qui vient de se passer à Pékin puis à Paris méritait d’être salué et mis en exergue. Nous continuerons de le soutenir, le Chef de l’Etat, volontairement et lucidement, car il y va, selon nous, de la sécurisation de l’avenir du Sénégal, avec l’aide de Dieu, le Tout Puissant.
Notre pays aspire à l’excellence dans tous les domaines et a fait la preuve que la démocratie a fait des bonds de géants en Afrique, malgré les insuffisances qu’on peut noter çà et là. C’est l’essence même de la démocratie que de progresser, de conquérir de nouveaux espaces de liberté et d’épanouissement individuel et collectif.
Il n’y a cependant pas de liberté authentique sans responsabilité, et cela est valable pour tous les acteurs de la vie nationale. Plus le rôle que l’on joue est sensible, important, voire majeur, plus l’exigence de responsabilité doit être élevée. Nous sommes à une étape cruciale de notre histoire nationale. Pour la première fois, toutes les conditions sont en train d’être réunies pour conquérir l’émergence économique. La confiance des partenaires n’a jamais été plus grande, les financements consentis aussi importants et les projets élaborés dans les secteurs clés de l’agriculture, de l’industrie, des infrastructures, du tourisme, de l’énergie, de l’éducation, de la santé et des mines, aussi structurants parce que bien pensés et ficelés.
Le reste, tout le reste relève de nous-mêmes, de nos comportements, pour tuer notre penchant à la facilité, au manque de rigueur. Le moment est venu de nous faire violence, de taire les bavardages inutiles et de nous concentrer sur l’essentiel, comme nous y convie le Président de la République que nous avons choisi, encore une fois, dans une totale liberté de jugement et dans un engagement sans équivoque. Nul ne peut ni ne doit avoir une quelconque conviction l’amenant à s’ériger en donneur de leçons.
L’être humain est faillible. Tout être humain l’est. C’est précisément la raison pour laquelle les idées, les projets et les actions, dans une situation donnée, portent une certaine relativité par rapport à l’absolu. De par leur culture démocratique, véritable patrimoine national, les Sénégalais ne devraient pas être concernés par ce constat dramatique du Prix Nobel de Littérature, Octavio Paz : «l’ennemi de l’absolu devient l’ennemi absolu».
De ce fait, le débat continue. Il doit se dérouler avec hauteur et sérénité, dans le souci majeur de faire avancer notre pays vers le progrès et vers le développement, dans un esprit permanent de tolérance mutuelle et de solidarité humaine.
C’est une raison de plus au demeurant, pour se souvenir que dans la nature où il évolue, l’homme, par ses rêves, par ses ambitions, et par ses capacités intrinsèques, doit rechercher constamment un levier pour améliorer son propre environnement et, en corrélation, un espace approprié pour contribuer à la construction concertée d’une communauté orientée vers l’avenir, pour assumer, avec raison, un destin partagé.
La réflexion précède, accompagne et prolonge cet effort continu de recherche de la vérité, du bon chemin et de synthèses qui valorisent l’homme dans sa pensée et dans son action, au profit du plus grand nombre.
Dans le contexte présent, tout débat d’idées doit s’élever sur les hauteurs du patriotisme et dans l’espace de la voie royale qui fonde l’éthique et la morale républicaines, de manière à aboutir à des consensus et à des compromis qui favorisent l’entente, la détente et la coopération, dans l’unité et dans la paix.
Le Sénégal, dans cette dynamique, a, plus que jamais, besoin du pluriel et de la diversité, qui sont les ferments impératifs de toute démocratie. C’est que notre pays, depuis longtemps, a eu la chance d’avoir opté pour la discussion qui enrichit l’autre, la concertation qui sécurise et revigore les énergies et pour la tolérance qui développe une intelligence partagée.
L’exception sénégalaise porte la marque de ces vertus et de ces valeurs, vertus et valeurs qu’il nous incombe de protéger. Il reste que dans le respect total de la loi et du droit, par tous et pour tous, nous avons l’obligation de donner un sens à la démocratie et à une commune volonté d’accroître le bien-être des populations.
La grande question est et restera dans cette logique, de savoir comment partager raison et espérance, efforts et méthode, discipline et sens du devoir, au seul profit des valeurs que nous partageons, de manière à laisser aux générations futures un legs solide de noblesse dans la pensée, de rigueur dans l’action et cette volonté de vivre en commun les défis à relever et de produire les fondements sans cesse reconsolidés de notre destin. Pour une démocratie apaisée, qui s’installe dans la dynamique du développement concerté.
Nos ambitions partagées et ensemble vécues pour un Sénégal émergent requièrent, incontestablement, que nous nous retroussions les manches, dans le culte sacré des valeurs cardinales, africaines et sénégalaises de notre société.
Alexis de Tocqueville mettait en garde contre le danger «d’abêtissement indolore» et «d’abrutissement doux» qui guettent en démocratie. Il percevait déjà en visionnaire, le risque que s’installe «le règne de l’opinion souveraine». Nous sommes aujourd’hui au 21ème siècle et les réflexions de ce penseur du 19ème siècle nous reviennent en écho et nous interpellent.
La démocratie, c’est l’ordre dans la liberté pour assurer la stabilité nécessaire à toute action de développement. Elle se nourrit à la source de la discipline. La discipline n’est pas un corset, c’est la condition sine qua non de notre émancipation. Nous devons le comprendre comme cela et agir en conséquence pour que cette deuxième alternance soit celle du décollage économique réel de notre cher pays.
Nous le devons à nos populations, en particulier aux masses laborieuses, à notre jeunesse et aux générations futures. C’est faire droit, avec pragmatisme et lucidité, au concept de développement durable.
Moustapha Niasse
Président de l’Assemblée nationale du Sénégal