Abdoul Mbaye a lancé samedi dernier sa propre formation politique dénommée Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act). L’ancien Premier ministre qui dit ne plus reconnaître Macky Sall, a dressé un tableau sombre de la situation du pays marquée, selon lui, par ‘’l’insincérité de nos gouvernants, le reniement de la parole donnée et la dilapidation des deniers publics par des politiciens-affairistes’’.
‘’Enfin il est là !’’, lit-on dans une banderole tenue par deux jeunes hommes au fond du salon des princes de l’hôtel Terrou bi. Sur les lieux, la solennité qui y règne renseigne sur la personnalité de l’hôte du jour. Abdoul Mbaye, emmitouflé dans un costume noir assorti d’une chemise blanche et d’une cravate mauve, livre à l’auditoire sa vision sur la gouvernance du pays.
Le bilan dressé à cet effet est sans complaisance. ‘’Comme beaucoup de pays d’Afrique du Sahara, et malgré les avantages indéniables au moment des indépendances tant sur le plan des institutions que de l’administration et des infrastructures, le Sénégal continue à figurer, à la fois étonnement et logiquement dans presque tous les domaines, parmi les nations les moins avancées du monde’’, s’est ému Abdoul Mbaye. L’ancien Premier-ministre du premier gouvernement de la deuxième alternance qui lançait ainsi son propre parti politique, l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act), impute la responsabilité de cette situation de sous-développement du pays à la classe politique ‘’trop occupée à défendre ses propres intérêts au détriment du bien-être collectif’’.
Le nouvel opposant au régime de Macky Sall a manifesté toute sa déception quant à la gouvernance du pays par le président de la République. Le chef de l’Etat, tout au début de son magistère, avait promis aux Sénégalais une rupture dans la démarche à travers une gestion sobre et vertueuse du pouvoir et à travers une politique de reddition des comptes afin de sortir le pays du gouffre profond dans lequel ses prédécesseurs l’ont entraîné depuis l’indépendance. Mais, selon Abdoul Mbaye, cet espoir suscité par le président Sall s’est dissipé au cours de quelques mois seulement de gestion du pouvoir. ‘’Il était question de reddition des comptes, les résultats sont aujourd’hui bien maigres. Il n’y a qu’une seule personne qui a été arrêtée.
Il n’y a plus d’alternance, il n’y a plus de rupture. Je ne reconnais plus mon Macky Sall’’, s’est désolé le fils du célèbre juge Kéba Mbaye qui refuse de suivre dans cette direction le président de l’Alliance pour la République (APR) à qui il avait pourtant juré fidélité. ‘’Je ne suis pas un homme à suivre quelqu’un dans n’importe quelle direction qu’il prend. Tant que nous allons dans la même direction, je vous suis. Mais si vous tournez à gauche, je continue mon chemin’’, déclare-t-il pour manifester toute sa démarcation par rapport au régime ‘’apériste’’.
Les yeux, rivés par moments dans son discours, balayaient souvent la salle. Devant un parterre de militants venus nombreux assister à la rencontre, Abdoul Mbaye diagnostique le ‘’mal sénégalais’’ qui, selon lui, est plurisectoriel. Dans son réquisitoire, il soutient que ‘’la société sénégalaise est de plus en plus malmenée par l’insincérité et le reniement de la parole donnée, l’absence de dignité, le développement de l’irrespect, la dilapidation des deniers publics par des politiciens affairistes, la généralisation de la corruption, la course vers l’argent facile et souvent illicite et le déclassement de la valeur-travail entre autres’’.
‘’Mettre fin à la politique, comme ruse et comme mensonge’’
Au même moment, Abdoul Mbaye déplore une ‘’démocratie sénégalaise abimée par le viol permanent de ses principes ; une République blessée par le mépris des lois par les professionnels de la politique, la politisation à outrance de l’administration sénégalaise et de la diplomatie ; une jeunesse sénégalaise désespérée qui se retrouve en grande partie, soit rejetée par l’école, soit boudée par le monde du travail’’. Mais également ‘’une pauvreté chronique, une école dans un état de délabrement, de dénuement et de paralysie ; un système de santé peu performant ; une politique d’hygiène et de propreté inexistante ; un monde rural dans la détresse et une entreprise sénégalaise oubliée des politiques publiques’’.
Cette situation, selon l’ancien Premier ministre, doit changer. Et pour ce faire, lui et ses camarades entendent conduire ce changement en mettant d’abord fin à la ‘’politique comme foire d’empoigne, comme ruse et comme mensonge’’. Aussi se proposent-ils de mettre fin à la politique professionnelle et à la politique comme moyen d’enrichissement rapide et souvent illicite’’. ‘’Nous devons mettre fin à la fonction politique comme sinécure, faveur ou ‘’teraanga’’ afin de restituer à la politique, qui est charge à assurer et mission à assumer, toute sa dignité pour le seul intérêt du peuple et non celui d’un parti ou d’un leader.’’