«L’accaparement des entreprises de presse par les hommes d’affaires reste une bonne chose dans la mesure que ça permet aux journalistes d’avoir un plan de carrière mais d’un autre coté, il favorise l’autocensure du fait que le journaliste peut avoir les mains liées sur certaines questions de la société». Un constat fait par le journaliste analyste politique, Seyni Momar Ndiaye. En cette journée dédiée à la presse, l’éditorialiste avance qu’après plus de 60 ans d’avancées démocratiques, la liberté de la presse reste très réduite au Sénégal. Il a en outre appelé le gouvernement a travaillé à mettre en place une loi «anti-trust» afin de permettre, de limiter le nombre d’organes de presse dans un groupe. Une décision qui pourrait aider à mieux « crédibiliser» de l’information donnée et augmenter l’audience.
La journée internationale de la presse célébrée hier, mardi 3 mai a été un moment fort pour les professionnels de l’information et de la communication de se regarder sur la glace et de faire leur propre introspection. Leur propre auto-critique. Selon le journaliste-analyste, Momar Seyni Ndiaye, l’espace de liberté est très réduit au Sénégal pour un pays qui a connu des avancés démocratiques depuis plus de 60 ans.
A en croire ce dernier, l’absence de critique dans les différents médias se fait sentir de jour en jour.
Une situation qui pourrait découler d’une part de l’accaparement des médias par les hommes d’affaires, surtout des politiques qui, tapis dans l’ombre, dictent le chemin à suivre. L’autre facteur demeure le manque de formation de certains journalistes. «Le journalisme est un métier noble, difficile mais qui donne beaucoup de plaisir à celui qui l’exerce. Ce qu’on constate de nos jours, c’est que ces valeurs cardinales sont en train de disparaitre et les espaces de liberté de plus en plus réduits» a-t-il souligné. Et de poursuivre : « les médias ont le devoir d’informer, d’éduquer et de protéger la société. Mais, la réalité est tout autre dans la majorité du temps. Ils s’attaquent aux fondements de la République, à l’enfance qu’ils présentent nue sans bande de protection mais aussi à la femme sous les feux des projecteurs. On assiste le plus souvent à un débordement de la pensée».
LA PRESSE SOUS LE CONTROLE DE L’ETAT
L’Etat du Sénégal a fini de faire main mise sur les organes de presse privée. Même s’il ne le fait pas savoir, le constat est qu’il utilise des canevas pour en arriver à ses fins.
Au Sénégal plusieurs hommes politiques détiennent des organes de presse. La situation a été exacerbée sous le régime actuel dirigé par Macky Sall. Pour certains observateurs, il est très difficile d’être objectif dans ces cas de figures.
Pour l’analyste Momar Seyni Ndiaye, l’implication des hommes d’affaires surtout les politiques peut être positive dans la mesure où elle permet aux journalistes d’avoir un plan de carrière, de sécuriser leur salaire. Néanmoins, elle peut être très néfaste lorsque ces derniers s’insurgent dans le travail du journaliste. « Il y a une pente dangereuse dans la gestion de l’information avec les hommes d’affaires mais surtout l’implication de ministres. Cette situation conduit le plus souvent à réduire les espaces de libertés. Ils créent et amplifient l’autocensure car le journaliste est contrôlé, guidé. C’est là où réside le danger», a-t-il déclaré.
Sur la floraison des organes et la centralisation de médias dans un groupe, Momar Seyni Ndiaye a exhorté le gouvernement à regarder la clé de répartition pour une meilleure liberté de la presse. «Il faut revoir la notion de liberté de la presse. Est ce que c’est avoir beaucoup d’entités de presse dans la diversité ou l’accaparement en seul bloc ? L’Etat doit réfléchir sur la possibilité de mettre en place une loi anti-trust pour éviter qu’un seul groupe consacre plusieurs médias au sein de sa propre entité. S’il s’avère être du coté du gouvernement, le groupe pourrait contribuer à réduire la liberté de presse et participer au contrôle de l’audience».
LES LIGNES EDITORIALES DOIVENT ETRE BIEN DEFINIES
Tant que les lignes éditoriales répondent à la morale, l’analyste Momar Seyni Ndiaye est preneur. Toutefois il déplore que certaines soient dangereuses. « Chaque organe de presse a le droit et le devoir de définir sa ligne éditoriale, mais il faut le faire très clairement. Pour certains, elles sont commerciales, généralistes. Mais ce qui est fâcheuse, certains patrons de presse louent des groupes pour avoir des parts de marché, d’autres en font un instrument de dominance en lieu et place d’information» a-t-il déclaré.