Des journalistes en poste dans la région de Ziguinchor (sud), où l’information est souvent jugée sensible en raison du conflit en Casamance, ont dit à l’APS être préoccupés par l’équilibre à préserver entre le droit à la libre expression et le devoir de défendre l’"intérêt national".
Papo Mané, le représentant à Ziguinchor du groupe Walfadjri depuis plusieurs années, estime que le "caractère sensible" de l’information liée au conflit rend difficile le travail journalistique, dans cette région. "Nous sommes toujours partagés entre le devoir d’informer et les impératifs de sécurité (…) même si la situation est devenue positive avec l’accalmie" constatée en Casamance depuis quelques années, a témoigné Mané.
Le directeur de la radio Zig FM, Ibrahima Gassama, juge qu’"il est nécessaire de recentrer le travail journalistique" en raison de la stabilisation de la zone. "L’accalmie est bien là parce que les belligérants se sont tous mis d’accord sur l’utilité du dialogue, même si la question de savoir comment dialoguer les divise encore", a expliqué Gassama.
Il constate que les médias sont "très surveillés" en Casamance et se trouvent entre "l’enclume des bandes armées et le marteau de l’armée".
Ibrahima Gassama fait remarquer que "le reproche qui est fait à la presse est de toujours mettre le curseur sur l’horreur et le sensationnel, d’où cette nécessité de recentrer le travail", en libérant la parole.
Mamadou Alpha Diallo, le correspondant à Ziguinchor du quotidien Direct Info, pense que "la nature du conflit et les subtilités à gérer font que l’accès à l’information est souvent un casse-tête" pour les journalistes en poste dans cette région.
"Plus que la passion du métier de journaliste et le droit d’informer, il y a toujours l’intérêt supérieur de la nation qui prime sur tout le reste (…) Il nous arrive souvent, par patriotisme, de nous autocensurer pour ne pas remettre en cause l’accalmie", a signalé Diallo.
Son confrère du quotidien Enquête, Hubert Sagna, trouve que le "caractère sensible" de l’information en Casamance est en train de se dissiper. "Il y a vraiment la liberté de la presse en Casamance. On n’a jamais eu de cas inquiétant dans le cadre de notre travail", a reconnu Sagna, ajoutant : "Certainement, par le passé, des confrères ont connu des menaces…"
Ignace Ndey, le chef de l’antenne de Sud FM à Ziguinchor, parle surtout de "complexité du travail journalistique" en Casamance, en estimant qu’elle est conséquence de la "multiplicité des acteurs" du conflit.
"Bien sûr, la liberté de presse est là, dans la mesure où on peut traiter maintenant les informations sans entrave. Mais cette liberté est relative. Chez les bandes armées, il y a souvent des problèmes internes, qui se conjuguent avec le silence de l’armée, sans compter les multiples acteurs de la société civile, qui ont des intérêts à préserver", a analysé Ndey, trouvé dans son bureau en train de coordonner la couverture du jour de l’antenne régionale de Sud FM.
Certains journalistes jugent que la "complexité" du métier de journaliste en Casamance est la conséquence des faibles moyens des médias. C’est le cas de Mamadou Alpha Diallo. "Quand il y a une information à vérifier, nous n’avons même pas de mobylette pour nous déplacer et la vérifier. Nous n’avons pas assez de moyens pour faire correctement notre travail. A cause de cette situation, l’information est parfois biaisée", a souligné Diallo.
"Les sources sont rarement identifiables, faute de moyens d’aller à leur rencontre", a-t-il déploré.
L’ancienne région de Casamance a été scindée en deux dans les années 1980, Kolda et Ziguinchor, puis en trois, avec la création de la région de Sédhiou en 2008.
Depuis 1982, elle est le théâtre d’affrontements sanglants entre l’armée et les indépendantistes du Mouvement des forces démocratiques de Casamance.
Depuis deux ou trois ans, les trois régions connaissent un regain de stabilité, les affrontements entre les belligérants étant de plus en plus rares.