Après plus de quatre années de confrontation directe avec son ancien parti (traque des biens, emprisonnements de moult responsables libéraux, refus de dialogue politique avec le premier parti de l’opposition) Macky Sall serait-il en train de jeter des passerelles pour les…fameuses retrouvailles libérales ? Comme semblent le confirmer quelques-uns de ses actes posés au cours du week-end écoulé, devant certains responsables libéraux, et relayés par la presse. En tout cas, les acteurs concernés ne semblent pas cracher sur le gâteau de ces retrouvailles, même s’ils posent leurs préalables. A l’image de Moustapha Diakhaté, le patron du groupe parlementaire de la majorité et responsable apériste, qui fait savoir que « notre intérêt à nous tous, c’est d’arriver à travailler à des retrouvailles ». Quoiqu’il aurait aimé que le Président Wade soit lui-même l’initiateur de ces retrouvailles.
Sans ramer à contre-courant de Moustapha Diakhaté, le porte-parole du Pds Babacar Gaye pose quand même les conditions incontournables du dialogue, dans le sillage de véritables retrouvailles. « Pour qu’il ait retrouvailles, il faut d’abord que le Président qui est le principal bénéficiaire de la stabilité politique déclare solennellement sa volonté d’engager un dialogue sincère et inclusif, décline clairement le continu du dialogue ainsi que les cibles de son appel ».
Pour Babacar Gaye, c’est seulement à cette condition que le Pds qui reste ferme dans ses « ambitions d’imposer une cohabitation en 2017 et de remplacer Macky Sall à la tête de l’État » répondra au président de la République. Un maître du jeu dont «les propos ne sont pas fortuits», selon l’enseignant chercheur Moussa Diaw, de l’UGB de Saint-Louis. Pour le spécialiste en sciences politiques et juridiques, « les propos du chef de l’État sont significatifs d’une intention d’apaiser le climat politique ». Que les retrouvailles libérales soient couronnées de succès ou non !
MOUSTAPHA DIAKHATE, PRESIDENT DU GROUPE PARLEMENTAIRE DE LA MAJORITE BBY : «J’aurais bien aimé que Me Wade en soit l’initiateur»
Moi, je n’étais pas là quand le président tenait ces propos allant dans le sens d’un apaisement avec le Pds et Macky Sall qu’on lui prête dans les médias. Toutefois, je pense que c’est une bonne initiative. Le Sénégal a besoin d’un climat apaisé bien qu’il n’y a jamais eu de rupture d’apaisement. En plus, avec le Parti démocratique sénégalais et d’autres partis politiques, nous avons en partage la démocratie libérale et sociale. Je crois donc que les retrouvailles de cette famille libérale est une option, de mon point de vue, pertinente, aussi bien pour l’ensemble des partis qui se réclament du libéralisme social. Cette retrouvaille participera à plus de cohérence dans l’espace politique sénégalais.
Nous même avons été au Pds, avant d’être obligés à un moment donné de quitter cette formation du fait de l’ancien président, Abdoulaye Wade, lui qui voulait, manifestement, tailler la famille libérale aux dimensions de son fils. Je crois qu’il l’a fait à son détriment puisque c’est après avoir cassé son parti qu’il a perdu le pouvoir. Maintenant, je crois que nous sommes en politique, toutes les montagnes se rencontrent. Nous avons dans l’histoire du Sénégal et de l’Afrique des exemples de familles politiques qui se sont disloquées et ensuite, par le génie de leurs membres, se sont retrouvées. Le cas de Lamine Guèye et du président Léopold Sédar Senghor illustre bien cela au Sénégal et en Côte d’ivoire, nous avons la retrouvaille de la famille Houphouétiste entre les présidents Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara. Je crois donc que nous, libéraux sénégalais, nous devons aller dans le sens des retrouvailles…
Je crois que si on se situe dans des perspectives stratégiques et non tactiques, notre intérêt à nous tous, c’est d’arriver à travailler à des retrouvailles. Le plus tôt possible serait le mieux mais si ce n’est pas le cas, de mon point de vue, on peut l’inscrire dans le temps. Toutefois, j’aurais bien aimé que le président Wade en soit l’initiateur parce qu’il a la légitimité du fait c’est lui qui nous a tous formés politiquement. S’il pouvait donc porté ce projet, qu’il le fasse aboutir le plus vite possible serait mieux. Maintenant, si ce n’est pas possible pour le moment, d’autres le feront à notre place mais je crois que ce ne serait pas une bonne chose. Pour la simple raison que les Sénégalais sont majoritairement de tendance libérale sociale. Donc, si nous pouvons nous mettre ensemble sous un même chapiteau politique, cela faciliterait notre maintien durable au pouvoir bien que cela n’exclue pas le fait qu’on puisse continuer à collaborer avec des partis qui partagent plus ou moins avec nous l’économie sociale de marché et la solidarité nationale.
Pour les modalités, je crois que les expériences de retrouvailles sont multiples : on peut, par exemple, aller en compétition aux législatives et nous retrouver après pour former un gouvernement de type libéral ou bien trouver un consensus pour aller ensemble aux législatives, c’est possible. On peut aussi attendre, peut-être, la prochaine présidentielle de 2019 pour présenter un candidat unique mais je crois que dans ce cas, ce serait le président, Macky Sall. Ceci pour dire que tout plaide aujourd’hui pour notre retrouvaille. Il suffit seulement qu’il y ait des volontaires sérieux avec un bon modus operandi pour surpasser les difficultés actuelles.
BABACAR GAYE, MEMBRE DU COMITÉ DIRECTEUR ET PORTE-PAROLE DU PDS : «Si Macky avait l’intention de s’adresser au Pds, il s’est trompé de lieu et d’interlocuteurs»
Le chef de l’État a tenu un discours de circonstance et d’émotion. On ne peut pas emprisonner Karim Wade, spolier le Pds de son groupe parlementaire et de son député, destituer Aida Mbodj de son poste de président du Conseil départemental de Bambey et prétendre à des états d’âme en passant devant les chantiers aux arrêts du domicile de Me Wade. Je ne puis accorder aucun crédit à une telle conception des relations sociales. Si Macky Sall avait l’intention de s’adresser au Pds, il s’est trompé de lieu et d’interlocuteurs. La politique ne permet pas tout.
Apparemment, il a enfin compris qu’une majorité électorale n’est pas une garantie d’une gouvernance apaisée et d’une démocratie véritable. Depuis l’échec de la traque des biens supposés mal acquis et le rejet du projet de référendum constitutionnel de Macky Sall, beaucoup de voix s’élèvent pour appeler au dialogue en général et aux retrouvailles de la famille libérale en particulier. Tout en gardant le cap qu’il s’est tracé, le Pds ne peut pas rester insensible aux soubresauts de notre société. Seulement, nos ambitions de lui imposer une cohabitation en 2017 et le remplacer à la tête de l’État sont intactes.
Et pour qu’il ait retrouvaille, il faut d’abord que le Président qui est le principal bénéficiaire de la stabilité politique déclare solennellement sa volonté d’engager un dialogue sincère et inclusif, décline clairement le continu du dialogue ainsi que les cibles de son appel. C’est après cela seulement que le Pds examinera, en toute indépendance, l’offre de dialogue avant de donner un avis circonstancié. Même dans l’hypothèse de la tenue d’un dialogue politique qui est consubstantiel à la démocratie, les retrouvailles des libéraux est une autre paire de manches qui pourrait engendrer des conséquences dans l’équilibre du jeu politique. Le Président Macky Sall serait-il dans les dispositions d’en payer le prix ? Je suis encore dubitatif.
Maintenant, pour bien appréhender les enjeux de telles retrouvailles, il me paraît nécessaire d’en cerner d’abord les contours. Le Pds est un parti vieux de 40 ans, qui a un projet politique alternatif au Yoonu Yokkute et un candidat pour le porter, alors que l’Apr, né de ses flancs, n’est pas encore assez bien structurée pour faire les compromis nécessaires à la paix des braves. Pour certains responsables républicains qui redoutent un retour aux affaires d’éminents cadres du Pds, il est légitime de s’inquiéter des retrouvailles mal préparées qui pourraient leur boucher l’horizon. En tout état de cause, le jeu politique gagnerait à être plus lisible même si une démocratie efficace a besoin de ses deux mamelles : une majorité qui gouverne et une minorité qui s’oppose dans un cadre normé. Ce qui exclut toute compromission sur le dos des Sénégalais. Car les citoyens ont, seuls, droit de vie ou de mort sur les élites et décident de la place qu’ils doivent occuper dans le jeu démocratique.