La journée internationale des travailleurs a vécu hier dans une ambiance plus festive que revendicative. Mais les doléances étaient bien au rendez-vous. Au centre-ville de la capitale sénégalaise, centrales et figures du syndicalisme se sont réunies pour porter à l’attention de l’Etat et de l’opinion leurs problèmes.
La circulation automobile est presque nulle de l’Arsenal de la marine à l’Hôtel de Ville de Dakar en cette matinée venteuse. A la place de la furie des klaxons, ce sont les tam-tam, et harangues criées dans des porte-voix qui rythment la marche devant l’œil concerné d’un cordon sécuritaire. Disposition presque inutile, tant le défilé des travailleurs du 1er mai célébré hier, a on syndicale. Néanmoins, les travailleurs se rappellent au bon souvenir de cette journée internationale. Car, bien que la revendication soit portée de manière moins véhémente, elle n’en demeure pas moins importante.
‘‘Oui aux marquages, non aux photos’’ ; ‘‘ oui à la protection des mineurs, non à la destruction des emplois’’, s’écrient en chœur les ouvriers de la Manufacture de tabac de l’ouest africain (MTOA). Bras levés et poings fermés en guise de contestation, leur importante procession fait de l’ombre aux plus modestes des autres mouvements. Sur leurs banderoles et tee-shirts blancs, le sigle du Plan Sénégal Emergent (PSE) est détourné en ‘’Protection Sécurité Emploi’’. ‘‘Interdire l’achat, en mettant certaines photos peut amener les gens à ne pas acheter la cigarette, mais ça permet l’introduction frauduleuse d’autres paquets de cigarettes non estampillés. Ce sera une fraude à grande échelle qui va pénaliser l’entreprise. Nous attirons donc l’attention de l’Etat’’, déclare Ibrahima Sarr, secrétaire général de la Confédération démocratique des syndicats libres (Cdsl).
Reconduit pour quatre ans à la tête de la structure, le syndicaliste annonce que la dette due à l’Hôpital principal, la révision de l’Acte 3, la revalorisation des pensions de retraite, le respect de la dignité de l’enseignant et la relance des entreprises en difficulté sont les priorités. En face de l’Hôtel de Ville où la procession continue, un jeune homme en casquette rouge tire les ficelles de sa marionnette, au son d’un tam-tam qui reprend ‘’Malaw’’ de Pape Diouf. Une scène de rue qui oblige les travailleurs à déclencher caméras et photos de leurs smartphones, avant d’être rappelés à l’ordre. ‘‘Ce troubadour vous détourne de la marche les gars. Mettez-vous dans les rangs !’’, lance un homme en tee-shirt blanc d’un mouvement des collectivités locales.
Cheikhou Oumar Sène est dans la danse, lui aussi. Il mène les agents de la Ville de Pikine recrutés en 2014 qui réclament 14 mois de salaire. ‘‘Nous voulons nos salaires. Nous voulons nos salaires’’, scandent-ils, accompagnés par des sifflets stridents. ‘‘Le maire Abdoulaye Timbo a subitement retenu nos salaires. Il a dit qu’avec l’Acte 3, Macky Sall a pris un décret qui nous en prive. Il nous les refuse et nous paie les prestations sociales, pourtant. Que Macky Sall nous aide à percevoir nos salaires’’, déclare-t-il. Une situation qui n’a presque rien à envier à leurs camarades de l’Hôtel Miramar qui courent derrière 19 mois de salaires.
Une première pour l’AIM
A peine une rue plus loin, la Place de l’Indépendance. Toujours, les mêmes véhicules du cordon sécuritaire et leurs quelques éléments à pied qui veillent à la bonne tenue de la manifestation. Commerces et grands immeubles ont baissé rideau et laissé place aux banderoles de revendication des centrales. La mobilisation est plus importante sur ce lieu qui accueille habituellement le gros des centrales syndicales affiliées à la Cnts, à la Cnts Fc, à l’Udts etc. Un camion de sonorisation accueille un maître de cérémonie surexcité qui crie les noms des différents syndicats, à chacun de leur passage tout aussi animé.
Sur la tribune, en faceq, actuels et anciens figures du syndicalisme ont bonne mine devant le défilé. Mademba Sock, Alassane Ndoye, Mody Guiro, Landing Savané et Cheikh Diop. Ce dernier de dire: ‘’la fluidité et la mobilité inter-régionales ne doivent souffrir d’aucune entrave. Ceci doit être porté par une politique volontariste. L’Etat doit veiller à ce que cessent les tracasseries que subissent les transporteurs et usagers de la transgambienne. Pourquoi ne pas aller vers un pont à péage où la traversée ne sera l’objet d’aucune tracasserie’’, suggère le secrétaire général de la Cnts/Fc. Cheikh Diop d’ajouter que les transporteurs sont dans leur bon droit d’emprunter la route de contournement.
Mais l’événement qu’il ne faut pas rater, à la place de l’Indépendance, est le premier défilé des Acteurs de l’industrie musicale (AIM). Le collectif syndical qui regroupe artistes, managers, techniciens et tous les métiers de la musique a mobilisé pour une première. ‘‘Nous travaillons et méritons à ce titre le soutien et l’accompagnement auxquels tous les travailleurs ont droit. Dans l’immédiat les revendications sont de régler le cadre juridique ; d’encadrer les acteurs de l’industrie musicale, de les sortir de l’informel’’, souligne Zeynoul Sow président de l’AIM.
Les doléances au compteur zéro
‘‘Pour la première fois les cahiers de doléances ont été vidés en 2013. Les cahiers de doléances sont au compteur zéro. Il n’y en a plus un qui n’a pas été traité à la Présidence de la République. Les travailleurs qui déposeront leur cahier sauront que le Président est dans les mêmes dispositions’’, Selon les assurances du ministre du Travail, du Dialogue social, et des Organisations professionnelles, qui s’est exprimé hier, devant les syndicalistes à l’Hôtel de Ville, le volontarisme du président de la République quant à la question syndicale n’est plus à démontrer.
Mansour Sy estime que, toutes les premières mesures du président de la République entre 2012 et 2013 concernent les travailleurs. Comme la baisse de la fiscalité sur les salaires, le plafonnement de denrées de prix de première nécessité, baisse du prix des hydrocarbures raffinées (pétrole, gaz, essence), celle du prix du loyer. Invitant les syndicats à plus de pragmatisme, il annonce de bonnes nouvelles. ‘‘On a des accords sur les check-off qui passent de 500 à 1000 Francs ; sur la prime de transport qui passe de 16 mille 800 à 20 mille 500... Nous avons des mécanismes pour faire avancer la négociation collective. Si nous donnons la chance aux discussions et aux négociations, nous pourrons trouver des solutions’’, conclut le ministre.