Demain, 27 avril, l’association internationale Mémoires & Partages, en partenariat avec la Ville de Dakar, organise la 2ème édition de la Journée nationale des résistances à la traite des noirs et à l’esclavage. L’évènement qui aura pour thème Femmes noires & Résistances, avec pour marraine Annette Mbaye d’Erneville, coïncide avec la commémoration de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine des Nations unies. Les activités se dérouleront au sein de l’Hôtel de Ville de Dakar. Karfa Diallo, Président de Mémoires et Partages en parle avec beaucoup de passion.
Président de la fondation Mémoires et Partage, vous êtes à Dakar pour lancer un plaidoyer en direction des chefs d’Etat. De quoi est-il véritablement question ?
Il s’agit d’un plaidoyer en direction des chefs d’Etat africains. C’est à propos d’une histoire un peu extraordinaire qui s’est déroulée le 12 janvier 1920, juste après la première guerre mondiale. 192 tirailleurs sénégalais quittent le port de Bordeaux dans un bateau qui s’appelle l’Afrique, pour rentrer au Sénégal. Ils ont ainsi échappé à la guerre. Mais en rentrant chez eux, le navire fit naufrage aux larges de la Rochelle emportant pratiquement tous ses passagers. Seuls 14 tirailleurs sur les 192, sont rescapés. J’ai découvert cette histoire, parce que j’ai monté une exposition intitulée Frères d’Arme et j’avais fait d’un des personnages de l’exposition, un des rescapés. C’est une histoire qui n’était pas très connue, pratiquement pas des Africains, des Français. Certains étaient passionnés mais c’étaient des passionnés d’histoire maritime. Mais personne ne s’était occupé finalement du sort de ces tirailleurs-là, un sort assez particulier parce que c’étaient des gens en mission, envoyés à la guerre pour la France, pour la liberté. Donc je l’avais exploité dans le cadre de l’exposition. En janvier dernier, nous avons informé l’opinion française en adressant un plaidoyer aux autorités françaises, au président Hollande notamment à qui nous avons adressé une lettre. Nous avons fait une pétition sur change.Org pour sensibiliser l’opinion. Le président français avait répondu dans un premier temps au plaidoyer en nous orientant vers le secrétaire d’Etat aux anciens combattants. Donc, nous sommes en train de sensibiliser l’opinion notamment de faire un travail de lobbying en direction des députés français. Et la prochaine étape en France de ce plaidoyer, ce sera l’Assemblée nationale française, le 30 mai prochain où nous allons nous réunir avec un certain nombre de députés qui soutiennent notre démarche pour effectivement venir en appui à cette demande finalement de sortir de l’oubli. Ces combattants-là sont des gens qui se sont battus pour la France. Ce sont des gens qui se sont battus pour la liberté. Et ils sont aujourd’hui sans sépultures puisqu’ils sont au fond de l’océan. On ne leur a pas rendu les honneurs qu’on rend aux morts. Donc le plaidoyer que nous avons adressé à la France, c’est cela.
C’est donc le même plaidoyer que vous venez faire en Afrique ?
Dans la mesure où notre association est aussi basée à Dakar depuis l’année dernière, en toute cohérence, nous avons pensé que les pays d’où ces tirailleurs sont ressortissants devraient aussi être capables de se souvenir et de rendre hommage à leurs enfants qui sont morts. C’est pourquoi nous avons adressé une lettre ouverte à des chefs d’Etat d’Afrique de l’ouest et du centre : le Sénégal, la Côte d’ivoire, la Guinée, le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le Bénin et le Congo. Nous avons demandé à ces chefs d’Etat de se souvenir aussi de ces tirailleurs-là, de leur rendre hommage à travers pourquoi pas un monument aux tirailleurs naufragés. Une façon de marquer notre contribution à la liberté du monde d’une manière générale et à la liberté de la France en particulier. Mais aussi, de reconnaître le sacrifice de ces hommes, et surtout de leur famille surtout que leurs familles ne savent pas ce qu’ils sont devenus. C’est pour ça que nous avons profité de notre séjour ici à Dakar, pour adresser cette lettre ouverte à ces chefs d’Etat africains et pour sensibiliser également l’opinion sur cette histoire-là. C’est une histoire qui est importante d’abord parce que c’est la plus grande catastrophe maritime française et que nombre de nos enfants, de nos descendants, de nos ascendants plutôt ont été effectivement victimes de cette histoire.
Vous attendez quoi concrètement des chefs d’Etat africains ?
Ce que nous attendons des chefs d’Etat africains, c’est un peu la même chose que nous attendons d’un chef d’Etat français... On ne leur pas rendu les honneurs dus aux morts. On ne leur a pas donné une sépulture décente, ils sont oubliés de leur famille. Donc nous, nous avons les noms de tous ces tirailleurs que nous avons d’ailleurs publiés sur notre site internet. Ce que nous attendons des chefs d’Etat africains, c’est qu’ils puissent réparer cet oubli. C’est-à dire qu’ils puissent leur rendre hommage à travers un moment symbolique, fort, une cérémonie qui puisse être organisée dans chaque pays avec une stèle. On inaugure bien beaucoup de choses un peu partout en Afrique mais une stèle peut être érigée quelque part en mémoire du tirailleur naufragé. C’est un élément qui me semble essentiel de réparation, de ce sacrifice mais surtout qui montre à l’Afrique et sa diaspora mais aussi aux pays européens, que l’Afrique sait se souvenir de ceux qui se sont battus pour sa liberté.
Vous organisez la 2ème édition de la Journée nationale des résistances à la traite des noirs et à l’esclavage. Où en êtes-vous avec les préparatifs ?
L’an dernier nous avons tiré un bilan satisfaisant puisque la ville de Dakar est la première ville en Afrique à célébrer la mémoire de l’esclavage et de la traite des noirs. C’est une manifestation inédite sur le continent parce que vous savez la traite des noirs et l’esclavage a duré trois siècles et demi à quatre siècles. Presque 15 millions d’Africains victimes, ont été déportés, des millions de personnes sont mortes du fait de la cupidité de certains chefs africains ainsi que de la violence occidentale. Et cette histoire a laissé des marques très profondes. Elle a vidé d’abord le continent de sa puissance, de sa force de vie, de sa jeunesse et puis elle s’est poursuivie après par le travail forcé, la colonisation. Donc c’est une histoire forte, importante. Et il y a une diaspora noire, une diaspora africaine un peu partout dans le monde qui est issue de ça et cette histoire-là malheureusement n’est pas suffisamment prise en compte par le continent pour des raisons sûrement liées à des problématiques d’urgence, humanitaire, économique, sociale. On peut comprendre tout ça. Mais ce que nous pouvons difficilement admettre c’est que l’Afrique ne célèbre pas cette mémoire-là, qu’elle ne puisse pas avoir un agenda, des dates fondatrices de sa liberté, de son indépendance, de son développement, de son émergence. Et nous, nous pensons que cela est utile. La mémoire est une ressource. Aimé Césaire disait qu’«un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir». Donc il est important pour nous que cette mémoire soit prise en compte.
C’est donc le sens de cette initiative… ?
Pour ce qui est du Sénégal, de Dakar, nous sommes vraiment très fiers de ce que les Sénégalais ont fait. Le Sénégal est le premier pays africain à déclarer la traite des noirs et l’esclavage crime contre l’humanité. C’est l’ancien président Abdoulaye Wade qui avait fait voter cette loi. Il n’a pas donné suite ou bien ses collaborateurs n’ont pas fait le suivi puisque la loi a été votée en 2010, en 2011, l’Etat sénégalais n’a rien fait. Le nouveau régime depuis qu’il est là brille aussi par son absence. L’année dernière, je me suis beaucoup alarmé du fait que le Sénégal n’a pas célébré le 27 avril qui est une loi sénégalaise et que le président Macky Sall est allé célébrer le 10 mai au côté de François Hollande. Donc, il est allé célébrer une loi française. Ce sont des messages qui ne semblent pas bons, ce sont des signaux qui ne sont pas bons pour la jeunesse et pour notre démocratie. Il faut que nous respections nos lois. Donc il est heureux que la ville de Dakar soit en tout cas la première collectivité africaine non seulement à respecter cette célébration mais aussi à respecter la loi sénégalaise qui dit que l’abolition de la traite des noirs et l’esclavage doivent être célébrés, tous les 27 avril. La ville s’y investit avec beaucoup de force, avec beaucoup de détermination. Elle n’a pas encore totalement une culture de commémoration mais je crois qu’elle a une très bonne volonté. Les services municipaux accordent toute l’attention nécessaire pour que la manifestation puisse être réalisée. L’année dernière, elle était un succès d’abord par la participation du public, ensuite par la présence des scolaires qui étaient nombreux. Les établissements scolaires étaient présents, beaucoup d’universitaires, de structures qui sont partenaires, comme le mémorial Gorée –almadies, le musée de la femme Henriette Bathily, la librairie Athéna, l’Institut culturel panafricain de Yenne, l’Institut des droits de l’Homme et de la paix, l’Université Cheikh Anta Diop. Donc on essaye vraiment d’avoir une démarche inclusive… L’engagement de la ville de Dakar l’année dernière démontre en tout cas sa capacité d’avoir une vision, de ce que peut être la place d’une ville dans le monde d’aujourd’hui.
La ville de Dakar est à nouveau impliquée dans la célébration de ce 27 avril ?
Absolument ! C’est la deuxième édition et on est très content qu’il y ait une réédition parce qu’il faut une continuité dans nos actions et surtout des actions aussi essentielles, aussi sensibles. Donc on est très heureux que la ville de Dakar continue d’accompagner ce projet. Cette année c’est très particulier puisque nous avons une marraine qui est prestigieuse : madame Annette Mbaye D’Erneville, une femme de lettres, ancienne journaliste, une femme de combat aussi pour les droits de la femme. Elle sera la marraine de cette journée du 27 avril, qui a pour thème : Femme noire et résistances. Ce sera l’occasion de poser le débat sur la condition de la femme noire dans l’histoire, l’histoire de la traite des noirs, l’histoire de la colonisation, l’histoire des indépendances, l’histoire des modernités, des démocraties actuelles. Quelle est cette condition de la femme noire ? Et on a des intervenants importants qui vont venir y participer. Cette année ça se fait dans le cadre de la décennie internationale des personnes d’ascendances africaines qui est une initiative des Nations unies...
Récemment vous avez secoué l’actualité en annonçant que vous voulez renoncer à votre nationalité française. C’était de la farce ou une opération de com?
Non ! Ce n’était pas de la farce, je pense qu’on a été nombreux nous français ayant une double nationalité ou une triple nationalité à prendre cette décision. Ce fut surtout à cause de ce débat sur la déchéance de nationalité qui s’explique aussi par un contexte international, un contexte sécuritaire en France extrêmement contraignant. La France est un pays qui est victime d’un terrorisme aveugle, un terrorisme violent, un terrorisme qui frappe sans distinguer. Et c’est vrai que cette décision, cette mesure proposée par François Hollande, par l’Etat français est une mesure qui est contre-productive. Elle est contre-productive pour plusieurs raisons. Elle est totalement conforme à la stratégie des terroristes. Les terroristes islamistes ce qu’ils veulent c’est diviser les français, entre les français d’origine chrétienne, les français d’origine musulman… Beaucoup de français de toutes origines, qu’ils aient la double nationalité ou non, ont été extrêmement choqué de cette persistance, de cette insistance disons de l’Etat français…C’est vrai que j’ai vécu douloureusement cette situation et j’avais effectivement l’intention de faire un acte, disons de remettre ma nationalité française. Parce qu’au fond, je pense qu’on n’a pas besoin d’un bout de papier pour exister, pour être citoyen, pour respecter les lois. C’était effectivement un peu de la provocation j’en conviens, mais c’était aussi une provocation pensée réfléchie parce qu’il me semble qu’il était important de dire à la France : «si vous ne vous pas de nous, vous ne voulez pas nous respecter comme des français à part entière, nous allons retrouver notre nationalité d’origine et ça ne nous empêchera pas de continuer à exister en France, à faire ce que nous avons à faire en France et à militer en France ». Heureusement que ce projet n’est pas arrivé à terme…
Dans votre dernier ouvrage Mémoires d’alternance inquiete, vous abordez la question du racisme et des discriminations mais on se demande si ce n’est pas un peu naïf de croire que ces tares de nos sociétés africaines comme occidentales, vont finir par trouver des remèdes?
C’est de l’utopie peut être, pas de la naïveté. C’est de l’utopie de penser qu’on peut abattre les murs que l’intolérance dresse entre les hommes. C’est peut-être de l’utopie mais on a besoin d’utopie, c’est ce qui fait avancer une société. On a besoin d’ambition, on a besoin de rêve. Martin Luther King, son rêve il n’est pas totalement réalisé bien entendu. Mais ce rêve a porté de générations et de générations d’hommes, de femmes et d’enfants. Et aujourd’hui une partie de son rêve quelque part est réalisée avec Barack Obama qui se retrouve Président américain. Ça ne règle pas les problèmes américains bien évidemment on continue de voir qu’il y a encore une persistance de racisme. Parce que les racines du racisme sont extrêmement profondes. Et il n’a pas suffi que le monde soit connecté, relié par les instruments de communication pour que les gens s’acceptent…
Vous évoquez dans ce livre le terrorisme, Bokko Haram etc., ces évènements semble prêts ou loin de nous au Sénégal non?
Je pense que ces évènements sont très près de nous, d’abord par les moyens de communication, mais ensuite parce que cette violence frappe l’Afrique : le Mali récemment, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire. Le Sénégal qui est encore à l’abri de cette violence n’a pas de frontière. L’Afrique est un enjeu car il a des ressources, des richesses. Elles sont inépuisables, la même logique colonialiste que les occidentaux ont eue, les djihadistes sont dans cette même logique. Il faut récupérer des terres en Afrique, y récupérer des ressources parce que ce sont des moyens substantiels que l’on peut se donner, qui peuvent permettre de recruter, d’avoir de l’influence et de pouvoir développer sa folie, si on peut l’appeler ainsi. C’est de la folie djihadiste, elle n’obéit pas à l’islam. On voit bien que ce sont des gens qui s’attaquent à tout le monde, à tous ceux qui ne pensent pas comme eux. C’est de la même veine que le racisme et les discriminations que l’on peut subir. C’est juste une logique de haine mais aussi de pouvoir. Il faut prendre le pouvoir, et on le prend par la peur, par la crainte, il faut susciter la peur…L’un des pays les plus touchés par ce terrorisme c’est le Nigéria, pourtant c’est l’un des forces du continent, l’un des plus riches. Parce qu’il y a une inégale redistribution des richesses du pays, la jeunesse africaine ne profite pas de sa richesse et c’est cela qui fait que, les jeunes sont séduits par l’idéologie extrémiste. Parce qu’elles donnent un sens à leur vie, ce que nos Républiques sont incapables de faire, les djihadistes le font. D’abord, ils donnent de l’éducation à leurs enfants, à leurs familles, ils peuvent assurer leur santé et puis, ils leur donnent une raison d’espérer, même dans la mort, d’espérer une rédemption, parce que ce sont des gens qui sont prêts à mourir. Pour eux même, la mort va donner la chance à leur vie future. Donc nous avons face à nous une bête, un monstre que l’on ne peut plus combattre avec des déclarations. Il faut des actes, il faut que les politiques africaines soient conformes aux exigences de justice, de liberté, et d’égalité. Il faut que les dirigeants africains soient fidèles aux messages de ceux qui se sont battus pour l’indépendance et la liberté. Ce n’est pas le cas et c’est pour cela que le terrorisme va continuer malheureusement. Il faut le dire : c’est clair, il va continuer de se propager en Afrique.
Est-ce que vous pensez que les sénégalais ont la clé en main ?
Je ne pense pas. Je pense que fondamentalement aucun pays ne maitrise la situation sécuritaire même en France. Vous avez vu, même Bruxelles, on a beau mettre en place toutes les forces de répression possible et imaginables. On ne peut pas maitriser cette situation-là, on peut effectivement se doter de moyens supplémentaires, renforcer la situation, inciter la population à être plus vigilante, c‘est une bonne chose, mais fondamentalement, c’est un combat sur les valeurs. Il faut que nous soyons fidèles à nos valeurs, si on ne l’est pas assez, en Europe comme en Afrique, ils vont continuer à recruter et de plus en plus nos enfants. Parce que c’est là que les menaces sont plus terribles. Ce n’est pas parce que l’on porte une barbe qu’on est forcément islamiste, ils peuvent se fondre complètement dans la masse. Ce sont nos propres enfants, nos propres voisins. Il suffit qu’il n’y ait pas assez de structures sociales, éducatives, pédagogiques pour accompagner la solitude, le désarroi économique social pour qu’ils versent à un moment donné dans l’extrémisme et dans la violence. Pour cela, il faut vraiment essayer de rendre nos politiques fidèles à nos valeurs.
Votre ouvrage suscite beaucoup de débats ici comme en France. C’est quoi cette polémique avec Youssou Ndour ?
Ce n’est pas vraiment une polémique personnelle. J’ai eu la chance ou l’honneur d’avoir travaillé avec lui pendant quelques mois. Je l’avais connu dans des circonstances qui sont liées à mon travail sur la mémoire de l’esclavage. En 2005, nous avons fait un film ensemble «Retour à Gorée », et il m’avait dit de m’occuper un peu de sa campagne en Europe lorsqu’il a voulu être président de la République. Et cela m’intéressait parce que, cela me permettait d’être actif dans ce moment que mon pays était en train de vivre. Donc j’ai essayé d’accompagner son mouvement (Ndlr, Fekke Maci Bolé) et très vite, il m’est apparu que, sa méthode de travail, sa culture n’était pas conforme à la mienne et j’ai pris des distances très rapidement. Cela doit être après 3 à 4 mois que j’ai pris des distances. Fondamentalement, parce que j’ai découvert quelque chose qui illustre bien cette culture politique qui veut que la faim justifie les moyens. On veut le pouvoir donc on utilise les mêmes armes que l’autre, juste pour avoir le pouvoir. Et pour moi, le pouvoir n’est qu’un moyen, ce n‘est pas une faim et c’est vrai que j’ai dans ce livre-là, raconter un épisode qui a permis à Youssou Ndour effectivement de gagner ses galons d’homme politique puisqu’il a prétendu avoir été blessé dans une manifestation à laquelle j’ai participé. Ce qui était totalement faux. Je l’ai révélé non pas pour une quelconque vengeance personnelle parce que je n’ai pas de problèmes personnels avec lui, mais c’était beaucoup plus parce que j’étais complétement déçu du résultat, lorsqu’il a décidé de renier sa parole sur la question du mandat présidentiel. Mais ensuite parce que moi, mon rôle c’est ça. Je ne suis pas membre d’un parti politique, je ne le serai plus jamais d’ailleurs, c’est fini ? Mon rôle c’est d’alerter, alerter les Sénégalais surtout, la jeunesse sur les choses sur lesquelles elle peut fermer les yeux aujourd’hui mais qui sont porteur des germes, finalement des trahisons et des reniements. Donc, il faut les condamner dès qu‘on a l’occasion. Moi j’aurai dû le faire, le jour même ou le lendemain, du soir où j’étais avec Youssou Ndour. Quand je l’ai vu dans les images de la télévision qu’il prétendait être blessé, j’aurai dû lui dire : «ce n’est pas vrai ». Mais, je n’avais pas le courage. Voilà, j’ai laissé passer.
Pourquoi alors revenir la-dessus ?
Mais parce qu’il l’a dit dans les médias, dans la télévision, on l’a vu avec une béquille disant qu’il était blessé par une grenade. Et puis, d’ailleurs ce soir-là, on a vu tous les leaders politiques sénégalais aller lui rendre visite… J’étais son coordonnateur en Europe. Je peux vous dire que les médias européens n’ont pas arrêté de m’appeler et j’étais complétement embêté parce que, je savais que ce n’était pas vrai. Je n’ai pas voulu les mettre en relation d’ailleurs avec lui et c’est là ou à dater mon retrait. Puisque dès que j’ai assisté à cela j’ai compris que vraiment, je ne pouvais plus continuer. J’ai fait le 1er tour des élections ici, et je suis rentré en France. J’ai pris ma décision, je n’ai pas assisté à la réunion de « Fekke ma ci bole » et j’ai attendu même que Macky soit élu. Parce que encore une fois, je voulais que l’on se débarrasse de Wade et j’étais prêt à fermer les yeux sur beaucoup de choses. Dès qu’il a été élu avant qu’il ne nomme son gouvernement, j’ai effectivement publié une lettre qui disait : « je me retire du mouvement de Youssou Ndour ». Voilà, je crois qu’il y a une partie de lâcheté de ma part, je l’assume entièrement. Mais il n’est jamais tard pour faire les choses. Et c’est pour cela que j’ai informé l’opinion. J’espère que cela servira et pour la jeunesse sénégalaise qui s’engage politiquement mais aussi pour Youssou Ndour. Pour les hommes politiques en général. Qu’ils essaient de respecter la vérité, ce qu’ils demandent aux autres qu’ils se l’appliquent eux-mêmes.
Aujourd’hui, vous n’êtes plus en contact avec lui ?
Non. Je sais que quand la polémique a éclaté, il y a un de ses lieutenants, Charles Faye qui a répliqué par communiqué. Vraiment j’ai trouvé ses réponses assez légères. Mais, je pense qu’une partie de la politique sénégalaise est comme ça en ce moment. On est plus dans le dérisoire, dans le ridicule que dans les questions de fond, dans les questions qui font avancer. Ce n’est pas une attaque, c’est vraiment une volonté de faire avancer la démocratie sénégalaise. C’est cela qui m’importe mais pas Youssou Ndour. C’est la démocratie et la jeunesse sénégalaises, des modèles que l’on présente, des exemples, c’est cela qui m’importe aujourd’hui.