Ce ne sera pas sa première Biennale. Formé à l’architecture et à l’aménagement urbain, et diplômé, en 2000, des Beaux-Arts de Dakar, Henri Sagna, l’un des 4 artistes sénégalais sélectionnés pour la toute prochaine Biennale d’art africain contemporain de Dakar, qui ouvre ses portes ce 3 mai, raconte ici son histoire avec cette institution, qui devrait selon lui être gérée par des artistes. A cela s’ajoute que la communication faite autour de l’événement «manque (tout simplement) d’ardeur selon lui. Mais commençons par faire connaissance avec le personnage, sa fascination pour les moustiques, en plus d’une petite intrusion dans son atelier, histoire de voir ce qu’il réserve au public de la Biennale…
Demandez-lui donc de vous raconter comment tout a commencé, et vous l’entendrez sans doute soupirer pendant au moins quelques fractions de secondes, en murmurant que «c’est une longue histoire»…A 42 ans, Henri Sagna fait partie de la soixantaine d’artistes, toutes nationalités confondues, et de la petite poignée de Sénégalais qui auront le droit d’accrocher leurs œuvres, ici et là, en In ou en Off, pendant la toute prochaine Biennale d’art africain contemporain, qui ouvre d’ailleurs ses portes ce 3 mai.
N’allez pas le prendre pour un débutant : ce n’est pas la première fois qu’il se retrouve dans cette situation. La Biennale, il la fréquentait déjà il y a une dizaine d’années, autrement dit deux petites années seulement après sa sortie de l’école des Beaux-Arts en 2000, où il a été formé à l’architecture et à l’aménagement urbain, et il y était encore en 2004, toujours côté Off.
En grattant sous le personnage, un inclassable monsieur qui dit avoir commencé entre la peinture et la sculpture, on découvre quelqu’un de fasciné par les moustiques ; certains parleraient d’«obsession». Au premier degré, il vous parlera, un peu comme tout le monde finalement, de la lutte contre le paludisme. Mais grattez encore...La métaphore, plutôt bien tournée, voudrait d’ailleurs que ces moustiques-là aient même quelque chose d’humain, quand ils ne servent tout simplement pas à représenter une sorte d’exploitation vampirique de l’homme par l’homme : ces Etats que l’on dépossède de leurs biens, certaines rébellions assassines et autres conflits armés qui auraient quasiment le don de nous déshumaniser…
Cette année, le public pourra découvrir son travail sur le «dialogue islamo-chrétien», même s’il avoue que ce n’est en fait qu’un prétexte ou une porte d’entrée, et que son discours s’adresserait à chacun de nos systèmes de croyances, parce que «tout le monde est concerné» comme il dit, lui y compris, lui qui ne voudrait certainement pas déshonorer son statut d’ «artiste engagé». Techniquement, Henri Sagna, qui fait dans la récup’, s’amuse à donner une seconde vie à quelques morceaux de «chambre à air», reconvertis en lieux de culte, «églises et mosquées juxtaposées en une sorte de point d’interrogation», qui nous interpelle.
Implication des artistes
L’artiste dévoilera aussi ses «codes-barres» en fer forgé, représentation plus ou moins subtile de tous ces charlatans «qui se font de l’argent», sous le couvert de la religion et d’une certaine morale.
Et loin de vouloir «critiquer pour critiquer», Henri Sagna, qui ne se cache pas pour dire de la Biennale qu’elle lui a ouvert de nombreuses portes, ici et là, a tout de même quelques comptes à régler avec l’institution: le fait qu’elle ne soit «pas gérée par les artistes eux-mêmes par exemple».
L’autre aspect concerne selon lui toute la communication autour de la Biennale, et aux yeux de l’artiste, celle-ci «manque (tout simplement) d’ardeur». Peut-être parce que l’événement a parfois du mal à s’en sortir, «avec des financements qui arrivent parfois un peu trop tard», mais, dit-il encore, «ce n’est pas une excuse»… Lui qui dit n’avoir vu que «quelques affiches», dit encore que même la petite publicité qui passe en ce moment sur les ondes d’une radio de la place lui a échappé.
Toujours est-il qu’il faudrait pouvoir convaincre les moins absorbés, les moins enthousiastes comme les plus sceptiques, autrement dit tous ceux qui penseraient que la Culture, ça ne doit pas servir à grand-chose. Mais encore-il faudrait-il pouvoir donner à la Biennale ce «cachet populaire» promis par le directeur artistique de cette 12ème édition, le commissaire d’exposition Simon Njami.