Face à la perte de terrains de sport due à la construction des routes pour désengorger Dakar, Docteur Mame Cheikh Ngom, enseignant en Aménagement du territoire au Département de géographie de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar, estime que l’Etat doit préserver les intérêts de populations.
La route de prolongement de la Voie de dégagement nord (VDN) entraîne la perte de terrains de sport pour les jeunes de Yoff, Grand-Médine, Diamalaye etc. Est-ce que c’est une bonne mesure, selon vous ?
Le prolongement de la VDN est une bonne initiative qui entre dans le processus de désengorgement de la ville de Dakar engagé par l’Etat du Sénégal depuis quelques années. Mais les autorités doivent aussi veiller toujours à la préservation des intérêts du public. C’est pourquoi, avant le démarrage des travaux, l’Etat doit examiner la maîtrise de l’œuvre sociale. Cette dernière vise l’accompagnement des personnes déguerpies après une expropriation pour cause d’utilité publique. Cette étape a été respectée avec les marchands ambulants et les mécaniciens. Ils ont été recensés, identifiés et indemnisés après leur déguerpissement. Mais le problème s’est posé avec les ASC qui avaient érigé des terrains de football dans le site. Ces aires de jeu permettaient aux citoyens de Yoff, de Diamalaye et de Grand-Médine de s’épanouir surtout pendant les vacances. Donc leur délogement va entraîner des frustrations car les espaces de jeu deviennent de plus en plus rares à Dakar.
Que doit faire l’Etat maintenant pour trouver une solution à ce problème ?
C’est une difficulté qui peut survenir dans les prochaines années car l’Etat entreprend toujours des travaux dans la région de Dakar. Ces chantiers entraînent souvent la perte des aires de jeu des citoyens. Ce qui est dommageable pour la jeunesse. Pour régler ce problème, l’Etat peut recourir au domaine littoral. Dans ce cas, il va construire des terrains ou complexes sportifs à la plage au profit de toute la jeunesse. C’est ce qu’a fait la mairie de Dakar à la Corniche-Ouest. Elle a construit des terrains de football, de basket, de handball etc. pour le public. L’Etat peut aussi, avec l’aide des entreprises privées, ériger des complexes sportifs payants à côté de la mer. Actuellement, le domaine maritime est l’endroit approprié pour recaser les ASC et les jeunes qui ont perdu leurs terrains de sport car cet espace n’est pas déclassable. L’Etat ne peut pas y effectuer des travaux.
Globalement, est-ce que les règles d’urbanisme sont respectées au Sénégal ?
Au Sénégal, les autorités ne respectent pas les règles de constructions. Il y a un plan national de l’aménagement du territoire qui exige des plans préalables d’urbanisme et des planifications pour une bonne occupation de l’espace terrestre. Ces conditions permettent d’avoir des zones d’habitation, des espaces artisanaux, industriels, sportifs, agricoles etc. Mais toute la problématique tourne autour de la planification. Aujourd’hui, les projets infrastructurels sont réalisés sans quelquefois établir au préalable des plans d’urbanisme ou d’occupation. Donc si la planification précède les réalisations, il peut ne peut y avoir de problème majeur. Mais malheureusement, ce manque de gestion fait qu’on assiste souvent à des constructions tous azimuts. C’est ce qui s’est passé récemment à l’Université de Dakar. L’Etat a construit trois pavillons au sein du stade destiné à la pratique du sport des étudiants. On ne peut pas évoquer le manque de logements pour empiéter sur les autres zones. La violation des règles de l’urbanisme entraîne une occupation anarchique du territoire.
Commentaire
Arrêtez de nous tuer !
Comment peut-on qualifier cette politique de l’Etat qui prive ses populations d’épanouissement et de maintien du corps ? Osons le dire haut et fort : cela ressemble à un meurtre, même si le mot semble un peu fort. Oui ! L’Etat tue son peuple à petit feu. Parce que dans cet adage qui dit que ‘’le malheur des uns fait le bonheur des autres’’, les gouvernants sénégalais ont choisi leur camp. Ils préfèrent sacrifier des terrains pour bâtir des routes afin de satisfaire les automobilistes. Au nom du désengorgement d’une capitale qui étouffe et qui aura du mal à s’en sortir malgré tous les investissements colossaux. L’horrible dessein a commencé à Liberté 6 avec la construction des deux voies ; aujourd’hui, c’est l’axe Nord Foire-Diamalaye qui fait les frais du désengorgement de la capitale sénégalaise.
Les gouvernants sont en train de réduire l’espérance de vie de leurs propres populations et de tuer de futurs talents sportifs qui éclosent souvent dans la simple recherche du plaisir. C’est la triste réalité ! Avec la suppression des espaces de sports et de loisirs qui sont déjà assez rares à Dakar, on les expose à tous les risques de stress et de maladies. Mais tout cela est dû au manque de vision futuriste ou au refus de quitter Dakar avec son confort lié au climat doux et peu agressif.
On a mené une urbanisation presque sauvage qui n’a pas tenu compte de plusieurs aspects fondamentaux à l’équilibre de l’homme. Ce qui a rendu difficile la mobilité et qui continue d’empirer la situation. On veut rectifier le tir or, le meilleur désengorgement n’est-il pas de délocaliser l’Administration (tous les ministères, sans exception) à Diamniadio ? Inutile de rappeler l’impact que cela aurait sur le pouvoir d’achat des populations. On n’aurait plus besoin de décréter la baisse du prix du loyer. Bref, on n’étoufferait plus personne ; bien au contraire, on soulagerait tout le monde.