C’est un drôle d’espèce qui s’ébroue. Un fieffé orgueilleux au palmarès sportif majuscule qui s’avance pour rafistoler sa dignité de “champion des champions” face à un trouble “Lac de Guiers 2” trop heureux de ramasser des millions de francs CFA et un combat XXL contre un préretraité à la compétitivité illisible aujourd’hui.
Il y a de cela quelques années, on aurait souri devant l’improbable affiche, cinglé devant cet affrontement a priori disparate entre un lourd au pedigree doré et un lourd-léger au talent clivant. Mais ça, c’était avant…Avant cet héroïque crime de lèse-majesté de l’impudent Balla Gaye 2…Avant ce sinistre début de soirée de Demba Diop dont Yakhya Diop ‘’Yékini’’ a mis mille peines à se remettre. Avant, surtout, une inactivité tellement longue qu’il était devenu difficile de toujours considérer le monarque déchu comme un lutteur.
Dans le “game of trône”…de Roi des arènes, “Yékini” n’a point fait du “Tyson”. Il n’a pas campé le “tueur de l’Ipres” avec une morgue de Bul Faale. Il n’a pas, comme jadis le Kaolacko-Pikinois, assis sa gloriole en exécutant publiquement des semi-retraités, des quasi-quinquagénaires aux muscles affaissés venus racler le fonds de cagnotte. Yakhya Diop a ram(p)é pour aller chercher, à mains nues et avec un génie diabolique, un destin royal que la “mafia” de l’arène a longtemps rechigné à lui concéder. Il a fini par arracher un statut d’Empereur incontesté mais très peu populaire. De par ses origines (il n’a pas de base affective à Dakar), son style très peu “buzzness” et son bon sens paysan très peu poreux aux subterfuges citadins et aux subtilités médiatiques.
Yékini doit son immérité déficit de notoriété à son côté frondeur, lui qui a toujours su ce qu'il voulait et, surtout, ce qu'il ne voulait pas. Avec sa voix douce mais ultra-déterminée, sa froide habitude de ne pas lâcher le regard de ses interlocuteurs et son exceptionnel savoir-faire de lutteur, l’enfant de Bassoul suscite un immense respect et…quelques sympathies mais nullement cette effusion populaire qui escorte Modou Lô, Balla Gaye 2 voire Eumeu Sène, les chéris de la grande banlieue de Dakar. Yakhya Diop a toujours cultivé, à sa façon, son grain de… seul, parce que très rétif à intégrer un “système” nourri au copinage et à l’hypocrisie qui ne “matche” pas avec son Adn d’homme droit dans ses bottes. Quitte à se fâcher avec presque tout le monde, à commencer par ses fidèles compagnons des années zéro.
Homme d’ego qui s’est toujours rêvé sans égal, “Yékini” est aujourd’hui porté par son désir fou d’être après avoir été. Mais le voilà suspecté, outre son âge avancé, du ‘’syndrome Tyson’’. Le ‘’syndrome Tyson’’ ne trouve pas sa souche dans les «3F» (Fric, Frime, Filles), ni dans cet embourgeoisement grossier conféré par une subite richesse accumulée en quelques après-midis, mais plutôt dans cette inconséquente soustraction au devoir quasi-quotidien de remettre toujours et toujours l’ouvrage sur le métier. Cette façon très Bul Faale de dévier, en quelque sorte, de son chemin non pas de sportif mais de lutteur. Parce que le métier du lutteur est de…lutter, mais pas uniquement de courir à l’aube et de soulever de la fonte l’après-midi dans une salle de musculation. On y gagne (parfois) un corps d’athlète, mais on y perd trop souvent ses compétences de lutteur : perte d’automatismes, manque d’endurance dans les corps à corps, absence de fluidité dans les gestes techniques. Beaucoup de néo-riches de l’arène ont ainsi perdu leur savoir-faire de lutteur par snobisme, par manque d’assiduité à leur école ou écurie de lutte, car ‘’oubliant’’ que le diable est dans le ‘’contact’’. Messi serait-il encore Messi s’il passait son temps à s’entraîner sans ballon de football ?
Yakhya Diop est-il toujours ‘’Yékini’’ ? Est-il encore ce despote éclairé, lutteur ultra-compétitif, sûr de sa force et de sa science du combat, qui cannibalisait l’arène avec un appétit d’ogre ? La réponse à ces interrogations appartient pour un peu à ‘’Yékini’’ himself et pour beaucoup à ‘’Lac de Guiers 2’’ qui tient là une occasion inespérée et très ‘’tysonienne’’ de légender son statut très discuté de ‘’Grand’’ de l’arène. Le siège définitif dans le ‘’carré Vip’’ du Walo-Walo d’adoption résidera dans sa capacité à anesthésier l’ultime rêve de mâle dominant du ‘’Taureau de Bassoul’’, vieille bête à l’orgueil blessé, qui joue une fin de carrière chevaleresque, une sortie étoilée à la hauteur de la trace sublime qu’il aura laissée à la postérité. Mais Juillet n’est pas gagné…
ABDALLAH DIAL NDIAYE
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