Les données officielles démontrent que les huiliers et les exportateurs n’ont pas consommé le tiers de la production annoncée pour cette année. D’où la question de savoir où est partie ladite production record, alors que les paysans n’ont plus rien.
Les chiffres ne trompent pas. D’autant plus que ce sont des données officielles. Alors que la forte pluviométrie de la saison écoulée permet au Gouvernement de déclarer que la production agricole a été très importante, on se rend compte que, à la fin du mois de mars, le total d’arachide collecté, aussi bien par les industries huilières du pays et les exportateurs, n’a pas atteint 300 000 tonnes depuis le début de la campagne.
Les chiffres publiés le 27 mars dernier par le Comité national interprofessionnel de l’arachide (Cnia), qui regroupe tous les acteurs de la filière arachide, indiquent que la Sunéor, qui avait prévu de collecter et traiter 300 000 tonnes d’arachide pour cette année, n’a pu en rassembler que 7146, soit 2% de ses prévisions. Et le fleuron de l’industrie huilière du pays n’est pas seul dans cette situation.
La Copéol qui elle, avait tablé sur 200 mille tonnes d’arachide en début d’année, n’a pu obtenir que 10% de ses besoins, soit 19 157 tonnes, ce qui n’est guère vraiment mieux par rapport 12 665 tonnes de la Wao, qui avait tablé sur 80 000 tonnes. Même la Cait, dont les ambitions étaient fort modestes avec 50 000 tonnes, n’a pu rassembler que 281 tonnes, un peu plus d’1%. En fait, toute la filière de trituration d’huile industrielle, n’a pu rassembler que 39 249 tonnes, pour des besoins estimés au départ à 630 000 tonnes. Cela ne fait que 6%.
Et il serait faux de penser, comme le disent les services du ministère de l’Agriculture, que si les industriels n’ont pu avoir des graines d’arachide, c’est parce que le producteur jugeait plus profitable de vendre aux exportateurs. Les données du Cnia démontrent que même les exportateurs ont eu du mal à trouver assez de grains pour faire leur bonheur.
Ainsi, les négociants chinois que l’on présente comme les responsables de tous les malheurs de la filière arachide nationale, n’auraient exporté, dans les circuits officiels retracés, que 69 957 tonnes d’arachide décortiquée. Ils sont suivis par les Vietnamiens, qui ont fait 36 702 tonnes. A eux deux, ces pays ont pu faire voyager plus de 98% de l’arachide sénégalaise exportée.
Après eux, viennent les autres pays, dont aucun n’a pu atteindre un millier de tonnes d’arachide exportée. Il s’agit de l’Indonésie, le Maroc, le Congo Brazza, l’Egypte, la Malaisie, le Mali et la Côte d’Ivoire. Le montant cumulé de toutes ces exportations est de 108426 tonnes d’arachide décortiquée, soit 216 851 tonnes d’arachide coque. Si on les ajoute aux données des huiliers, on atteint les 256 100 tonnes annoncées en début de cet article.
Et déjà, on sait que, si les industriels come la Suneor envisagent déjà de mettre le personnel en chômage technique prolongé, beaucoup de paysans commencent à scruter leurs greniers avec appréhension, car l’argent des exportateurs s’est, dans la plupart des cas, déjà épuisé, alors que les problèmes n’ont pas pris fin.
Dès la fin de l’hivernage, les services du ministère de l’Agriculture avaient annoncé une production record d’arachide, qu’ils avaient estimée à près d’un million et deux cent mille tonnes. On se demande où est passée toute cette production, quand les huiliers peinent à trouver de l’arachide, et que les paysans n’ont plus rien.