Swissleaks l’an passé, Panama Papers aujourd’hui. Les révélations d’évasion et de fraude fiscales à grande échelle épinglent de grands noms dans tous les domaines. Au total, 140 responsables issus de 50 pays, reliés à plus de 210 mille compagnies dans 21 paradis fiscaux sont pointés par le consortium international de journaliste d’investigation (ICIJ). Il a pu bénéficier de 11,5 millions de fichiers allant de 1977 à 2015, provenant d’une fuite du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca.
Sur le site internet du Consortium des journalistes investigateurs, les fils des anciens présidents égyptien et ghanéen, Alaa Mubarack et John Addo Kufuor ; l’associé de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, Jean-Claude Nda Ametchi ; la veuve de l’ancien président guinéen Lansana Conté, Mamadie Touré ; et le neveu du président sud-africain, Clive Khulubuse Zuma, ont des entrées interactives qui détaillent de manière explicite leurs relations avec le cabinet panaméen MF. S’il n’y a pas de Sénégalais qui y ont une fiche interactive, trois noms et une compagnie sont cités dans les fichiers. Cependant, la mention de ces noms ne signifie pas être coupable ou être impliqué dans une activité illégale.
Atepa Holding, Atepa engineering…
C’est sûrement l’architecte le plus en vue du pays. Le nom du conseiller spécial de l’ex-président Abdoulaye Wade, Pierre Atepa Goudiaby, est cité dans les Panama Papers. Via le cabinet juridique suisse Fidinam SA, Mossack Fonseca a ouvert une société offshore dénommée Atepa Engineering Corp, en 2006, soit la même année que l’ouverture de ses bureaux sur les Champs Elysées à Paris. Atepa engineering est une copropriété entre M. Goudiaby et sa femme Yvette Sissoko, selon les documents classés confidentiels de MF consultés par Ouestafnews. Plus d’une trentaine de courriers ont été échangés entre les représentants de cette boîte et le cabinet MF entre 2005 et 2012.
Le nom de cet architecte de 68 ans, également ingénieur, natif de Baila (Casamance), et fondateur de Atepa Technologies en 1985, figure dans la liste de MF. Atepa a été président de l’Ordre des architectes du Sénégal et de l’Union des architectes d’Afrique. Le concepteur de l’aéroport de Banjul, du bureau de la Bceao à Dakar et bien d’autres réalisations, est également le président des cadres casamançais. Selon les révélations de l’ICIJ, avant la création d’Atepa Engineering, M. Goudiaby a été parmi les actionnaires d’Atepa Holding Ltd, une société domiciliée aux Iles Vierges britanniques, active de 1998 à 2009. Dans certaines correspondances (essentiellement des courriels), le constat a été fait que c’est un intermédiaire travaillant à la banque HSBC qui agissait au nom du propriétaire de l’entreprise.
Mamadou Pouye et DPW
Parler de Mamadou Pouye peut se révéler hasardeux. L’ami d’enfance de Karim Wade est un homme discret. Même après ses passages répétés à la barre de la Crei pour enrichissement illicite, peu de choses percent sur la vie de ce coaccusé de Wade fils. L’actuel détenu de Rebeuss est cité dans l’affaire de Panama Papers, (qualifié à tort d’ex-ministre par le site Mail et Guardian Africa), à travers deux des trois compagnies offshore lui appartenant, Regory et Seabury, que les enquêteurs de la Crei avaient mentionnées dans les auditions. Par contre, pour la troisième, Latvae Inc, aucune relation d’affaire avec le Port n’a été spécifiée. Les documents parcourus ne montrent pas de transactions via Latvae Inc, ce qui ne paraît guère surprenant dans la mesure où Regory et Seabury constituaient les piliers de l’activité offshore. Si la Crei n’a pu établir de manière irréfutable le lien entre Dubai Port World et les deux sociétés de Mamadou Pouye, les documents estampillés ‘’secrets et hautement confidentiels’’ renseignent qu’à travers Seabury, M. Pouye a ficelé avec DP World, plusieurs contrats chiffrés en millions de dollars.
Ainsi plus de 4,7 milliards F CFA ont atterri dans les comptes de la compagnie sur la base d’un premier contrat de ‘‘consulting et de conseil’’. DP World est revenu à la charge pour un contrat de ‘‘conseil’’ couvrant la période 2013-2015 portant ‘‘exclusivement’’ sur ses intérêts en Afrique. Et selon les termes de ce second accord conclu, Seabury devait encaisser plus de 7,6 milliards F CFA, dont 1 milliard 724 millions dès signature. Le montant cumulé de ces deux accords s’élève à pas moins de 12 milliards F CFA.
La CSE et Diassar Investment
‘‘Les faits sur lesquels porte votre interpellation remontent à plus de vingt ans (…) ; rien ne nous oblige à vous répondre.’’ C’est ainsi que le secrétaire général de la Compagnie sahélienne d’entreprises (CSE), Birane Wane, a réagi suite à la saisine de nos confrères de Ouestafnews. Deux questions portant sur la légalité ou non d’une transaction et si Diassar Investment appartenait au patron de la CSE. En effet, dans les archives du cabinet Mossack Fonseca, figure une transaction effectuée en août 1998 par la CSE, une des plus grandes entreprises privées de travaux publics en Afrique de l’Ouest.
Via une entreprise dénommée Diassar Investment limited, la CSE a effectué un virement de 5 424 000 (francs français à l’époque) à l’ordre de la Nouvelle Menuiserie Provençale, une PME qui logeait à la zone industrielle de la Sodida, à Dakar. L’argent qui a circulé entre deux entités établies dans le même pays, est issu d’un compte de la CSE, logé à la banque Crédit Commercial de France (devenue, aujourd’hui HSBC France). Dans les fichiers de MF, un compte-rendu de réunion mentionne, noir sur blanc, le propriétaire de la Cse comme directeur de Diassar Investment, domicilié aux îles Vierges Britanniques avec comme client (intermédiaire), le Crédit Commercial. Des experts contactés par Ouestafnews nous ont précisé que la transaction peut être parfaitement légale.
Seydou Kane, illustre inconnu
Seydou Kane est inconnu au bataillon. L’homme d’affaires 'sénégalo-gabono-malien', détenteur d’un passeport diplomatique sénégalais, est sorti de l’ombre avec le livre de Pierre Péan : ‘‘Nouvelles affaires africaines’’. Très bien introduit dans le milieu d'affaire de ce qui semble rester de la 'Françafrique', le natif de Madina (Mali) s’est attaché les services de Mossack Fonseca au Panama, pour créer deux sociétés offshore. Elles auraient servi à couvrir les activités de la présidence gabonaise.