La Place de l’Obélisque a renoué hier avec une tradition vieille de plus d’un demi-siècle. Un défilé militaire et civil riche en couleurs a ponctué toute la mi-journée d’hier pour faire partager à tous les Sénégalais le bonheur de souffler 56 bougies.
Ceux qui sont arrivés après 9 heures n’avaient pas où s’asseoir dans une tribune de presse prise d’assaut par les journalistes. Tout était déjà en place dès le petit matin, pour un défilé grandeur nature, sur le boulevard du Général de Gaulle, à la Place de l’Obélisque. Un jalonnement d’hommes en treillis veillait scrupuleusement à contenir le public, qui arrivait par groupe, derrière les barrières en métal, alors que ceux qui avaient le précieux sésame, carton d’invitation ou badge de presse, passaient sous le portail magnétique avant de se voir indiquer la voie. La place était dans ses plus beaux atours.
Partout, drapeaux, drapelets, ou étendards vert-jaune-rouge flottaient au gré d’un vent peu fort mais régulier. Dotée de tribunes de part et d’autre, la décoration et les peintures du boulevard aux couleurs nationales étaient un ravissement pour la vue. La place accueillait déjà la musique principale des Forces Armées. Tambours, cymbales et grosses caisses, frappés d’une étoile jaune au milieu, assortis aux épaulettes de leurs tenues sombres, ils ont assuré la première partie du défilé qui aura duré près de quatre heures. ‘‘Après, ce sera au tour de la fanfare de la Police nationale d’animer le défilé civil’’, explique l’un des officiers de la Direction de l’information et des relations publiques des armées (Dirpa). A leurs côtés, statiques comme des quilles, les éléments de la garde présidentielle en cape rouge et pantalon bleu.
Alors que l’écran géant, en face de la tribune officielle, montrait en direct le président de la République quittant le Palais, une forte détonation saisit quelques-uns d’effroi. La première d’une salve de 21 coups tirés pour annoncer l’imminence de l’arrivée du premier des Sénégalais, qui aura lieu un quart d’heure plus tard. Les habitués de l’événement n’ont pas été surpris contrairement aux néophytes qui ont été quelque peu apeurés par le grondement des armes. ce fut alors le ballet des autorités sous les sirènes hurlantes des motards qui ont escorté le Haut-commandant de la Gendarmerie, Mamadou Guèye Faye, le Cemga Mamadou Sow, la Présidente du Cese, Aminata Tall, le Premier ministre Mahammad Dionne et le président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse avant la venue du chef de l’État à 10 heures.
Sécurité
Cette année, la sécurité était le thème central. Et pour y coller, l’organisation n’a pas badiné avec. Rarement la Place de l’Obélisque aura été si cadenassée. D’ailleurs sur les toits des résidences surplombant le Boulevard, des silhouettes d’hommes armés se détachaient ne laissant voir que la crosse de leurs armes qui se prolongeait comme une excroissance du bras, par un temps assez chaud. ‘‘Il fallait trouver le juste milieu entre ne pas faire de concession sur la sécurité et inclure le maximum de citoyens pour cette fête qui est la leur’’, se justifie l’officier détaché auprès de la presse.
Mais c’est surtout le rehaussement des équipements des Forces de défense et de sécurité dans un contexte géopolitique marquée par la menace extrémiste qui a rassuré tout le monde sur l’état de la sécurité intérieure. Ainsi la légion de la gendarmerie d’intervention a tenté de rassurer avec, innovation de taille, l’unité scanner mobile qui compte trois brigades. Le bataillon d’infanterie avec ses véhicules Ram MK 2000, le bataillon de blindés et ses Humvees acquis en 2015 et le bataillon d’artillerie ont eu les grâces de l’applaudimètre du public. Contexte oblige ? Les forces spéciales, un détachement d’une trentaine d’éléments, ont également défilé dans des tenues sombres qui ne laissaient apparaître que les yeux.
Le Sénégal a opté pour une approche préventive en lieu et place d’une démarche curative. ‘‘Nous voulons asseoir les bases d’une résilience nationale forte face aux multiples dangers qui menacent notre commun vouloir de vie commune’’, lance le directeur de l’information de la Dirpa, le colonel Abou Thiam, maître de cérémonie du défilé. Et comme l’ont suggéré les politiques, les forces de défense sollicitent ‘‘une vigilance populaire, proactive et discrète ainsi qu’une implication anticipative et responsable de la population’’.
L’ombre de Doudou Ndiaye Rose
La fête a été belle. Le défilé aérien, plus modeste, a toutefois répondu aux attentes. La traînée de fumigène aux couleurs nationales laissée par l’hélicoptère Bell 206 est presque passée inaperçue car elle coïncidait avec les fameuses prestations des majorettes. Les ‘filles’ de l’institut Notre Dame du Liban ont comme à l’accoutumée assuré le show. Elles étaient en minijupes roses assorties à leur couvre-chef, ainsi que des bottes et gants blancs, à assurer l’entracte avant le commencement du défilé civil.
Mais les plus attendues étaient sans doute celles du Lycée John Fitzgerald Kennedy qui ont dû se livrer à leur première prestation sans le tambour-major Doudou Ndiaye Rose depuis 1975. L’initiateur des majorettes, avec Germaine Akogny professeur d’EPS au lycée d’alors, a été remplacé par son fils qui a porté la même tunique du Sénégal comme son pater en pareille circonstance. Les lycéennes, tenues jaunes frappées d’une étoile verte au centre et santiag rouge, ont été les dernières civiles à parader avant le défilé motorisé. Une belle fête avec un seul bémol : la séquence filmée de la revue navale n’a pas été visionnée.