Lors du dernier Conseil des ministres, le Président Macky Sall a annoncé des décisions pour redynamiser le théâtre. Interrogés par EnQuête, quelques professionnels donnent leur avis par rapport à cela.
Enfin ! Certaines des sempiternelles réclamations des comédiens sont prises en compte par le gouvernement actuel. En Conseil des ministres mercredi passé, le président de la République a annoncé de nouvelles mesures allant dans le sens de résorber bien des difficultés. Parmi celles-ci, l’absence de formation et le financement des productions. Ce qui ravit les professionnels du quatrième art joint hier par EnQuête.
‘’Je pense que le président de la République a démontré aux yeux des acteurs culturels, de la nation sénégalaise, qu’il est en train de faire ce qu’il a toujours promis. C’est-à-dire de donner aux acteurs culturels, aux comédiens, la place qui est la leur dans l’échiquier national’’, s’enthousiasme le président national de l’Association des artistes comédiens du théâtre sénégalais (Arcots), Pape Faye. Encore que c’est la première fois, pense-t-il, qu’un Président sénégalais évoque les problèmes du théâtre dans un Conseil des ministres. C’est qui remplit de joie aussi le responsable de la troupe ‘’Daaray Kocc’’, Pape Demba Ndiaye. ‘’Je me réjouis qu’il y ait eu un Conseil des ministres au cours duquel on a fait état du théâtre sénégalais et de la situation des comédiens.
C’est une grande première au sommet de l’Etat. Nous en remercions très vivement le président de la République’’, se satisfait-il. Surtout que pour Pape Faye, ‘’rien n(obligeait le Président à prendre des mesures pour le théâtre et le dire en Conseil des ministres’’. Et lui et ses collègues ne pensent pas que cette annonce est juste une simagrée. Le directeur de la troupe dramatique de Sorano, Ibrahima Mbaye quant à lui, admet que ces mesures viennent à point nommé. ‘’Nous déplorons depuis très longtemps le manque de budget de productions et la formation au niveau de l’école des arts’’, se rappelle-t-il. Toutefois, s’ils s’excitent, ils n’oublient pas pour autant les urgences de l’heure et définissent même les grandes lignes que doivent suivre ces nouvelles mesures. Comme l’a dit Ibrahima Mbaye, l’ouverture de la section d’art dramatique doit être imminente.
Mais pas plus que l’octroi d’un lieu adéquat pouvant accueillir l’école des arts. ‘’Il faut soutenir l’école des arts et lui donner un site qui puisse permettre aux élèves, sur le plan pédagogique, de bénéficier d’une formation complète. C’est un bâtiment de logements qui abrite l’actuelle école des arts. Ceux qui connaissent un peu la formation en art dramatique savent qu’il y a plus de cours pratique que de théories. Il leur faut donc plus qu’une petite salle de classe pour recevoir une bonne formation’’, précise Ibrahima Mbaye. Cependant, il ne faut aussi résumer la formation à la section art dramatique de l’Ena. On doit penser aussi à ceux-là qui n’ont pas accès à cette institution académique. D’autant plus que, comme le souligne Ibrahima Mbaye, ‘’il y a des gens qui sont à la tête de troupes locales et qui sont capables de former et de réaliser des productions dignes du théâtre’’. Même s’il reconnaît, en outre, qu’ils ne sont pas nombreux. Au-delà de ces derniers, il y a les formations qu’initie l’Arcots. ‘’Aujourd’hui, nous sommes en train de former des comédiens.
Mais pour une formation parfaite, il faut plus de moyens. Nous faisons des formations croisées. C’est-à-dire, on prend un groupe d’experts, de techniciens du théâtre de Dakar qu’on envoie à Kaolack par exemple pour une formation. On prend après ceux de Kaolack pour les envoyer à Saint-Louis. Et on continue ainsi en faisant des échanges entre régions. A la fin, on organise un grand atelier avec tous ceux qui ont participé’’, explique Pape Faye. Ainsi, les créneaux existent pour une formation pour tous. Tout comme les ressources humaines. ‘’On a des comédiens qui quittent le Sénégal pour aller former des gens ailleurs. Moi, cela m’est déjà arrivé. On a des formateurs en régie sons, en régie lumières, en costumes, etc.’’, informe Pape Faye. Ce dernier souhaite par la même occasion que la formation ne s’arrête pas aux comédiens. Et pour Pape Demba Ndiaye, ‘’il faut concilier la formation académique et celle sur le tas’’.
Par ailleurs, les comédiens espèrent que les mécanismes de financement de la production seront comme celui du septième art ou encore des cultures urbaines. Donc, comme ces deux secteurs, le théâtre aussi espère avoir son fonds annuel. Seulement, il y a des choses à éviter comme confier ce fonds aux télévisions. ‘’Il ne faut surtout pas que l’argent alloué au théâtre soit géré par les télévisions. Si on fait cela, on fausse tout.
Ce sont les télés qui devaient nous aider mais les télés ne donnent que des miettes par rapport à ce que nous apportons’’, dénonce le responsable de ‘’Daaray Kocc’’. Il propose au ministère de la Culture et de la Communication de mettre sur place une commission. Cela pourrait être comme le Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Fopica). ‘’Il ne doit pas forcément être comme le Fopica. Parce qu’il y a à dire sur ce fonds qui n’a pas financé un seul téléfilm. Ce qui est une aberration. Je pense qu’il faut gérer comme le Fopica en l’améliorant. Par exemple, il ne faudrait pas que tous les porteurs de projet siègent à la commission’’, demande Pape Demba Ndiaye.