Sans passion, des experts du management décortiquent la stratégie d’Aliou Cissé et de ses ex-coéquipiers de 2002 à la tête du Foot sénégalais. Beaucoup de choses à revoir dans la copie.
L’équipe du Sénégal a (presque) gagné sa place à la prochaine Can en 2017 au Gabon. Malgré cette performance, le système d’Aliou Cissé pose questions. En dehors et sur le terrain. Présenté comme un homme rigoureux, voire autoritaire, la méthode Cissé est un modèle mixte, fondé sur la discipline de groupe et l’influence des “grands frères”.
Pour booster la performance de ses poulains, l’ancien capitaine des Lions n’hésite pas à appeler ses anciens camarades de jeu. C’est ainsi que lors du match contre Madagascar, El Hadji Ousseynou Diouf était “invité officiellement” pour parler avec les Lions lors des séances d’entraînement. En préparatifs du match contre le Niger, Diouf, en mentor, a aussi fait des apparitions spontanées au stade Léopold Senghor, ravissant la vedette aux joueurs.
De façon plus formelle, une poignée de la génération dorée de 2002, des ex-coéquipiers de Cissé, occupent des positions-clés dans le dispositif du management du football sénégalais.
Le dernier à avoir pris officiellement sa place dans le foot sénégalais, c’est Kalidou Fadiga. L’ancien N° 10 des Lions est nouvellement chargé du marketing et du sponsoring de la Fédération sénégalaise de foot. “Il parle anglais et il a un bon carnet d’adresses à l’international”, explique un observateur. Sous Cissé, Tony Sylva est devenu le coach attitré des gardiens de but de la Tanière sans avoir fait ses diplômes.
Oumar Daf fait des piges ponctuelles dans le staff technique des Lions, tout en gardant un pied à Sochaux, son club formateur.
“Ce sont des copains, ils viennent donner un coup de main à leur camarade. C’est une affaire de génération, si Cissé réussit, c’est aussi leur succès”, analyse le journaliste Pape Lamine Ndour pour expliquer cette forte implication des ex-coéquipiers de Cissé.
Un autre ténor de la génération dorée de 2002 a trouvé un job dans le système. Lamine Diatta est le coordonnateur de l’équipe nationale. Toujours aussi discret, il est chargé de préparer les regroupements et, en éclaireur, détecter les bons hôtels pour le confort de Cissé et Cie à l’étranger. Diatta était déjà en place sous Giresse. Il a remplacé à ce poste un ancien co-équipier dans la défense de l’équipe de 2002 : Ferdinand Coly.
Cette présence massive des “copains” dans le système à un impact sur Cissé. D’autant que le coach national dit prêter une oreille attentive à son entourage. "Je suis d’une grande humilité. J’écoute ce que les gens disent, il n’y a pas de problème", a-t-il assuré dans un entretien paru dans l’édition de mercredi du quotidien L’Observateur.
Très écouté par Aliou Cissé, Salamane Ba confirme effectivement que le groupe de 2002 à une vraie influence sur la marche du foot sénégalais. “Ils ont une influence sur Cissé, puisque c’est leur rôle, c’est un staff, ils discutent entre eux”, explique-t-il.
L’ancien entraîneur du Port apprécie cette camaraderie de façon positive. “Leur présence dans l’entourage de Cissé fait du bien dans la mesure où ce sont d’ex-footballeurs qui ont la légitimité et les compétences. Ils ont un vécu, l’expérience du haut niveau et de l’Equipe nationale, ils peuvent servir de guide et de conseillers aux joueurs”, estime Salamane Ba.
Manager sportif, Pape Oumar Ba paraît plus réservé : “Le sport, c’est une activité professionnelle, quelqu’un qui n’a pas de compétences n’a rien à faire dans l’entourage de l’équipe nationale.” Président de l’Association des managers du sport, Chamsidine Diatta considère aussi que “cette génération de 2002 a une expérience du haut niveau, c’est un acquis positif. Ils ont été managés par des professionnels”. Seulement, précise-t-il, le “vécu ne suffit pas”. “Manager nécessite un bagage et cela renvoie à des connaissances conceptuelles, relationnelles et techniques pour pouvoir anticiper sur les problèmes”, avertit M. Diatta.
De son côté, son collègue M. Ba craint que cette présence ne soit “envahissante” à la fin. A juste titre ? “J’ai été surpris de voir Diouf dans les vestiaires avec ses gardes du corps lors du match contre le Niger à Dakar. Cette valse n’existait pas sous Giresse ou Amara”, constate le journaliste Lamine Ndour.
Fort de son statut d’ancienne gloire, le double Ballon d’or africain avait sans doute pour mission de requinquer les joueurs. “Fadiga est aussi très présent et discute beaucoup avec les joueurs, lors des regroupements”, ajoute Ndour, habitué de la Tanière.
Mais le manager Ba estime que cette stratégie d’influence mise en place par Cissé a des “limites sur des joueurs mûrs, professionnels, qui évoluent dans de grands championnats et savent déjà ce qui les attend en équipe nationale.”
“Ils croisent chaque semaine un Messi ou un Ibrahimovic sur la pelouse, est-ce que les exploits lointains de Diouf peuvent les impressionner ?” se demande un journaliste.
Selon le manager Ba, “cette stratégie basée sur un “modèle à imiter” aurait plus d’impact sur de jeunes joueurs, donc dans les petites catégories nationales’’. Pour Aly Hann, sociologue et enseignant en management stratégique, il n’est pas besoin d’importer un modèle préexistant ailleurs, il n’y a pas de méthode qui vaille, ce qui compte ce sont les résultats’’. Une façon de dire Wait and… Cissé.