La jeunesse sénégalaise n’est pas préparée à apporter un changement positif à la société, a estimé Sobel Aziz Ngom, le directeur exécutif de Social Change Factory, une ONG qui promeut le leadership citoyen des jeunes en Afrique.
"Il faut investir dans la jeunesse et arrêter de dire, sans vraiment le penser, que cette jeunesse est l’avenir, qu’elle va changer les choses. Elle ne va rien changer du tout si elle n’est pas préparée à pouvoir le faire, et la façon dont elle est formée aujourd’hui n’est pas une façon par laquelle on pourra changer les choses", a soutenu M. Ngom dans un entretien à l’APS.
"Ce sont des inepties de dire que la jeunesse sénégalaise est encline à l’ironique système LMD (lutte, musique, danse, ndlr). Je pense que cette jeunesse s’en fout de la musique, de la danse ou du football, en tant que vocation pour elle. C’est-à-dire qu’elle n’y aspire que parce qu’on lui montre que c’est à travers ça qu’elle peut avoir ce qu’elle veut", a-t-il dit.
Selon lui, "le problème fondamental est qu’on ne montre pas suffisamment à ces jeunes qu’ils peuvent réussir en faisant des choses différentes".
"Il nous faut davantage mettre en lumière ce qui marche chez nous, parce qu’il y a, en effet, des choses qui marchent très bien, et c’est ce que nous essayons de montrer à travers +Voix des jeunes+, une émission qui est diffusée depuis l’an dernier sur la 2STV (privée)".
"Voix des jeunes" est un programme de leadership, une compétition télévisée où des étudiants d’universités publiques et privées sénégalaises sont formées à rechercher puis à exposer des solutions jugées efficaces et adaptées à la résolution des problèmes socio-économiques clés à travers le monde.
"Cette émission ambitionne de faire émerger une nouvelle génération de modèles et de références à suivre, parce qu’il y a des jeunes qui vont la regarder et qui vont voir d’autres jeunes être récompensés pour avoir non seulement discuté de choses utiles, mais aussi pour avoir apporté des solutions aux problèmes qui s’imposent à nos sociétés", a indiqué Sobel Aziz Ngom.
L’objectif, c’est d’amener les jeunes qui suivent cette émission à "s’identifier à ceux qui participent. Le problème chez nous c’est qu’on ne fait pas rêver les gens. On ne les fait pas aspirer à mieux, on ne leur donne pas des références et des modèles qui peuvent les inspirer", a-t-il ajouté.
Dans cette perspective, "Voix des jeunes" ambitionne de "refondre toute une façon de penser", a indiqué son initiateur.
"Notre slogan (#Soyons solutions) est par exemple beaucoup plus qu’une signature ; c’est un état d’esprit que nous essayons de transmettre aux participants, afin de les engager de façon plus responsable face aux grands défis qui s’imposent à nos sociétés", a-t-il avancé.
Et d’invoquer l’assertion de Martin Luther King, selon laquelle "la vraie compassion, ce n’est pas de jeter une pièce à un mendiant, c’est comprendre la nécessité de restructurer l’édifice même qui produit les mendiants".
"C’est ce qu’on essaye de faire à +Voix des jeunes+ : faire penser, amener les jeunes à voir les choses différemment et à essayer de se dire que la solution n’est pas de donner du poisson au pêcheur ou uniquement lui apprendre à pêcher, mais c’est de réfléchir à transformer le système de pêche de façon structurelle", a-t-il dit, évoquant le rôle que "devraient" jouer les médias dans cette optique.
Pour le directeur exécutif de Social Change Factory, il y a au Sénégal une élite intellectuelle "à qui on ne donne pas de la place pour s’exprimer. On préfère, pour des raisons de showbiz, donner de la place à des politiques ou à tout ce qui peut créer un petit buzz".
Or, au Sénégal, "il y a des gens extrêmement brillants qui font des choses extraordinaires, mais qu’on ne montre pas, parce qu’on considère qu’ils ne sont pas vendables", fait-il valoir.
"Dans notre situation, on cherche à amorcer un changement à grande échelle, pour ce faire, on doit utiliser un canal qui touche le plus grand nombre personnes. La télévision a le potentiel de devenir un outil au service du développement et on considère par là que chaque personne peut être amenée à adopter notre état d’esprit", a-t-il poursuivi.
En juin 2015, le président sénégalais, Macky Sall, avait insisté sur la qualité des contenus des médias lors du lancement de la Télévision numérique terrestre (TNT) au Sénégal.
"Je pense qu’il ne peut pas dire autre chose, vue la réalité actuelle. Je pense aussi qu’il (Macky Sall) doit faire un certain nombre d’efforts pour accompagner les initiatives qui vont dans ce sens et sans prétention, je n’ai vu aucun jeune s’approprier davantage un projet ou un programme du Plan Sénégal émergent autant que ceux qui participent à +Voix des jeunes+ et certains l’ont clairement démontré l’an dernier durant la première saison", a réagi Sobel Aziz Ngom.
Le Plan Sénégal émergent (PSE), est le nouveau référentiel des politiques publiques au Sénégal. il consiste en un ensemble de projets et programmes dont la mise en oeuvre devrait permettre au pays d’atteindre l’émergence à l’horizon 2035.
La deuxième saison de "Voix des jeunes" doit démarrer en juin prochain et va être diffusée tous les vendredis, à partir de 21 heures, sur la télévision privée 2STV.