Le 20 mars prochain à l’issue du dépouillement, un seul camp sortira vainqueur. Celui du NON, du OUI ou de l’abstention. Dans chacun des trois cas, il y aura des conséquences politiques à la fois pour la majorité présidentielle et l’opposition. EnQuête a essayé de trouver les bons ou les mauvais points pour chaque camp.
C’est parti pour la campagne référendaire, depuis samedi dernier. Les deux camps, celui du OUI et celui du NON, sont allés à l’assaut des populations pour les rallier à leurs causes respectives. Si les arguments avancés de part et d’autre sont relatifs à la démocratie, à l’Etat de droit ou encore à la morale, il n’en reste pas moins que, pour les partis, le principal gain attendu de cette consultation populaire est essentiellement politique. La coalition présidentielle, particulièrement, la formation au pouvoir, est sans doute la partie qui joue le plus gros. Déjà, lors des élections locales de mars 2014, le pouvoir avait perdu certaines grandes villes. La défaite de Dakar a été plus que symbolique.
Le pouvoir ne peut pas se permettre de ne pas faire triompher le OUI. Car, en cas de défaite, sa position sera plus qu’inconfortable jusqu’aux élections législatives en 2017, avec des conséquences qui pourront aller jusqu’à la présidentielle de 2019. Une victoire du NON serait synonyme d’un pouvoir en décadence, un désaveu pour le président de la République et ses alliés. La perte de confiance et les perspectives sombres ne feront qu’empirer la situation. Car, c’est connu, au Sénégal, beaucoup d’acteurs politiques sont en fait des opportunistes. Dès lors qu’ils sentent que le navire est en train de tanguer, ils n’hésiteront pas à quitter le camp en mauvaise posture pour celui d’en face.
De son côté, l’opposition en sortirait ragaillardie. Elle qui met déjà une forte pression sur le pouvoir aura de l’eau dans son moulin. Le climat politique délétère ne fera que s’accélérer. L’opposition voudra précipiter la chute du pouvoir en déroulant sans relâche le rouleau compresseur. Et elle sera sur une position de force pour aller conquérir l’assemblée nationale en 2017 et bloquer davantage les initiatives du pouvoir.
Macky Sall et ses partenaires ont sans doute bien compris que les enjeux sont énormes. Ce qui explique les gros moyens dégagés à Dakar, comme à l’intérieur du pays, pour faire passer le OUI. Ce n’est pas pour rien que celui qui se dit respectueux des institutions ait laissé ses hommes violer la loi électorale, sans réagir. Les affiches ont été visibles à Dakar, bien avant l’ouverture de la campagne. Son ministre Moustapha Diop ne s’est pas caché derrière des cérémonies pseudo-économiques. Il s’est affiché ouvertement. La télévision d’Etat, fidèle à sa tradition de média de propagande, matraque ses téléspectateurs, depuis l’annonce du référendum, pour les persuader de voter OUI.
Gagner par tous les moyens
Dans l’entendement des hommes au pouvoir, le jeu en vaut bien la chandelle. En effet, une victoire du OUI les mettrait dans une position de force très rassurante. Le camp du Président aura un argument de taille face à l’opposition : l’adhésion populaire. Le pouvoir pourra toujours se targuer d’avoir le soutien du peuple. Les actions de l’opposition seront alors considérées comme de l’agitation de gens en mal de popularité. Elle sera donc obligée de faire un peu profil bas. Avec elle, plus ou moins, toutes les autres forces qui se réclament de la société civile et qui ont appelé à voter NON.
Macky et ses hommes pourront par conséquent disposer d’une plus grande marge de manœuvre pour dérouler. Le ciel de 2017 sera sans doute plus dégagé, en direction des législatives. Une position plus que confortable, en attendant que les chantiers soient bouclés pour disposer d’un bilan de campagne à la présidentielle de 2019. Dans cette perspective, il ne faut surtout pas compter sur le patron de l’APR pour un dialogue politique avec ses adversaires. Car, s’il ne l’a pas fait au moment où les choses étaient moins certaines, il est peu probable qu’il le fasse, quand il sera sûr de lui.
Abstention : le rejet de toutes les offres
Il existe cependant un troisième scénario qui ne ferait l’affaire d’aucun camp et qui ouvrira encore plus le jeu et les enjeux. Il s’agit de la victoire de l’abstention. Aux premières heures de l’annonce du référendum, il y a eu trois camps qui se dégageaient, celui du OUI, celui du NON et celui du boycott. Avec le temps, le camp du boycott a évolué vers le NON. Autrement, il n’existe à ce jour aucune partie qui vote pour l’abstention. Si jamais cette dernière sort victorieuse de la consultation, aucun groupe ne pourra se l’approprier. Elle reviendrait exclusivement au peuple. Cela voudra dire tout simplement que le peuple aura rejeté toutes les offres qui lui ont été faites. Les protagonistes seraient ainsi renvoyés dos à dos. Conséquence, ce sera le statu quo sur le champ politique. Il sera difficile de savoir quel est le camp en position de force, car tous les deux réunis n’auront pas réussi à mobiliser le seul souverain.
Mais comme savent si bien le faire les politiques, ils feront monter les enchères. Chacun va essayer de chercher des pseudo-arguments pour se justifier ou descendre l’autre. Pourtant, devant un tel cas de figure, il n’y a qu’une seule solution qui devrait s’imposer : se remettre en cause, faire de nouvelles propositions moins politiciennes et plus centrées sur les préoccupations réelles du peuple. Celle par exemple de ce paysan à l’intérieur du pays qui demandait (sans blague aucune), si parmi les 15 points inscrits pour le référendum, il y a un qui concerne la réduction du prix du riz.