Serigne Diop réplique à Ismaïla Madior Fall. Si le constitutionnaliste entend voter Oui au référendum pour éviter une éventuelle remise en cause de la légitimité du Président Sall, il a en revanche dit Non aux arguments du ministre conseiller du président de la République qui parle de décision et non d’avis du Conseil constitutionnel.
Le constitutionnaliste Serigne Diop est sur la même longueur d’onde que celui qu’il appelle son «maître» et «maître de tous», en matière constitutionnelle, Seydou Madani Sy. «Je crois que mes collègues Ismaïla Madior (Fall) et Mounirou Sy- je les apprécie très bien puisqu’ils ont tous été mes étudiants en première année dans le cours de droit constitutionnel- se sont trompés. Et si nous continuons d’en parler c’est parce que cette erreur peut être lourde de conséquences», contre-attaque Serigne Diop. Mieux, l’invité de «Grand jury» de la Rfm hier ironise : «Il n’est pas impossible qu’à l’examen, l’article 51 soit donné aux étudiants en première année de droit pour commentaire. Un étudiant de première année ne peut pas et n’a pas le droit de confondre l’avis prévu à l’article 51 relatif à la décision du Conseil constitutionnel et l’article 92 de la Constitution.» Il se réjouit par conséquent que «45 universitaires corrigent un de leurs collègues». Pr Diop ajoute : «C’est quand même impressionnant. Je suis absolument en phase avec eux. Je voudrais d’ailleurs solennellement leur exprimer mon respect et toute ma considération.»
«Aucune relation possible entre l’article 51 et l’article 92»
Si Serigne Diop se garde de commenter l’«avis» des 5 «sages», il considère en revanche qu’il n’y a «aucune relation possible» entre l’avis de l’article 51 et l’article 92, soulignant qu’un avis conforme ne se présume pas. «Il doit toujours être précisé par le texte qui prévoit l’avis. Quand on ne précise rien, c’est que c’est un avis consultatif. Je n’aimerais pas faire un commentaire de l’avis du Conseil constitutionnel à travers une radio. Laissons le soin à la faculté de le commenter», dit-il.
«L’article 51 figure dans le Titre 3 consacré au président de la République et c’est d’ailleurs dans ce titre qu’on a les compétences du Conseil constitutionnel en ce qui concerne l’élection du président de la République. Les attributions juridictionnelles, au sens de juridiction, se situent à l’article 92 de la Constitution sous le Titre 8 intitulé ‘’Du pouvoir judiciaire’’. L’article 92 dit dans son alinéa premier : ‘’Le Conseil constitutionnel connaît de la constitutionnalité des lois, des conflits de compétences entre l’Exécutif et le Législatif ainsi que des exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour suprême.’’ L’alinéa 2 dit : ‘’Les décisions du Conseil ne sont susceptibles d’aucune voie de recours.’’ Mais ces décisions dont on parle sont celles qui concernent les cas visés à l’alinéa premier. C’est parce qu’à l’article 51, le Conseil constitutionnel juge. Mais à l’article 92, il ne peut pas juger. Il n’y a donc aucun lien possible entre les deux», argumente Pr Diop.
Mais Serigne Diop précise d’ailleurs que ce que le président de la République a envoyé au Conseil constitutionnel c’était «un avant-projet de loi» et non «un projet de loi» que seul le Conseil des ministres adopte. «On pouvait même l’appeler un document de travail parce que ce n’est pas un acte juridique. Et c’est pourquoi on demande au Conseil un avis et non un jugement sur un texte qui ne fait pas encore partie du commerce juridique», souligne-t-il. Tout compte fait, il précise que «tout ce que le Conseil a donné comme avis ne (le) dérange pas», encore moins la décision du chef de l’Etat de suivre l’avis.
«Une rétroactivité doit toujours être prévue expressément»
Sur cette question, il semble être d’accord avec Ismaïla Madior Fall. «Une rétroactivité doit toujours être prévue expressément. C’est pourquoi d’ailleurs dans les Constitutions, on met des dispositions transitoires. C’est comme le caractère conforme d’un avis. Le Conseil lui a demandé d’enlever (la disposition concernant la réduction du mandat en cours) et c’est parce que c’est un avis. Le Conseil ne peut prendre cela sous forme de décision. (…) Le mandat du président de la République peut être réduit si techniquement le texte est bien fait. Dans le cas d’espèce, le Conseil constitutionnel ne l’a pas conseillé et le chef de l’Etat a décidé, c’est son droit le plus absolu de suivre l’avis du Conseil constitutionnel», explique-t-il.
«Aucune hiérarchie entre la procédure de l’article 51 et celle de l’article 103»
«Il n’y a aucune hiérarchie entre les deux procédures», estime Serigne Diop. Là aussi, il partage la même lecture que Ismaïla Madior Fall. Même si, souligne-t-il, «dans la doctrine, beaucoup d’enseignants estiment que comme il y a un titre particulier prévu pour la révision constitutionnelle, on doit de préférence l’utiliser». Il ajoute : «Mais comme la Constitution prévoit deux voies, le chef de l’Etat est alors libre de choisir l’une ou l’autre. L’article 103 n’exclut pas un référendum ; donc il peut être utilisé.»